Eric Fottorino : "Face au pouvoir de l'argent, celui des journalistes est faible''

L'ancien directeur de la rédaction du Monde et président du directoire du groupe La Vie-Le Monde livre son regard sur l'état de la presse en France. Pour Eric Fottorino, le conflit majeur qui s'est déroulé à I-Télé doit être analysé à la lumière de l'histoire de la presse, et souligne la faiblesse économique du tissu médiatique hexagonal. "Une faiblesse qui permet ce genre de prédation" et menace, in fine, l'édifice démocratique. Sans indépendance financière, aucune indépendance éditoriale totale n'est possible, assure-t-il, mettant en avant l'aventure entrepreneuriale et journalistique de l'hebdomadaire le 1, qu'il a fondé. Et porte une attention particulière à l'essor de ces "startups médias", qui structurent, affirme-t-il, l'univers médiatique des 30 prochaines années.
"La situation d'I-Télé et plus globalement, celle de la presse française, révèle la faiblesse économique du tissu médiatique hexagonal", analyse Eric Fottorino.

Acteurs de l'économie - La Tribune. Après 31 jours de grève à I-Télé, un accord a été trouvé ce mercredi. Quel a été votre regard sur ce conflit social ? Que dit-il de l'état de la presse en France, et in fine, de l'état de la démocratie en France ?

Eric Fottorino. L'attention générale s'est focalisée sur la situation d'I-Télé où un industriel-actionnaire n'a pas à s'ingérer dans des contenus éditoriaux. Plus globalement, ce conflit a mis en lumière ces capitaines d'industrie qui, tour à tour, ont acheté des fleurons de la presse française : le groupe Le Monde pour le trio Berger-Niel-Pigasse, Libé et l'Express, entre autres, pour Patrick Drahi, et plus récemment donc, Vincent Bolloré, qui contrôle désormais le groupe Canal Plus.

Mais la genèse de ce conflit doit être regardée à la lumière de l'histoire de la presse. Les conflits actuels relèvent d'un péché originel qui se situe à la Libération. Les ordonnances de 1945 ont interdit un capitalisme de presse. L'idéologie du Conseil national de la résistance étant anticapitaliste, il s'opposait à la concentration des capitaux, et donc au fait que les patrons puissent avoir plusieurs médias.

Contrairement à l'Allemagne ou au Royaume-Uni, en France nous avons refusé la constitution de grands groupes de presse capitalistiques, pensant que l'information était un bien culturel, différent, déconnecté de la logique commerciale. Nous avons mis du temps à reconnaître qu'une entreprise de presse était avant tout une entreprise qui devait avoir un modèle économique viable.

Cette sous-capitalisation originelle a été compensée, d'une certaine manière, par le rôle de l'État, via des aides directes et indirectes. La presse a donc été placée, dès l'origine, sous dépendance de l'État. Cette configuration a été plutôt indolore jusqu'aux années 1980, moment où vacille le vieux modèle de la presse, basé sur une double vente du journal aux annonceurs et aux lecteurs. En résulte, déjà, une prise de contrôle par certains industriels, à l'instar de Jimmy Goldsmith à l'Express ou de Serge Dassault. Voir des capitaines d'industrie à la tête de groupe de presse n'est donc pas un fait nouveau.

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Une fois cette mise en perspective effectuée, je souhaite affirmer que le comportement de Vincent Bolloré à I-Télé est évidemment inacceptable : la rédaction d'I-Télé ne fait plus face à une gestion "normale" d'un média. Un comportement qui s'était déjà affirmé à Canal Plus où Vincent Bolloré intervenait directement sur la ligne éditoriale.

Ce genre de personnages estime que leur "réussite" industrielle leur confère une intuition intelligente pour gérer un média. Parce qu'ils sont les patrons, ils pensent pouvoir faire ce qu'ils veulent.

Cependant, il faut reconnaître une chose : la ligne éditoriale de la chaîne était mouvante, et difficile à saisir. C'était une chaîne mal-aimée du groupe Canal. Que Bolloré agisse comme un entrepreneur, dans la mesure où il voulait clarifier le positionnement de cette entreprise, n'est pas anormal. Mais ce qui l'est, ce sont les méthodes, avec notamment le brandissement de Jean-Luc Morandini pour obtenir, a priori, le plus de départs possible. Est-ce une diversion, pour in fine, fermer la chaîne ?

La situation d'I-Télé et plus globalement, celle de la presse française, révèle la faiblesse économique du tissu médiatique hexagonal. Une faiblesse qui permet ce genre de prédation, et révolte, certes les journalistes, mais aussi, une partie de l'opinion publique.

