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L'après Castro : Cuba se rêve en une Chine en modèle réduit

Depuis quelques années, l’île veut mêler initiative privée et contrôle étatique. Plusieurs chantiers de réformes structurelles ont été ouverts

Par Michel De Grandi

Publié le 26 nov. 2016 à 12:56

Fidel Castro, qui vient de s’éteindre à 90 ans , était sans doute l’un des derniers remparts à une occidentalisation trop rapide de l’économie cubaine. Le message délivré par le 7e Congrès du Parti communiste de Cuba, réuni en avril, était sur ce point on ne peut plus clair: Fidel Castro avait pu, une dernière fois, se poser en défenseur du legs communiste pendant que son frère Raul, défendait les réformes structurelles qui visent à ouvrir, en partie, ce modèle économique centralisé et planifié.

En autorisant l’ouverture de petits métiers aux travailleurs indépendants, il a créé un appel d’air sur le marché du travail: un tiers des emplois se trouvent aujourd’hui dans le secteur non étatique.

Cuba a encore du temps avant d’ être submergée par la vague américaine. Si samedi, François Hollande a plaidé pour une levée définitive de l’embargo, il y a peu de chances cependant, sauf revirement, que le Congrès américain, à majorité républicaine, vote la levée des sanctions économiques au moins dans l’immédiat. Ce délai laisse un peu de marge à l’île de la Caraïbe pour se préparer et relancer son économie.

Une croissance en berne

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Aujourd’hui, la croissance est en berne, et n’atteindra probablement pas les 1% prévus cette année, sous l’effet conjugué de la baisse des livraisons de pétrole vénézuélien et de la chute des prix des matières premières. Cela n’empêche pas les dirigeants de l’île de rêver de transformer Cuba en une sorte de Chine en modèle réduit. Une économie de marché où se mêlent initiative privée et contrôle public.

Car si elles ne sont pas forcément spectaculaires, les initiatives se succèdent depuis bientôt huit ans. Dès 2006, Raul avait promis des « réformes structurelles » : abandon du dogme de l’égalitarisme salarial, autorisation des ventes de téléphones portables et d’ordinateurs aux Cubains qui se voyaient aussi autorisés à fréquenter les hôtels jusqu’alors réservés aux touristes étrangers.

« Dé-fidéliser » l’économie

Lentement, Raul a entrepris de « dé-fideliser » Cuba et a ouvert plusieurs chantiers avec la nouvelle loi d’investissements étrangers, la création d’une zone de développement économique spéciale autour du port de Mariel ou encore la création de marchés automobile et immobilier nationaux. Parallèlement, une classe de consommateurs est en train d’émerger. Selon une étude du Boston Consulting Group , les foyers cubains consacrent un montant record de leurs dépenses aux besoins de base (nourriture,hygiène,habillement) contre environ 35 % en république dominicaine. Aujourd’hui, dans les rues de la Havane, la plupart des marques occidentales sont encore inconnues, en particulier pour les biens de consommation courante dont la distribution reste contrôlée par l’Etat. Mais cela est déjà moins vrai pour les produits technologiques et les vêtements de sport que les Cubains parviennent à faire venir de l’étranger : 44 % d’entre eux connaissent par exemple des marques comme LG ou Alcatel et 55 % Adidas. Peut-être parce que cette dernière était la marque préférée du « Lider Maximo ».

Ne pas dépendre d’un seul marché

Longtemps hermétiquement clos, à l’exception des produits soviétiques et chinois, le marché cubain n’est pas pour autant prêt à s’ouvrir sans contreparties. « Nous ne voulons pas dépendre d’un seul marché », expliquait en début d’année aux Echos Rodrigo Malmierca Diaz , ministre du Commerce extérieur et des investissements étrangers. « Nous avons été colonisés par les Espagnols, puis dominés par les Etats-Unis. Le blocus installé, c’est l’Union soviétique qui nous a aidés. A présent, nous cherchons des points d’appui en Asie, en Europe et en Amérique latine. Et lorsque les entreprises américaines viendront, nous ne fermerons aucune porte, mais nous préserverons les équilibres » , indiquait-il. De quoi susciter l’intérêt tout en maintenant une certaine distance.

Marché à la mode

Cuba est devenu un marché à la mode. Les investisseurs potentiels font le siège. A dessein puisque fin 2015, l’île a publié une liste de 326 projets pour un montant total de 8 milliards de dollars. « Nous avons besoin de capitaux étrangers » assurait le ministre du commerce extérieur et des investissements étrangers. Les Français, qui comptent des opérateurs « historiques » comme comme Pernod Ricard, Accor, Total, CMA-CGM ou Bouygues, ont décroché en août le contrat de modernisation de l’aéroport de la Havane. En février, Paris a converti 220 millions de dollars de dette cubaine en projets de développement dans l’île à réaliser par les entreprises françaises. La compétition est rude et multiple. Il y a un an, Cuba a obtenu un accord sur sa dette au Club de Paris lui ouvrant à nouveau la voie aux financements souverains.

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