The Divine Comedy, tristesse élégante d'une virée en bagnole

Par François Gorin

Publié le 23 novembre 2016 à 20h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 03h17

Quand Neil Hannon s'est pointé avec ses manières de premier de la classe, je n'étais pas spécialement ouvert aux passions nouvelles. On avait beau me faire l'éloge de ce blondin cravaté, je prenais son Liberation avec des pincettes et une moue d'avance. De la pop tirée à quatre épingles et dont la nourrice avait des airs de Scott Walker. Nulle celtitude apparente chez ce natif d'Enniskillen (Irlande du Nord). Sa Divine Comedy avait tout d'un produit hors-sol, trop évidemment cultivé : le nom de ce groupe qui n'en était pas un ; puis un chapelet de références littéraires (Tchekhov, Fitzgerald, Wordsworth…). Bien plus tard, je comprendrais que les réserves ou l'agacement que je pouvais éprouver à l'écoute de Liberation ne tenaient pas tant à cette ambition de petit maître encore loin de ses modèles ; plutôt à des goûts de jeunesse qui ne transparaissaient là qu'à moitié, pour la synthé-pop de dix ans auparavant. Neil Hannon en pinçait pour la pâleur guindée, lorgnant sur la piste de danse, des Human League ou Ultravox. Son frêle esquif avançait à contre-courant : qui se souciait de pop orchestrale en 1993 ? A chaque fois, pourtant, je me faisais coincer dans les cordes par Your Daddy's Car. C'était l'éclaircie, le trait fulgurant, le petit coup de génie. Quelque chose d'assez furieux bouillonnait sous ce tempo métronomique, cette retenue collet-monté, ce lyrisme désabusé. Juste une histoire de virée en bagnole, dans la tire de son père. Avec une bouteille de champagne. Et cet incident de parcours merveilleux : we took your daddy's car / and wrapped it round a tree… Cette même voiture où les jeunes amants regardaient le soleil se coucher sur la mer, s'enroule à présent autour d'un arbre. Elégante catastrophe. La mélodie du refrain est poignante, et les mots qui vont avec : can you feel… the sadness in our love… Sur la branche des jeunes hommes tristes, un nouveau roitelet chantait. Il en ferait d'autres aussi belles, mais celle-ci reste à part. 

The Divine Comedy Your Daddy's Car (1993)

 

 

Les disques rayés, le blog musique de François Gorin

Cher lecteur, chère lectrice, Nous travaillons sur une nouvelle interface de commentaires afin de vous offrir le plus grand confort pour dialoguer. Merci de votre patience.

Le magazine en format numérique

Lire le magazine

Les plus lus