Les bruits du silence

Antony Legrand
10 min readNov 24, 2016
© Arnaud Montagard pour la collection Disconnect by Adobe

Ah… cette fameuse photo qui nous fait souvent rêver quand on la voit sur Instagram. Mais si, vous savez, cette cabane perdue dans une immense forêt que l’on contemple en se répétant secrètement qu’on rêverait d’y passer quelques jours histoire de se déconnecter. Eh bien, ce petit havre de paix, nous y avons goûté en nous rendant au Canada et plus particulièrement au Québec.

Pour cette nouvelle expérience, nous étions accompagnés d’Arnaud Montagard, un des photographes Français dont j’admire le travail, j’adore notamment ses portraits réalisés à New York et plus précisément sa série « across the window ».

Il était une fois…

Pour la petite histoire, 3 ans auparavant, j’avais revu mes amis Québécois de longue date lors de notre voyage à Montréal. Nous avions parlé de nos différents projets à venir et déjà à l’époque, nous réfléchissions au concept de la série #Disconnect.

Mon amie m’avait alors parlé de son oncle « Pierre », un homme d’une cinquantaine d’années travaillant dans le business de l’énergie à grande échelle qui avait une manière unique de se déconnecter en se rendant dans sa cabane en bois au cœur d’une immense forêt. Il abandonnait ainsi son quotidien stressant durant plusieurs semaines pour vivre en totale autarcie.

Elle me racontait également la passion de Pierre pour dame nature et son mépris grandissant pour certains acteurs de l’industrie alimentaire actuelle. Tous ces scandales autour de la maltraitance des animaux dans les abattoirs mêlés à l’élevage intensif qui oublie trop souvent l’éthique pour le profit, avaient fini par le dégoûter.

Depuis, Pierre ne mange que la viande qu’il chasse durant sa déconnexion… S’il ne croise pas d’animal, il n’en mange pas.

Au Canada, comme dans plein d’autres pays, la chasse est considérée comme essentielle à l’équilibre de l’éco-système. Elle est évidemment ultra-réglementée et surtout exercée dans un profond respect de la nature et de l’animal. On est bien loin de la « mauvaise image » du chasseur moderne.

Pour aller plus loin dans sa démarche, Pierre chasse principalement à l’arc ou à l’arbalète ! Ce côté silencieux et « ancestral » accroît son sentiment de communion totale avec la forêt. La réglementation est stricte, lors de la chasse à l’orignal, un chasseur n’a le droit de tuer qu’une seule bête pour l’année. L’animal est énorme et le nourrira durant cette même période. Une alternative saine basée sur de l’autosuffisance.

Voilà, le cadre était posé et comme vous vous en doutez, après avoir entendu ce pitch attrayant, j’étais comme un fou ! Je lui annonçais directement qu’un jour, nous irions filmer ce personnage atypique qui me semblait totalement emblématique !

© Arnaud Montagard pour la collection Disconnect by Adobe

Octobre 2016

3 ans après, nous y voilà ! J’avoue que cette période de l’année n’a pas été choisie par hasard, nous rêvions tous depuis longtemps de ses fameux arbres colorés durant l’été indien Canadien !

Le moins que l’on puisse dire, c’est que nous n’avons pas été déçus ! En fait on a même été super chanceux ! Nous avons même été chanceux en tombant pile dans les deux semaines les plus magiques de l’année, quand les couleurs des arbres sont à leur apogée, juste avant que les feuilles ne tombent. Des dégradés de couleurs automnales à perte de vue ! On passe des rouges vifs à des orangés pastel, des jaunes clairs aux verts foncés… C’est la première fois de ma vie que je dois absolument désaturer toutes nos photos et ajouter un hashtag #nofilter pour que les gens nous croient ;)

Habituellement, on assiste à ce spectacle plutôt début septembre, mais les températures clémentes persistantes l’ont retardé, pour notre plus grand plaisir. En journée, il faisait jusqu’à 25 degrés un 9 octobre près de Montréal !

© What The Film pour la collection Disconnect by Adobe

La cabane

Comme je l’avais expliqué durant notre trip en Namibie, dans la team What The Film, on aime partir en voyage sans tout préparer au millimètre, ça permet de ne pas se faire “spoiler” à l’avance.

Nous n’avions jamais été en contact avec Pierre auparavant, nous communiquions simplement avec mon amie (sa nièce) qui nous indiquait l’essentiel, mais ne savait pas elle-même ce qui nous attendait là-bas. Elle savait juste que nous allions rejoindre son oncle dans une “cabane en bois”, qu’il n’y aurait certainement pas d’électricité, pas d’eau pour se laver et peut-être pas de lit. En gros il fallait venir équipés pour « survivre ». Nous revenions juste de Mongolie, nous étions donc prêts !

Sur place, nous avons toutefois eu bien plus de confort que prévu, rudimentaire certes, mais avec un accès à l’électricité et à de vrais lits. De loin cela ressemblait même à une grande maison traditionnelle. On ne pouvait pas à proprement parler de « cabane », mais nous étions bien isolés dans les bois !

