Palais, jardin, gare, théâtre : Orsay avant le musée

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Palais, jardin, gare, théâtre : Orsay avant le musée

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La gare d'Orsay en activité au début du XXème siècle
La gare d'Orsay en activité au début du XXème siècle
- Musée d’Orsay / Droits réservés

1986. Saviez-vous qu’avant d’être un musée, Orsay a été tour à tour une campagne, un hôtel particulier, un palais ou encore une gare ? A l’occasion du trentième anniversaire du temple parisien de l’impressionnisme, une archive pour raconter l'histoire de ce lieu aux multiples vies.

Le week-end du 3 et 4 décembre 2016, le musée d’Orsay fête son trentième anniversaire, et à cette occasion, vous pourrez retrouver des émissions enregistrées en direct du Musée. En 1986, à la veille de son ouverture, le journaliste Pierre Descargues retraçait l’histoire du bâtiment en compagnie Marie-Laure Crosnier Leconte et Jacques Rigaud (président de l'établissement public en 1986). Avec eux, remontons le fil de l’histoire, du haut Moyen Âge jusqu'en 1986, pour retracer les vies antérieures d'Orsay avant le musée.

“Si on s’amuse à faire toute la nomenclature de ce qui est arrivé [à cette gare], c’est absolument onirique comme bâtiment.” Marie-Laure Crosnier Leconte

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Avant de devenir un musée : l'histoire du bâtiment

32 min

Durée : 32’51Monographies : pour connaître le futur musée d'Orsay. L'histoire du bâtiment • 1ère diffusion sur France Culture le 17 novembre 1986 • Archive INA - Radio France

1 - Au Très Haut Moyen Âge : une campagne

Dans l'histoire de Paris, qu'y avait-il à la place de l'actuel musée d'Orsay dans les siècles précédents ? Marie-Laure Crosnier Leconte remonte au très haut Moyen Âge :

"On peut remonter au très haut Moyen Âge, au-delà des enceintes de Paris dessinées par Philippe Auguste. Il y avait une très vaste campagne qui appartenait, plutôt par droit d’usage, à l’université de Paris et qui servait en quelque sorte de Bois de Boulogne pour le Moyen Âge, aux étudiants et aux parisiens en général. C’était également un lieu où l'on aimait bien comploter, se battre en duel, etc. Ça rappelle un peu toutes les histoires d'Alexandre Dumas. Et qui s’est petit à petit urbanisé à partir du XVIe siècle."

2- Au XVIIe siècle : un hôtel particulier habité par la Reine Marguerite

Cet hôtel particulier, construit le long de la Seine, a été habité par la Reine Marguerite au début du XVIIe siècle :

"La Reine Margot, qui était l’épouse du roi Henri IV, a offert grâce à son royal époux une bande de terrain le long de la Seine sur lequel elle a fait construire un hôtel particulier avec un très vaste parc. Ça faisait seize hectares, ce qui n’était pas minuscule, et elle l'a habité à peine une dizaine d’années.” Marie-Laure Crosnier Leconte

3- Le Palais d’Orsay : incendie, ruines et jardin

Débris de la Cour des Comptes
Débris de la Cour des Comptes
- Musée d’Orsay / Droits réservés

Sous l'impulsion de Napoléon Ier, la construction du Palais d'Orsay s'amorça en 1810, même si le bâtiment n'a été terminé qu'en 1840 pour abriter le Conseil d'Etat et la Cour des Comptes. Dans la nuit du 23 au 24 mai 1871, pendant la Commune de Paris, le Palais d'Orsay est détruit par un incendie. Et sur ces ruines va naître un jardin atypique :

“Ce qui a permis de créer un extraordinaire jardin à l’intérieur de Paris où poussait une végétation absolument fabuleuse, même exotique, parce que toutes les graines des serres des hôtels particuliers voisins étaient récupérés dans la Cour et il poussait une végétation, paraît-il tout à fait fabuleuse. Je crois qu’on avait dénombré jusqu’à 130 espèces rares.”Marie-Laure Crosnier Leconte

4- La gare et son hôtel : l’exposition universelle de 1900

Peu avant l’exposition universelle de 1900, ce terrain en ruines fut cédé à la compagnie des Compagnie des chemins de fer d’Orléans. Un immense chantier conduit par l’architecte Victor Laloux débuta et la gare fut inaugurée deux ans plus tard, le 14 juillet 1900. Avec son hôtel attenant car, comme le souligne Marie-Laure Crosnier Leconte, “chaque exposition universelle suscitait la création d’un nouveau grand hôtel, d’un nouveau palace”.

