INTERVIEWIndividus fichés S: «L'employeur devrait avoir accès à certaines informations»

Individus fichés S: «L'employeur devrait avoir accès à certaines informations»

INTERVIEWPour Yves de la Villeguérin, PDG du groupe Revue Fiduciaire, l'entreprise devrait savoir si elle confie un poste sensible à une personne potentiellement dangereuse...
Illustration d'un ordinateur et d'un smartphone.
Illustration d'un ordinateur et d'un smartphone. - SUPERSTOCK/SUPERSTOCK/SIPA
Céline Boff

Propos recueillis par Céline Boff

En France, 10.500 individus sont fichés S du fait de leur proximité avec la mouvance islamiste radicale. C’était par exemple le cas de Samy Amimour, l’un des trois terroristes du Bataclan. Il s’était radicalisé alors qu’il était en poste à la RATP. Mais son employeur n’en a jamais rien su. Ce qui constitue un « vrai problème », selon Yves de la Villeguérin, PDG du groupe Revue Fiduciaire qui édite le Code du travail annoté.

Pensez-vous que les entreprises devraient avoir accès au fichier S ?

L’employeur est tenu d’assurer la sécurité de ses salariés et il a une responsabilité pénale en la matière. Dès lors, il devrait avoir accès à certaines informations. Je ne dis pas qu’il doit pouvoir consulter librement le fichier S. Celui-ci comporte seize niveaux différents et parmi les 10.500 individus qui y sont répertoriés, tous ne sont pas identifiés comme étant potentiellement dangereux. Mais l’employeur devrait être informé s’il confie un poste sensible à une personne reconnue comme étant potentiellement dangereuse.

Qu’est-ce qu’un poste sensible ?

D’une manière générale, celui qui donne accès aux données administratives ou informatiques de l’entreprise. Ensuite, il serait opportun que les employeurs définissent, par branches, les postes qu’ils estiment sensibles. Ils devraient dès lors avoir la possibilité, pour ces métiers spécifiques, d’accéder à des informations complémentaires. Nous pourrions imaginer qu’ils puissent les demander à un organisme dédié. Ou encore, que les services de police aient l’obligation de les alerter s’ils constatent qu’une personne fichée S occupe chez eux un poste sensible.

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Que dit le Code du travail à ce sujet ?

Il ne dit pas grand-chose. Lors de l’entretien d’embauche, l’employeur peut demander au candidat un extrait de son casier judiciaire, mais ce dernier a la possibilité de ne pas le fournir. Seuls certains employeurs ont le droit de savoir si le candidat possède ou non un casier judiciaire. C’est par exemple le cas de l’administration pour des postes de gendarme ou de policier ou encore des entreprises des secteurs de la petite enfance et de la sécurité. Mais le législateur pourrait envisager d’étendre la fourniture systématique de l’extrait de casier judiciaire à certaines entreprises, ou pour certains postes sensibles.

Les personnes fichées S ne sont pas forcément coupables de délits ni de crimes. N’est-il pas dangereux de les rendre moins « employables » en divulgant certaines informations aux employeurs ?

En les écartant de certains postes, il y a effectivement le risque de les radicaliser davantage. Mais d’un autre côté, pouvons nous laisser une personne fichée S conduire un bus ou piloter un avion ?

Comment les entreprises gèreraient-elles ces informations ?

C’est au législateur de le décider. C’est à lui de dire si une entreprise pourrait rompre le contrat de travail d’un salarié fiché S ou si elle devrait, par exemple, mettre en place une surveillance accrue.

Ce qui implique de modifier le Code du travail…

Sur les 10.500 personnes fichées S, seules 1.000 à 2.000 sont considérées comme étant potentiellement dangereuses. Il s’agit donc de cas exceptionnels qui devraient être gérés comme tel, c’est-à-dire de manière nominative. Par ailleurs, le Code du travail ne s’appliquant pas à toutes les personnes employées, il serait préférable de prévoir dans une loi sur la sécurité la possibilité de rompre le contrat de travail dans des cas avérés de dangerosité de la personne employée. Cela pourrait ensuite être codifié dans le Code du travail.

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