Comme lors de notre voyage aux Philippines, nous avons rapidement découvert que la déconnexion comme on l’entend, c’est à dire totalement dépourvue de « confort et d’objets modernes », est vraiment une idée reçue. La vraie déconnexion n’est pas “entièrement” liée à ça. Durant nos quelques jours sur place nous nous sommes sentis totalement déconnectés en partageant des moments uniques avec Pierre et son ami d’enfance Brad, avec qui il partage cette escapade régulière depuis des années.

Ah oui, dans les choses « pas prévues », il y avait Brad. On découvrait sur place que Pierre ne se déconnectait pas seul. En fait, depuis toujours, il partage cette escapade régulière avec son meilleur ami.

© Arnaud Montagard pour la collection Disconnect by Adobe

Le silence

C’est ce qui m’a le plus frappé ! Habitué à toujours faire quelque chose, j’ai énormément de mal à ne rien faire. Attendre, patienter, contempler… ça va cinq minutes mais si ça ne bouge pas, je m’ennuie rapidement ! Du coup, je vis quasiment tout le temps avec un bruit qui m’entoure, c’est tout bête, mais je ne m’en rends même plus compte.

Grâce à cette expérience, j’ai découvert ce qu’était le « vrai silence », celui de la forêt. Alors, je vous vois venir, ça y est, encore le “Hipster des villes” (ça sonne bien comme nouvelle fable de La Fontaine ça) qui découvre un nouveau monde…

Bien sûr, comme la plupart d’entre vous, je vais souvent me balader dans des coins reculés, calmes et silencieux, sauf que la majeure partie du temps, je suis accompagné. Naturellement, nous nous mettons à parler. Et quand bien même nous serions seul, nous entendons souvent des bruits de voitures, ou d’autres personnes qui se promènent… Tous ces bruits de la civilisation maintiennent le lien avec la ville.

Dans cette forêt isolée, privés de parole durant des heures pendant la chasse, nous étions vraiment coupés de tout.

Et vous savez quoi ? Le vrai silence de la forêt, fait plein de bruits !

Quand Pierre nous annonçait à 6h du matin que nous allions passer la demi-journée dans les bois à n’émettre aucun son, l’angoisse de nous ennuyer était palpable ! Finalement, nous nous sommes pris au jeu.

Parfois, nous ne bougions pas durant cinq heures, et rien ne se passait. Des émotions très contradictoires se bousculaient. Le calme absolu se mélangeait à la tension de croiser un animal imposant comme l’orignal.

Nous parcourions de grandes distances dans une forêt qui semblait presque irréelle. Les sons, les odeurs, les textures, les lumières suffisaient presque à nous contenter dans notre quête.

Après avoir vécu ces moments, nous commencions à mieux comprendre l’intérêt de Pierre et Brad pour la chasse. Se retrouver seul ou accompagné dans un tel silence engendre une communication qui ne passe pas par la parole et permet une forme de relaxation que nous n’avions jamais expérimentée, proche de la méditation…

© Arnaud Montagard pour la collection Disconnect by Adobe

La chasse

Pour tout vous avouer, c’est clairement l’aspect qui me plaisait le moins dans le concept. Tuer un animal n’est jamais plaisant, mais en même temps, j’ai aussi beaucoup de mal avec l’hypocrisie ambiante où quasiment tout le monde a de l’empathie pour les animaux sauf quand il s’agit de manger un bon gros burger ! Là bizarrement, on ne pense plus du tout aux conditions de l’animal.

Étant de plus en plus passionné par la permaculture et l’autosuffisance, j’aime bien cette idée de ne manger que ce dont on a besoin dans un cadre éthique et sain.

Disons le clairement, je ne serais jamais allé dans un trip pareil si je ne savais pas que Pierre et Brad étaient de vrais amoureux de la nature. Quand nous en parlions entre nous, c’était le cheminement qui nous intéressait.

Pour eux, ce respect de la nature est primordial afin de préserver l’environnement et pour que la faune se développe en s’autorégulant. Dans cet esprit, ils ne traquent ni jeunes, ni femelles, seulement le mâle adulte.

Parfois même, il leur arrive de voir une bête à quelques mètres devant eux, mais n’étant pas certain de la tuer sur le coup, ils préfèrent la laisser s’enfuir. Quand on connaît la faible probabilité de croiser un animal, la démarche est la preuve de leur respect.

Durant notre séjour par exemple, nous avons entendu quelques orignaux mais ils ne se sont jamais montrés. En même temps, avec une équipe de 5 mecs dont un photographe qui se mettait de l’eau de Cologne #privatejoke et 3 autres vêtus de vestes beiges… Autant vous dire, que n’importe quel animal normalement constitué nous aura sentis à des kilomètres…

Après ces quelques jours passés avec Pierre et Brad, nous nous sommes rendus compte que la chasse n’était finalement qu’un prétexte pour ressentir tout ça.

« Le but n’est pas seulement le but, mais aussi le chemin qui y conduit. » Lao-Tseu.

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Antony Legrand

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