Antoine Genton Itélé

"La situation d'I-Télé et plus globalement, celle de la presse française, révèle la faiblesse économique du tissu médiatique hexagonal", analyse Eric Fottorino.

Vous avez occupé des postes à très grandes responsabilités. À quel moment avez-vous pris conscience que le modèle économique sur lequel était bâtie la majorité des médias français pouvait aboutir à la perte de leur indépendance ?

Comme journaliste je ne m'en suis pas forcément rendu compte, à l'instar de nombreux confrères. Même si mon cerveau reptilien commençait à fondamentalement s'interroger avec l'apparition des gratuits et l'émergence des géants du net. Mais j'ai été confronté à cette équation, de façon très concrète, en 2010, lors de la recapitalisation du Monde. J'occupais alors les fonctions de directeur du journal et de président du groupe Le Monde. Dès lors, j'ai réalisé notre fragilité économique et les conséquences de celle-ci.

En juin 2010 Nicolas Sarkozy, alors président de la République, m'a fait venir à l'Élysée. Lors de l'entretien, il me suggère, avec insistance, de vendre Le Monde au groupe Lagardère, ce que j'ai refusé. En conséquence de ma décision j'ai eu une première menace : alors que Le Monde demandait à l'époque une aide de financement lié au fonds de modernisation de la presse pour son imprimerie, le président m'a affirmé qu'aucune subvention ne serait versée au Monde si je restais sur ma position. Puis, dans le mois qui a suivi ce rendez-vous, Vincent Bolloré m'a fait savoir que Direct Matin - le gratuit édité par son groupe - quittait l'imprimerie du Monde. Une décision qu'a suivie, à son tour, le groupe Lagardère, au détour d'une nouvelle formule du JDD. Enfin, quelques semaines plus tard, Les Échos de Bernard Arnaud m'ont informé qu'ils quittaient également l'imprimerie.

Peu de temps après cette rencontre à l'Élysée, trois proches du président ont donc pris des décisions industrielles lourdes, qui ont atteint Le Monde, non pas au plan éditorial, car aucune prise n'était possible à ce niveau-là, mais au plan financier. Car notre modèle économique n'était pas assez puissant, couplé à des défauts de gestion d'une entreprise menée par des journalistes. Le journal mis en grande difficulté a perdu son indépendance, pour la somme de 50 millions d'euros (le montant de l'acquisition pour le trio BNP, NDLR).

C'est une histoire particulière, car, depuis sa création en 1944, le titre appartenait à ses journalistes-actionnaires. Ce qui imposait, aussi, une certaine schizophrénie : ce qu'ils refusaient comme journalistes-salariés, ils l'acceptaient - ou devaient l'accepter - comme journalistes-actionnaires.

Vous décrivez des pressions politiques à l'encontre d'un organe de presse - qui plus est de "référence" - garant de l'exercice de contre-pouvoir que nécessite toute vitalité démocratique. Comment avez-vous ressenti, à l'époque, ce mélange des pouvoirs ? Quel constat en faites-vous sur la porosité qui peut exister, aujourd'hui, entre monde politique, médiatique et économique ?

Lors du mandat de Nicolas Sarkozy, l'interventionnisme du Président était répété et répétitif à l'encontre des rédactions, et particulièrement auprès de celle du Monde. Face à ce comportement, j'ai constaté qu'on était en train de rétrécir l'indépendance de la presse dans un contexte médiatique où de nombreux autres journaux lui offraient un terrain conquis, du moins favorable. Et ce, dans un contexte économique compliqué.

La démocratie ne fonctionne que par des contre-pouvoirs. Si ces contre-pouvoirs n'existent plus dans les médias, l'éventail démocratique en est alors fortement entamé. Cependant, il y a toujours des directeurs de rédaction, des rédacteurs en chef, des journalistes, animés d'un esprit d'indépendance. Une rédaction n'est pas un chien qu'on mène en laisse : c'est un corps combatif, éruptif, volatile. En dépit de cet esprit noble, la réalité dépend de la marge de manœuvre que peut avoir un directeur pour sa rédaction. Dans les titres de Bolloré, est-il possible de publier un grand reportage sur l'activité du groupe dans les ports africains ? La réponse est non.

"Ce genre de personnages estime que leur "réussite" industrielle leur confère une intuition intelligente pour gérer un média", avance le fondateur du 1.

