Les onze jours fatals à Sarkozy, Juppé et Hollande
La victoire à la primaire de la droite de François Fillon a ouvert un incroyable jeu de quille qui a mis à terre trois des leaders politiques des vingt-cinq dernières années. Analyse de Bruno Jeudy, rédacteur en chef politique de Paris Match.
L’histoire politique vient de connaître une accélération comme jamais. Et tout a, sans doute, basculé le 20 novembre sur les coups de 21 heures quand François Fillon a surgi en tête de la primaire de la droite et du centre.
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D’une balle, François Fillon aurait donc provoqué trois morts en onze jours. Le coup parfait. Résumons : du haut de ses 44% du premier tour, l’ancien Premier ministre envoie sèchement à la retraite Nicolas Sarkozy. Huit jours plus tard, le bulldozer Fillon bouscule Alain Juppé sévèrement renvoyé dans sa mairie de Bordeaux avec moins de 34% des voix. Résultat : une primaire–couperet pour deux des plus grands fauves politiques de la droite française depuis vingt-cinq ans.
Avec la primaire de la droite, le président sortant a perdu son "meilleur" ennemi, Sarkozy
Reclus dans son palais, cerné par des frondeurs socialistes décidés à lui faire mordre la poussière, François Hollande voit ses derniers espoirs s’envoler avec les deux tours de cette primaire de la droite. Le président sortant ne perd pas seulement son «meilleur» ennemi avec Nicolas Sarkozy qu’il espérait retrouver en 2017, il se retrouve mat tel le joueur d’échec. Contrairement à ce qu’il imaginait, l’époque des matchs retours – Mitterrand-Chirac ou encore Chirac-Jospin – n’a plus cours sous cette Ve République reformatée par le système des primaires. Les Français ne voulaient pas d’une revanche Hollande-Sarkozy. Il y a onze jours, ils ont éliminé l’un des deux duettistes. Et ils s’apprêtaient probablement à récidiver le 22 janvier.
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La victoire de François Fillon, élu sur un programme libéral et conservateur, refabriquait pourtant du clivage droite-gauche et ouvrait donc des perspectives pour un candidat socialiste capable de réunir son camp. Malgré d’ultimes manœuvres pour contourner cette primaire, François Hollande a compris dans un éclair de lucidité qu’il allait être laminé. Face à ses anciens ministres frondeurs Arnaud Montebourg et Benoît Hamon, à l’enragé Gérard Filoche ou la socialiste orthodoxe Marie-Noëlle Lienemann, il allait tout simplement finir au bout de leurs piques. Bref, cette primaire c’était ascenseur pour l’échafaud.
Il faut dire que son quinquennat n’aura été qu’une succession d’échecs économiques (inversion de la courbe du chômage, croissance en berne), de Bérézina électorales (municipales, départementales, régionales), d’un tragique manque d’autorité (affaire Léonarda, rebuffades de ses ministres), des errements de certains ministres (Cahuzac, Thevenoud, Benguigui) et enfin d’affaires privées désastreuses (Valérie Trierweiler, Julie Gayet).
Dans une déclaration digne préparant une réhabilitation de son bilan, François Hollande a tenté d’habiller sa Bérézina. Ses amis ont salué son «courage» pour mieux faire oublier ce qui ressemble bel et bien à une retraite de Russie pour des socialistes battus avant même la présidentielle de 2017.