Façade de la gare d'Orsay - Fonds Roger-Viollet, n°39-5 (D.R.)
Façade de la gare d'Orsay - Fonds Roger-Viollet, n°39-5 (D.R.)
- Musée d’Orsay / Droits réservés

Le projet a néanmoins soulevé de nombreux mécontentements. Le fer, pourtant emblème de la modernité, a été camouflé par de la pierre de taille :

“Ça avait une fonction esthétique, parce que c’était un monument en plein coeur de Paris dans un quartier très luxueux et dans un site au bord de la Seine, etc. Il fallait donc cacher tout ce qui avait une apparence industrielle et surtout le grand pignon de la nef. L’hôtel vient complètement envelopper la gare et la masquer sous une couche de pierres de taille qui donne un aspect plus respectable au bâtiment”

En 1900, Edouard Detaille déclara : "la gare est superbe et a l'air d'un palais des beaux-arts, et le palais des beaux-arts a l'air d'une gare. Je propose à l'architecte de faire l'échange s'il en est temps encore". Vision prémonitoire !

5- Entre perte de vitesse et nouvelle vie pour la gare

Très vite, la gare est dépassée technologiquement notamment en raison de l'électrification du réseau ferroviaire :

“En 1939, le trafic grandes lignes est désaffecté, mais le trafic banlieue continue, et continue encore aujourd’hui, puisqu’il y a une ligne de RER qui passe quasiment sous la gare. A partir de 39, toute la partie haute du bâtiment était désaffectée, il fallait lui trouver une autre utilisation.”

En 1945, la gare devient un lieu d'accueil pour les prisonniers de retour des camps de concentration. A travers une série d'archives, le documentaire de 1986 donne à entendre autant la voix des déportés que, plus tard, celle du Général de Gaulle en mai 1958 lors de la conférence de presse donnée dans la salle des fêtes de l'hôtel d'Orsay.

6 - En 1971 : la gare sauvée de la démolition

Jacques Rigaud, président de l'établissement public en 1986, revient sur l'histoire institutionnelle du lieu. Il raconte comment la gare fut sauvée de la démolition en 1971 par Jacques Duhamel, à l'époque Ministre de la Culture, venant ainsi stopper le projet de construction d'un hôtel. Mais que faire alors de ce lieu ? Sur l'idée de Jean Châtelain, Jacques Rigaud suggère au ministre, puis à Georges Pompidou en 1973, l'implantation d'un musée. En attendant, il propose à Jean-Louis Barrault de s'y installer...

7 - Voyage, entre théâtre et cinéma

Si la gare d'Orsay a servi de décor à des films, notamment pour Le Procès de Kafka d'Orson Welles, elle fut donc le théâtre de la compagnie Renaud-Barrault à partir de 1974. Pour le metteur en scène, théâtre et gare ont en commun le voyage.

8 - En route vers le musée

Une autre vie est encore possible pour la gare d'Orsay. A mesure que le projet muséal se dessine, la scène de théâtre cède à la peinture et à la sculpture. Dans cette archive de 1986, Jacques Rigaud, se remémorant les politiques culturelles de l'époque, raconte la naissance de ce projet aux multiples paternités :

“Le projet a été historiquement mis sur les rails, si j’ose employer cette expression, du temps de M. Giscard d'Estaing, président de la République. Lorsqu’il a été question d’une loi programme sur les musées, à ce moment-là, le directeur des musées de France, Emmanuel de Margerie, l’équipe du Louvre, les ministres et secrétaires d’Etat successifs ont porté l’affaire, et l’établissement public a été créé en 1978. Mais vous voyez combien il y a eu de multitudes de paternités.”

Le Musée d'Orsay a été inauguré le 9 décembre 1986 par François Mitterrand. Transformer une gare en musée : la tâche ardue à été confiée à Gae Aulenti, architecte italienne. Sur l'antenne de France Culture, Anne Pingeot, racontait comment ont été pensées les collections du musée d'Orsay pour rendre hommage au XIXe siècle. L'architecture de cette gare, souligne-t-elle, est une chance pour la sculpture mise en valeur par un éclairage quasi naturel grâce à la verrière.