Un journal qui se revendique indépendant l'est réellement à hauteur de ce qu'il gagne. Si un journal rémunère ses journalistes avec ses ventes, il peut se considérer indépendant. En revanche, si un groupe de presse perd de l'argent de façon structurelle, et qu'il nécessite l'intervention incessante d'un actionnaire aux poches profondes, cela veut dire que cet actionnaire détient le réel pouvoir du journal.

Ces "puissants" sont-ils néfastes pour la démocratie ?

Ces puissants s'achètent des médias comme une sorte de superpouvoirs qui va les mettre à l'abri, du moins les protègent contre des attaques potentielles. L'engagement financier d'un actionnaire dans de telles proportions relève toujours d'une arrière-pensée. Non pas sur l'idée de s'enrichir avec cette acquisition, mais plutôt d'acheter de l'influence, du pouvoir de nuisance, ou de la protection. Voire, pour certains, il représente une arme de dissuasion massive. Avez-vous lu beaucoup de papiers critiques sur Xavier Niel depuis qu'il est copropriétaire du Monde ?

Face aux pouvoirs de l'argent, le pouvoir des journalistes reste très faible. L'enjeu à venir est, selon moi, que les rédactions s'inventent les moyens pour faire des journaux suffisamment rentables pour ne pas avoir besoin, de façon majoritaire, de capitaine d'industrie ou de gens puissants. Et ce n'est pas pour demain la veille.

Pourtant de nombreux projets éditoriaux (CF. le concours Têtes chercheuses), qui s'affirment comme des startups médias, ayant conscience que l'indépendance éditoriale n'est garantie que par une indépendance économique, jaillissent partout en France, en Europe centrale, et dans les pays du Maghreb.  Ne croyez-vous-vous pas à leur potentiel ?

Je regarde avec une grande attention ces initiatives. Même s'il n'y a pas d'âge pour réinventer des modèles, je pense tout de même que la génération d'aujourd'hui, née avec le web, prête à faire de nombreuses expériences, et qui ne considère pas nécessairement le papier comme un ennemi, va inventer de grandes choses.

Je vois l'évolution du secteur des médias sous le prisme de ce qu'était la sidérurgie des années 70. Condamnée à cette époque, elle a su ressusciter dans les années 80 avec les aciers spéciaux. De cette industrie lourde est née une industrie de pointe.

Selon moi, "l'industrie lourde" qu'ont été ces médias, fondés à la fin du XIXe et qui ont connu l'âge d'or du XXe siècle, évoluera vers d'autres modèles. Les nouveaux titres qui naissent aujourd'hui, avec un capital de départ beaucoup moins important, sont en train de structurer l'univers médiatique des 30 prochaines années.

La technologie et les évolutions sociologiques - les frontières du journalisme sont devenues plus poreuses, et désormais, l'information est une grande conversation et non plus un cours magistral - augurent une vraie révolution. Nous n'avons encore rien vu. Le potentiel est immense.

Demain, le paysage de la presse sera-t-il un vaste écosystème de plusieurs "petits médias", fragmenté, local et thématisé, voire de niche ? Où imaginez-vous qu'un nouveau "Monde" puisse voir le jour ?

Les médias historiques, même s'ils ont, parfois, une image écornée, ont tout de même une crédibilité. Ils vont bon gré mal gré se réinventer aussi. Ce socle-là, à mon sens, continuera d'exister, mais avec deux interrogations importantes qui structureront leur mutation : la capacité d'investissement de ces journaux afin de s'adapter aux évolutions fortes du secteur ; la gestion de leurs coût fixes, encore très importants, même s'ils commencent à se délester d'une partie de ces frais, notamment ceux liés à la gestion d'une imprimerie.

En revanche, je ne pense pas que demain, un média total et fédérateur, comme l'ont été la messe du 20 heures ou les grands titres des années 70, puisse naître. Cette composition est dernière nous, car la société a évolué. Cette évolution s'inscrit dans l'histoire de la presse : les journaux d'opinion ont presque tous disparu, mise à part l'Humanité. Ils ont laissé place à des titres généralistes, et la prochaine étape, qui est en train de se dessiner, laissera la place à une multitude de relais d'information.

Le maillage de l'information actuellement en construction est, à mon sens, très intéressant à étudier. Le 20 heures télévisé reste important, mais les téléspectateurs savent bien que l'information essentielle passe également sur d'autres canaux.

