Partager
Cerveau et psy

Schizophrénie : une prise de sang pour choisir le bon traitement

Le Prix Marcel Dassault 2016 a été attribué à Nicolas Glaichenhaus pour sa recherche sur la schizophrénie. Il a mis au point un algorithme permettant de prédire l'efficacité d'un traitement dans cette maladie.

réagir
Nicolas Glaichenhaus, lauréat du Prix Marcel Dassault 2016, dans son laboratoire.

Nicolas Glaichenhaus, lauréat du Prix Marcel Dassault 2016, dans son laboratoire.

Prix Marcel Dassault 2016

Ce n'est pas un Prix Nobel mais quand même... Doté d'un faramineux budget de 300.000 euros, le Prix Marcel Dassault 2016 pour la recherche sur les maladies mentales a été remis mardi 6 décembre 2016 à Nicolas Glaichenhaus, professeur d'immunologie, pour son algorithme de prédiction dans la schizophrénie. L'objectif n'est pas ici de diagnostiquer la maladie ou la survenue de crises mais de prédire ce que l'on appelle (dans le jargon médical) la réponse aux traitements. En effet, pour soigner les patients schizophrènes, les médecins utilisent (entre autres) des médicaments neuroleptiques, également nommés "antipsychotiques". Malheureusement, tous ne sont pas efficaces et ne sont pas aussi bien tolérés chez les différents patients. Comment savoir quel médicament conviendra le mieux à chaque malade ? Avec une simple prise de sang, nous explique l'ingénieux lauréat.

Une carte d'identité immunologique

Pour comprendre comment cela pourrait être possible, il faut néanmoins revenir sur certaines avancées antérieures. En effet, ces dernières années, les scientifiques ont noté un certain nombre de corrélations troublantes entre la schizophrénie et le système immunitaire. Indiquant la survenue plus fréquente de la maladie en cas d'infection maternelle pendant la grossesse, de mutations génétiques de différentes cytokines* (ou de leurs récepteurs) ou encore de concentrations anormales de cytokines dans le sang. Outre ces "simples" liens statistiques, des chercheurs ont montré une relation de cause à effet chez la souris entre la concentration de cytokines (en injectant de l'interleukine 6) et la survenue d'effets secondaires de certains traitements. Prouvant ainsi que la réponse au traitement était liée aux concentrations de cytokines dans le sang.

*Les cytokines sont les molécules produites par le système immunitaire pour défendre l'organisme. Parmi elles, on compte les interleukines, les interférons ou encore les chimiokines.

"Chaque dosage de cytokine coûte 1 euro par patient"

Nicolas Glaichenhaus et son équipe (des immunologistes et des mathématiciens) ont donc eu l'idée d'établir une sorte de profil immunologique des patients, en fonction des concentrations en cytokines relevées dans leur sang. Par exemple, imaginons que l'on mesure les taux de deux cytokines (interleukine 6 et interleukine 2) chez des patients avant traitement. On leur administre ensuite un traitement A et le médecin évalue cliniquement leur réponse à ce dernier. Les patients sont représentés par des points rouges sur le graphique ci-dessous si le traitement a été efficace, en bleu s'il a été inefficace. Lorsqu'un nouveau patient arrive, une simple prise de sang permet de doser ses interleukines 6 et 2 et de le placer sur le schéma (ici, le rond vert). Dans cet exemple, il se trouve dans la zone des points rouges ; on peut en déduire qu'il a de grandes chances d'être sensible au traitement A.

Le profil immunologique des patients permet de prédire l'efficacité du traitement / © Sarah Sermondadaz, d'après N. Glaichenhaus

La réalité est bien sûr beaucoup plus complexe. Le logiciel a notamment analysé 43 cytokines. D'après ses résultats, 5 d'entre elles étaient pertinentes pour évaluer la réponse à un traitement. Après avoir obtenu ces données, quelques millisecondes après une prise de sang, la machine serait alors capable de déterminer le traitement le plus adapté, en fournissant une probabilité de succès. Testé chez 332 personnes qui faisaient un premier épisode de psychose, l'algorithme de prédiction a anticipé la réponse à l'amisulpride (un des traitements actuellement utilisés) avec une fiabilité de 75 %. Mais les chercheurs espèrent davantage. En effet, leur objectif est d'améliorer les méthodes mathématiques pour une meilleure précision du modèle. Ils veulent aussi valider l'algorithme dans des cohortes prospectives de patients. Et pourquoi pas appliquer ces recherches dans d'autres maladies psychiatriques (troubles bipolaires, dépression...) ? "Il existe déjà des tests de cette nature actuellement commercialisés dans l'arthrite rhumatoïde", explique Nicolas Glaichenhaus. D'autant plus que "chaque dosage de cytokine coûte 1 euro par patient, donc ce serait vraiment abordable", ajoute-t-il.

Pour la 5e année consécutive, la Fondation FondaMental et le Groupe Dassault s'unissent pour soutenir les travaux de recherche les plus prometteurs dans les maladies mentales. Le Prix Marcel Dassault 2016 récompense Nicolas Glaichenhaus, professeur d'immunologie à l'Université de Nice-Sophia Antipolis. Il dirige depuis 2003 une unité mixte Inserm-Université intitulée "Immunologie des maladies allergiques, auto-immunes et infectieuses" et une équipe de recherche à l'Institut de Pharmacologie Moléculaire et Cellulaire à Sophia Antipolis depuis 1991.

Commenter Commenter
à la une cette semaine

Centre de préférence
de vos alertes infos

Vos préférences ont bien été enregistrées.

Si vous souhaitez modifier vos centres d'intérêt, vous pouvez à tout moment cliquer sur le lien Notifications, présent en pied de toutes les pages du site.

Vous vous êtes inscrit pour recevoir l’actualité en direct, qu’est-ce qui vous intéresse?

Je souhaite recevoir toutes les alertes infos de la rédaction de Sciences et Avenir

Je souhaite recevoir uniquement les alertes infos parmi les thématiques suivantes :

Santé
Nature
Archéo
Espace
Animaux
Je ne souhaite plus recevoir de notifications