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Santé

Un mini intestin humain fabriqué en laboratoire à partir de cellules souches

Une équipe américaine, avec la participation d’une équipe française, a créé le premier intestin humain fonctionnel in vitro à partir de cellules souches pluripotentes. Un espoir pour la médecine régénérative.

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Coupe transversale d’organoïde intestinal humain possédant un système nerveux entérique après transplantation chez la souris.

Coupe transversale d’organoïde intestinal humain possédant un système nerveux entérique après transplantation chez la souris.

Maxime Mahe/CCMH

C’est une prouesse technologique. Des chercheurs du Children’s Hospital Medical Center de Cincinnati, aux Etats-Unis, avec la participation de l’équipe de l’Inserm 913 de Nantes, ont réussi à générer un mini intestin humain fonctionnel in vivo, qu’ils présentent dans une étude publiée dans Nature Medicine. Un intestin n’est pas qu’un simple tube. C’est au contraire un organe complexe composé d’une paroi intérieure (muqueuse) de cellules (entérocytes) qui s’ouvrent sur ce que l’on appelle la « lumière intestinale ». Cette muqueuse est en étroite relation avec des millions de neurones intestinaux et des fibres musculaires. Soit un véritable système nerveux, sorte de « deuxième cerveau », chef d’orchestre des contractions musculaires lors de la digestion (péristaltisme) mais aussi du dialogue ventre-cerveau (voir Sciences et Avenir n°835).

Créé à partir de cellules souches

L’équipe de Cincinnati a réussi à recréer un tel mini organe, présentant lui aussi une muqueuse intestinale et un système nerveux ! Comment ?  « Dans une boîte de pétri on a créé un tissu intestinal à partir de cellules souches pluripotentes humaines (capable de se multiplier à l’infini et de se différencier en types de cellules qui composent un organisme adulte, ndlr) dites IPS dont on a guidé la différenciation par des cocktails de molécules », explique Maxime Mahe, co-premier auteur de l’étude.  En parallèle, l’équipe a également généré un système nerveux de l’intestin, à partir de ces même cellules souches pluripotentes, appelées cellules de la crête neurale.

Enfin, à un moment précis, les deux préparations cellulaires ont été assemblées, dans un gel, et elles ont adopté une conformation en 3D.  « Un organoïde intestinal s’est formé, ressemblant à un intestin en développement similaire à celui de l’embryon humain », poursuit Maxime Mahe. Il restait ensuite à en tester la fonctionnalité. L’équipe a alors greffé l’organoïde chez la souris. Non dans le tube digestif, mais dans une région plus vascularisée. Et là, après 6 semaines, tout a fonctionné : « l’intestin s’est agrandi et est devenu mature. Il présentait une vascularisation et a commencé à se contracter. »

Un espoir pour la médecine régénérative

Certes, les chercheurs sont encore loin d’un intestin à taille humaine, puisque celui-ci fait trois centimètres contre plusieurs mètres chez l’homme. Et il n’a pas encore sa forme tubulaire. Mais le tissu est le même. « Sa croissance semble proportionnelle à celle de l’hôte et nous allons le tester sur de plus grand animaux », précise Maxime Mahe. Pour devenir un intestin complet, il lui manque également un système immunitaire, un microbiote, et tous les facteurs apportés par l’alimentation.

Mais à quoi cela pourrait-il bien servir ? « C’est un espoir pour la médecine régénérative à long terme », assure Michel Neunlist, directeur de recherche au laboratoire Inserm de Nantes. Notamment pour certaines maladies rares comme la pseudo-obstruction intestinale chronique ( trouble de la motilité gastro intestinale) et le syndrome du grêle court (dysfonctionnement de l’intestin grêle ). Car les greffes intestinales sont possibles, mais extrêmement rares et complexes. « On pourrait imaginer remplacer des portions d’intestin non fonctionnels par un intestin conçu ainsi en laboratoire. »

A plus court terme, c’est la médecine personnalisée qui pourrait tirer parti de cette nouvelle technique. Certains patients souffrent en effet de maladies digestives chroniques dont on comprend mal l’origine comme la constipation chronique. Une piste serait de générer un mini intestin in vitro à partir des cellules souches du patient. L’organe de synthèse mimerait ainsi la maladie et permettrait d’en découvrir les mystères. « Une fois réalisé, l’intestin de synthèse pourrait alors être soumis à différents médicaments pour trouver le plus efficace », poursuit Michel Neunlist. 

Pour montrer la pertinence de l’outil, les chercheurs ont déjà créé un modèle in vitro de la maladie de Hirschsprung, pathologie dans laquelle le rectum et le colon sont dépourvus de système nerveux, entraînant constipation et occlusion intestinale. Les tests in vitro ont permis de confirmer le rôle d’un gène, le PHOX2B. « C’est un outil formidable pour étudier les pathologies de l’intestin », conclut Michel Neunlist.

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