Cette fragmentation, déclenchée par l'essor de nouveaux titres, ne veut pas dire impuissance pour ces derniers. Au contraire, ces jeunes médias sont en train de construire leur propre influence, auprès d'une communauté bien plus identifiée. Ils n'auront certes pas la puissance globale d'antan, mais leur impact sera réel, car ils s'adresseront de façon plus proche à leur lectorat. Ce nouveau rapport à l'information viendra en grande partie des réseaux sociaux et de leurs capacités et stratégies à toucher, au plus près, les internautes en fonction d'une information précise et personnalisée. En ce sens, les algorithmes auront un rôle majeur dans l'avenir de la presse.

Les GAFA et leurs algorithmes sont-ils, justement, une chance ou un danger pour la pluralité de la presse, et surtout, pour la liberté d'information des citoyens ?

Angela Merkel (chancelière allemande, NDLR) mettait récemment en avant la nécessité d'imposer la transparence sur la manière dont chacun de nous est calculé. Facebook, par exemple, se présente comme la multitude avec plus de 1,7 milliard d'utilisateurs. Il se présente comme une fenêtre unique sur le monde, une possibilité d'avoir des nouvelles aussi bien de ses amis que du monde. Mais ce n'est pas vrai. Facebook n'expose pas à la diversité. En termes d'information, c'est comme si vous rentriez dans un kiosque, et, si vous êtes lecteur de Libération, seul ce journal sera dans les rayonnages. C'est préoccupant, car aujourd'hui, le média le plus puissant, Facebook, ne produit pas d'informations. Et, à travers, sa bulle filtrante, organise une nouvelle hiérarchie de l'information.

Face à ces mutations technologiques et comportementales, la question de l'éducation est primordiale. Ces outils doivent être appréhendés et expérimentés dès l'école, afin de développer un esprit critique fort.

Alors que le défi économique des médias est un enjeu majeur pour assurer leur indépendance, l'autre pan du chantier s'inscrit dans la nécessité de renouer un lien de confiance entre les journaux et les citoyens...

Il faut réinstaurer ce rapport de confiance avec le public. L'explosion de l'information en continu a eu, sur ce lien de confiance, des conséquences très néfastes. La hiérarchie, la contextualisation et la mise en perspective de l'information ont été mises à mal. Les slow media (médias lents, NDLR) qui fleurissent veulent, par exemple, renouer avec cette confiance. Mais au-delà de ces initiatives ciblées, le contrat de lecture entre les producteurs d'informations et les consommateurs doit être réinventé. Cette confiance ne se décrète pas. Elle doit être mise concrètement en place par les journaux. Cela peut passer par un effort intense pour les titres à aller vers leurs lecteurs, leurs attentes et leurs contraintes.

Vous avez justement lancé une aventure éditoriale et entrepreneuriale en créant le 1. Aujourd'hui, vous avez su tisser un vrai contrat de lecture avec votre public, prouvé notamment par les ventes du journal en kiosques, les 14 000 abonnés, et la situation financière à l'équilibre du journal. Quel bilan faites-vous de ces premières années, aussi bien en tant que journaliste qu'en tant qu'entrepreneur ?

J'ai dirigé une grosse entreprise : Le Monde. Mais je n'étais pas tout seul. J'avais des directeurs financiers, des DRH. J'étais le journaliste-chef d'orchestre de cette belle machine. Dans le 1, je suis en première ligne pour conduire l'entreprise. Ce que je trouve fascinant, c'est de voir comment d'une première idée en germent de nombreuses adjacentes qui assurent, in fine, le développement de l'entreprise ; tout en confortant l'idée originelle, tout en apportant un équilibre financier et des perspectives dynamiques.

Cette dynamique se traduit par la publication de nos premiers livres, de nos premiers hors séries, et plus récemment, par la signature de la première licence concédée, qui sera exploitée par le quotidien italien la Stampa. Notre idée était de capitaliser sur la matière grise, en réutilisant différemment nos productions. Nous dessinons ainsi un modèle économique vertueux.

Eric Fottorino

Eric Fottorino, lors des Têtes chercheuses crédits : Johann Prod'homme

Après deux ans et demi d'existence et 130 numéros, le 1 est également, d'un point de vue journalistique, une expérience très excitante. Nous avons réinventé un journal sur un support connu : le papier. En faisant le pari de déplier un journal plutôt que de le feuilleter, nous avons attiré la curiosité. Au plan éditorial, nous avons su sortir de l'entre soi journalistique, en associant à la réalisation des numéros, aussi bien des écrivains, des poètes, des artistes, des chercheurs, avec le dessein d'aborder des thèmes qui ont un écho dans l'actualité.

