Hamilton : "Vous avez eu les calendriers. Moi, j'ai eu les filles..."

David Hamilton est aujourd'hui accusé de viols par d'anciens jeunes modèles. Portrait d'un photographe kitsch obsédé par les jeunes filles "en fleurs".

Par

Le photographe britannique David Hamilton avec le mannequin Élodie Durand, à Saint-Tropez, devant la galerie Gut Altenkamp, en 2006.
Le photographe britannique David Hamilton avec le mannequin Élodie Durand, à Saint-Tropez, devant la galerie Gut Altenkamp, en 2006. © INGO WAGNER / DPA / DPA/AFP

Temps de lecture : 4 min

Seize ans, c'était l'âge limite de ses modèles. Limite « supérieure » s'entend, car, au-delà de cet âge canonique, monsieur Hamilton déclarait forfait. « Les femmes, ce n'est pas mon rayon », a-t-il candidement répété, quarante ans durant, à longueur d'interviews. Un âge minimum requis ? Qu'importe, pourvu que les seins de ces toutes jeunes filles commencent à poindre un peu, et Hamilton était le plus heureux des hommes. Il les repérait, toujours blondes, toujours pâles, toujours minces comme des fils, sur les plages de Saint-Tropez ou dans les rues de Stockholm, à la terrasse des cafés, et parfois même à la sortie des écoles.

La newsletter culture

Tous les mercredis à 16h

Recevez l’actualité culturelle de la semaine à ne pas manquer ainsi que les Enquêtes, décryptages, portraits, tendances…

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

En 1983, une journaliste de Elle raconte dans un article assez grinçant que la dernière recrue du photographe britannique n'a que… 12 ans, et qu'il a littéralement enlevé la gamine à la sortie de son collège, chargeant manu militari sa bicyclette, à la vue de tous, dans le coffre de sa voiture... Jamais ses modèles n'ont été payés. Jamais les parents n'ont pu assister aux « séances de travail » du photographe, qui, à défaut de verser un salaire à ces jeunes filles, les emmenait voyager dans le monde entier. « Mais les parents sont ravis, ils trouvent leurs filles plus dégourdies à leur retour », se vante sans rire Hamilton dans un entretien donné au temps de sa gloire, au temps où ses livres se vendaient à des millions d'exemplaires et où ses innombrables produis dérivés – posters, cartes postales, puzzles – trônaient dans toutes les chambres d'adolescentes et firent sa fortune.

Une époque puritaine ?

Souvenez-vous, c'était l'époque où les filles portaient de longues jupes aux imprimés Laura Ashley et de jolies blouses dites « roumaines », où elles se parfumaient à l'Air du temps de Nina Ricci et où elles punaisaient, entre deux posters de Snoopy, ces drôles de clichés vaporeux, flous et kitschissimes. La « lumière hamiltonienne » ? Le terme est récemment entré dans le dictionnaire, en fait un bête bas de soie que l'ancien directeur artistique, qui n'a jamais caché n'avoir aucune notion de technique photographique, enfilait simplement sur l'objectif. Pour justifier son goût obsessionnel des très jeunes filles, qui, dans ses livres, ont bien souvent la culotte Petit Bateau baissée et s'enlacent dans des poses suggestives, l'homme n'a jamais craint de se comparer en toute modestie à Balthus, aux préraphaélites, à Degas... Rien que ça.

Las, à défaut d'être accrochées comme celles de ses maîtres dans de véritables musées, ses œuvres sont restées à son grand désespoir abonnées aux galeries, aux hôtels et aux magasins de posters. D'autant que, depuis quelques années, ses photos érotico-romantiques n'ont plus guère la cote. Son dernier livre, publié en France en 2007, n'a été tiré qu'à 8 000 exemplaires, et encore ses clichés ont été triés avec grande prudence tant ils gênent notre regard contemporain. La même année, il est exposé à la Biennale d'art contemporain de Lyon dans une salle… interdite aux mineurs. Alors, à chacune de ses expositions – la dernière a eu lieu à l'hôtel Scribe, à Paris, en 2015 –, l'« artiste » y va de son même petit couplet bien rodé : nous vivons une époque puritaine, coincée, ennuyeuse, peuplée de « mal-baisés » – dit-il – qui voient du porno ou de la pédophilie là où il n'a jamais cherché que « la candeur d'un paradis perdu ».

83 ans et des mocassins à pompons

Le plus étonnant de tout cela ? Si, du temps de ses immenses succès commerciaux, la presse n'a pas toujours été tendre pour les « œuvres » de ce photographe du dimanche, aujourd'hui, elle est souvent tout miel et d'une incroyable complaisance pour ce vieux monsieur – il a aujourd'hui 83 ans – qui porte des mocassins à pompons et des pantalons de velours, et incarne une époque que l'on fantasme, à défaut de l'avoir vraiment connue, une époque libérée, détendue, où, en somme, on avait « le droit »...

Mais le droit de quoi ? Dans son livre La Consolation (JC Lattès), l'animatrice Flavie Flament qui fut son modèle accuse – sans le nommer – le photographe de l'avoir violée à l'âge de 13 ans, et L'Obs vient de recueillir trois témoignages similaires d'anciennes proies supposées de l'artiste kitsch. Hamilton s'est indigné dans un communiqué et a récusé ces accusations. On ne saura peut-être jamais, puisqu'il y a prescription, si le photographe a oui ou non abusé de ces jeunes filles à peine pubères. Mais le numéro médiatique du vieux bonhomme – l'art censuré par la pudibonderie de notre triste époque – ne devrait plus guère fonctionner. Et la relecture de ses dernières déclarations « anti politiquement correctes » s'avère aujourd'hui ravageuse. Ainsi, à un journaliste qui dans une interview de 2015 se souvient avec émotion de ses calendriers sensuels, que rétorque Hamilton ?  « Vous, vous avez eu le calendrier. Moi, j'ai eu les filles… »

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation

Commentaires (40)

  • chris0247

    Monsieur MACRON veut exonérer beaucoup de Français de la taxe d'habitation. N'oublions pas que cela n'a aucun impact sur le budget de l'Etat. Par contre les collectivités vont trinquer ! Comment vont-elles compenser ce manque à gagner ? Sur les taxes foncières ?
    Il est facile de faire économiser par les autres, et de continuer de dépenser, en faisant un emprunt.
    Mr MACRON est dévoilé, c'est un parfait socialiste.

  • Leshan

    Réponse à votre question : La jeune personne à coté de David Hamilton, c'est tout simplement Flavie Flamant !.

  • WORMWOOD

    ... De Napoléon à propos de Talleyrand : les photos d'Hamilton, c'est de la m... À travers un bas de soie