Des fresques pour en finir avec les tags

Désormais, ils peuvent graffer dans les gares d'Ile-de-France... en toute légalité. La SNCF a ouvert ses murs et autres poteaux anti-stationnement aux street artists. Et depuis, les dégradations se font plus rares.

    Si on avait demandé à la communauté des graffeurs, il y a quinze ou vingt ans, s'ils pensaient qu'un jour la SNCF les paierait pour peindre sur ses murs, dans leur immense majorité, ils auraient bien ri ! C'est pourtant bien ce qui se passe désormais dans les gares parisiennes.

    Il y a quelques jours, gare de Lyon, le street artist Brusk a reçu carte blanche pour exprimer son talent sur un mur de près de 40 m de long et de 4 m de haut, situé près des quais de la ligne R. A l'extérieur, c'est Cyklop, rendu célèbre pour ses détournements de mobilier urbain, qui a donné libre cours à son inspiration et décoré les poteaux anti-stationnement qui bordent la gare.

    A travers sa fresque, Brusk veut faire revivre aux usagers de la SNCF le côté cool des années 1980, celui des ardoises magiques, des Rubik's Cube ou encore des K7... « Ça correspond à l'époque où j'ai commencé le graff. Ces objets de mon enfance et de mon adolescence, j'espère qu'ils feront remonter de beaux souvenirs aux gens qui passent ici », s'amuse le street artist de 40 ans. S'il affirme « ne plus peindre depuis longtemps en sauvage », il reconnaît qu'à ses débuts, les gares et les trains étaient son « terrain de chasse ».

    Offrir un environnement plus agréable

    Comme les autres artistes urbains intervenant dans les gares d'Ile-de-France, Brusk est passé par le collectif Quai 36, qui a signé avec Gare et Connexions (SNCF) une convention il y a un an et demi. « Ça nous semblait évident que les gares devaient sortir du fonctionnalisme pur en y faisant entrer de l'art et plus encore, dans le quotidien des gens qui les fréquentent », explique Jonas Ramuz, qui dirige le collectif. La SNCF, elle, souhaitait « créer des liens entre les gares et les territoires qu'elle dessert », ajoute Sylvain Bailly, chargé de la culture dans les gares. D'où l'idée de représenter les « visages » des passagers à gare du Nord, « la plus cosmopolite, ou de s'inspirer de l'Euro pour redécorer la station du Stade de France.

    Il y a pourtant un effet positif auquel ne s'attendait pas forcément la SNCF : l'impact de ces oeuvres sur les dégradations et la propreté. « A la gare du Nord, sur la fresque de 1 500 m² qui est visible depuis un an, moins d'un mètre carré a été tagué ». Finies, aussi, les odeurs d'urine... « C'est un peu pareil avec les pianos. Quand on a voulu en mettre dans des gares, on nous a dit qu'on était fous, qu'ils seraient tous cassés au bout de quelques jours. Ils sont tous en parfait état », assure Sylvain Bailly. « Ça découle d'un principe assez simple : si on offre aux gens un environnement agréable et propre, ils le respecteront davantage que s'ils se retrouvent dans un cadre moche et déjà sale. »

    Aujourd'hui, à la gare d'Austerlitz, dix artistes graffeurs de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne vont décorer un vieux train de fret. 120 m de fresque à découvrir demain après-midi à quai.