Le fait que chaque semaine, 30 000 personnes achètent cette feuille pliée en trois met à mal l'idée qu'il existerait une fatalité numérique qui tuerait obligatoirement le support. Le support est à mon sens neutre. Ce n'est pas tellement celui-ci qui est important mais c'est profondément le contenu qui fait la richesse et l'intérêt d'un titre.

L'aventure du 1, en ce sens, correspond à mon analyse : celle que la crise des médias n'était pas une crise du support, mais des contenus. En réinventant le contenu, selon des critères donnés, les lecteurs suivent. Ce ne sont jamais les lecteurs qui vous diront quel journal ils souhaitent. C'est aux journalistes de deviner ce qui pourrait intéresser le public.

À l'heure du journalisme participatif et du crowdsourcing, vous semblez pourtant toujours ériger le média comme un prescripteur universel...

Ce sont à mon sens deux choses différentes. Je considère que les lecteurs peuvent nous apporter des idées. Mais un journal ne peut pas être pensé collectivement uniquement par des lecteurs. Il faut avoir, à un moment donné, des intuitions et des convictions journalistiques qu'il faut savoir imposer. Celles-ci doivent être adossées à une analyse des attentes des lecteurs, par de l'écoute et de l'anticipation, mais aussi, à une ouverture à d'autres compétences.

Une des grandes défaites du journalisme est l'entre soi. Le 1, en faisant appel à des contributeurs non journalistes, permet de recentrer la réflexion sur l'apport du journal aux lecteurs. Nous construisons ainsi une vérité à plusieurs visages. Nous avons respecté notre promesse éditoriale : celle d' "expliquer" le siècle, c'est-à-dire, d'identifier, dans l'actualité, ce qui nous parait structurant. La 1 veut mener des combats pour une société meilleure, en ce sens, nous sommes un journal engagé à destination de lecteur-citoyen.

À force de faire des journaux d'actionnaires, d'annonceurs, la presse a fini par ne plus faire de journaux de lecteurs. Le 1 est un journal pour ses lecteurs, qui ne vit que parce qu'il a ses lecteurs. Avec le décès d'Henry Hermand qui a beaucoup investi au début de l'aventure, c'est désormais un moment de vérité pour nous.

Eric Fottorino

"Une des grandes défaites du journalisme est l'entre soi", estime Eric Fottorino. Crédits : Johann Prod'homme.

Vous avez évoqué l'entre soi professionnel comme une défaite du journalisme. Cette entre soi est, dans ce secteur, également sociologique. La défiance d'une partie des citoyens envers les médias ne vient-elle pas, aussi, du fait que la presse, censée raconter, décrypter, analyser les évolutions d'une société, ne ressemble pas à cette dite société ?

Effectivement, la "consanguinité" est réelle dans ce milieu. La diversité dans les médias est très faible. J'attends toujours au Monde une signature issue de la diversité qui sera solidement installée. En découle un certain formatage à l'œuvre depuis une trentaine d'années, où les journalistes sont tous issus des mêmes écoles, alors qu'avant un journaliste pouvait se former "sur le tas".

L'autre facteur de fracture résulte de la connivence entre élites politiques et médiatiques qui peut être perçue par le peuple. Les journalistes apparaissent ainsi, parfois, acomme complices, du moins compréhensifs des intérêts des puissants. Il est nécessaire de tout mettre en œuvre pour casser, d'une manière ou d'une autre, cette perception afin de renouer avec la confiance des lecteurs-citoyens.

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Commentaires 4
à écrit le 15/11/2017 à 7:45
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Ce qui m'incite à lire le 1, c'est la diversité des intervenants et son indépendance vis à vis du pouvoir politique et des financiers à la solde de celui-ci !

à écrit le 17/11/2016 à 12:17
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Merci on apprend beaucoup pour dans cet entretien, notamment la validation des pressions politiques dans l’intérêt d'actionnaires milliardaires je pense que ce fait est dorénavant entièrement validé, les politiciens sont au service des riches. L'...

à écrit le 17/11/2016 à 12:11
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Le pouvoir des journalistes est pernicieux car il tente tres souvent d'instiller du prêt à penser dans l'esprit des gens pour en modifier la capacité de jugement. L'information, ce devrait être d'abord des faits bruts. Ensuite chacun à partir de ces ...

à écrit le 17/11/2016 à 12:09
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il faut que tout change pour que rien ne change. Un magnifique article de dédouanage. Aucun commentaire sur les fait que les journalistes reprennent des doossiers sans en vérifier l'origine. Ce monsieur serait plus crédible si il nous expliquait c...

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