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La Turquie pourrait dépénaliser des agressions sexuelles sur des mineurs

Le gouvernement prévoit d’annuler les procédures si l’agresseur épouse la victime. Face aux protestations, le président Erdogan a appelé à « régler ce problème dans un esprit de large consensus ».

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Publié le 21 novembre 2016 à 06h42, modifié le 22 novembre 2016 à 08h20

Temps de Lecture 3 min.

Manifestation à Ankara, le 19 novembre 2016, contre le projet de loi du gouvernement qui prévoit la dépénalisation des agressions sexuelles sur les mineures si l’agresseur épouse la victime.

L’indignation est générale en Turquie. Même la ­Kadem (Association des femmes et de la démocratie) – dont la vice-présidente, Summeyye Erdogan Bayraktar, est la fille cadette du président turc – a tenu à prendre ses distances vis-à-vis d’un texte que les opposants les plus déchaînés dénoncent comme « une légitimation des abus sexuels sur mineures ». Près d’un million de protestataires ont déjà signé une pétition en ligne en demandant sa suppression.

Voté le 18 novembre en première lecture par le Parti de la justice et du développement (AKP), la formation islamo-conser­vatrice au pouvoir depuis 2002, le projet de loi, qui devrait être de nouveau examiné ces prochains jours par le Parlement, prévoit d’annuler, dans certains cas, la condamnation pour ­agression sexuelle sur mineure – sauf « en cas de violence et de menace » – si l’auteur de l’agression épouse la victime.

« On pardonne à celui qui épouse l’enfant qu’il a violée », résume dans un tweet Özgür Özel, député du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), la principale force de l’opposition de gauche. Mais la droite nationaliste du Parti d’action nationaliste (MHP), alliée le plus souvent de l’AKP, est tout aussi critique.

Mariages précoces

La Cour constitutionnelle avait déjà approuvé, en juillet, le retrait d’un article du code pénal considérant tout acte sexuel avec une enfant de moins de 15 ans comme un « abus sexuel ». Nouvel indice de la dérive ultra­conservatrice et religieuse du pouvoir turc, cette loi viserait, selon ses promoteurs, à trouver une solution « de justice » pour les mariages précoces.

« Il y en a qui se marient avant d’avoir atteint l’âge légal parce qu’ils ne connaissent pas la loi ; ils ont des enfants mais le père va en prison et alors les enfants restent seuls avec la mère », s’est justifié le premier ministre, Binali Yil­dirim, expliquant que la mesure ne ­s’appliquerait qu’aux mariages contractés avant le 11 novembre de cette année.

Si l’âge minimum pour convoler en Turquie est de 17 ans – et 16 ans avec une dérogation d’un juge dans des cas exceptionnels –, les mariages précoces restent une réalité dans les zones les plus arriérées du pays où des jeunes filles de 15 ans voire parfois de 11 ans épousent, sous la pression des familles, des garçons de leur âge ou des hommes beaucoup plus vieux.

« Il y a actuellement 4 000 procédures judiciaires ouvertes après ­signalisation de la part de l’école ou de l’hôpital où a accouché la jeune fille », explique Canan Güllü, la présidente de l’Association des ­fédérations de femmes. Mais le nombre de ces mariages serait beaucoup plus important. « C’est malheureusement une réalité et, même si nous ne l’approuvons pas et si nous la combattons, il faut trouver une solution au problème », affirme le ministre de la justice, Bekir Bozdag, pour justifier le projet de loi controversé.

« Le viol est un crime », crient les manifestantes le 18 novembre à Istanbul.

« Un mauvais message »

Ces laborieuses justifications des autorités sont loin d’avoir suffi à calmer les esprits. Il y a le principe d’une telle loi qui selon ses adversaires donne « un mauvais message ». « Même si on permet finalement un mariage prétendument réparateur, la jeune fille violée adolescente par un homme de 50 ou 60 ans restera de fait pour toute sa vie dans ce couple comme dans une prison », souligne Ömer Süha Aldan, député CHP de Mugla.

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Il y a aussi toutes les ambiguïtés du texte et notamment la dif­ficulté à déterminer sur une base légale s’il y a eu ou non ­« contrainte ». « Comment la volonté propre d’une jeune fille mineure peut-elle être identifiée ? », souligne la Kadem, qui comme les autres organisations de femmes craint de nouveaux abus.

« Il est impossible de garantir qu’il y a en réalité consentement plein et informé de la fille et non seulement de sa famille », déclare, à l’Agence France-Presse, Gauri van Gulik, ­directrice adjointe d’Amnesty International Europe. L’Unicef, par la voix de son porte-parole, Christophe Boulierac, a aussi exprimé sa « profonde inquiétude ».

Face à l’ampleur des protestations, les autorités turques pourraient pour une fois faire machine arrière. S’exprimant pour la première fois à ce sujet, le président Recep Tayyip Erdogan a appelé lundi soir le gouvernement à « régler ce problème dans un esprit de large consensus en prenant en compte les critiques et les recommandations issues des différentes composantes de la société ».

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