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Insécurité : un tableau pas si noir (et ce sont les Français qui le disent)

Baisse du sentiment d'insécurité, des vols de voiture ou des actes de vandalisme... L'enquête annuelle de l'Observatoire national de la délinquance est publiée ce mercredi.
par Sylvain Mouillard
publié le 7 décembre 2016 à 7h50

Cambriolages, vandalisme, insécurité… Autant de sujets, qui, régulièrement, déclenchent des prises de position de responsables politiques, prompts à dénoncer la supposée incurie du pouvoir en place, qu'il soit de droite et de gauche. Même si l'exploitation des chiffres de la délinquance s'est nettement atténuée ces dernières années, le cliché a la vie dure : c'était mieux avant. «En matière de délinquance, les gens ont souvent l'impression que la situation ne fait que se dégrader, illustre Cyril Rizk, responsable des statistiques à l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP). Le regard alarmiste est plus fort.»

Depuis 2007, l'Observatoire réalise une enquête annuelle de victimation, en collaboration avec l'Insee. Son principal atout : elle ne repose pas sur les chiffres de la police, mais sur les déclarations de quelque 15 000 personnes de 14 ans et plus, interrogées cette année entre février et mai. «C'est l'enquête de référence car elle se base sur la propre expérience des gens», appuie Rizk. Les chiffres de la police, eux, sont considérés comme trop parcellaires, tant en raison d'une sous-déclaration des plaintes que d'une possible manipulation des résultats.

L’étude, dévoilée ce mercredi, livre un tableau loin d’être catastrophique. Ainsi, les atteintes aux biens (notamment les voitures) continuent à diminuer. Elle témoigne en revanche d’une évolution de la délinquance, avec une forte hausse des retraits frauduleux sur les comptes bancaires. La tendance est ambivalente en matière de violences physiques, mais plus positive sur le sentiment d’insécurité et le niveau de satisfaction envers l’action de la police et de la gendarmerie. Le tout dans un contexte fortement marqué par la menace terroriste.

Les atteintes aux biens matériels en baisse

La chute est spectaculaire : en 2006, 1,3 million de ménages déclaraient avoir été victimes de vols ou de tentatives de vols sur leur voiture. Le chiffre, en 2015, s’établit à 782 000 ménages. Les actes de vandalisme contre les voitures ont concerné, eux, près d’1,6 million de ménages en 2007, contre 1,2 million l’an passé. Sur le plan des cambriolages (ou des tentatives) dans les résidences principales, si l’évolution entre 2014 et 2015 est positive (de 548 000 victimes à 489 000), leur niveau demeure sensiblement plus élevé que lors des années 2006-2010 (400 000 victimes annuelles).

L'ONDRP formule deux hypothèses pour expliquer cette diminution : un phénomène de baisse «structurelle» des vols de véhicules peut-être lié au développement d'autres atteintes, et un «éventuel impact du déploiement de la police, de la gendarmerie et de l'armée dans les lieux publics à la suite des attentats de janvier 2015».

Forte hausse des arnaques à la carte bancaire

Cette délinquance dématérialisée, qui peut se faire caché derrière un ordinateur et s’avère donc plus difficile à combattre, a explosé depuis qu’elle est mesurée par l’Observatoire en 2010. A l’époque, 500 000 ménages s’étaient déclarés victimes de retraits frauduleux sur leur compte bancaire. En 2015, ils étaient plus d’1,1 million.

Les violences physiques stables

Pour la première fois depuis 2006, davantage de femmes que d'hommes ont indiqué l'an passé avoir été victimes de violences physiques ou de menaces en dehors du cadre du ménage. Elles étaient 1,12 million contre 1,08 million. Ce chiffre est relativement stable depuis dix ans pour les femmes, mais en baisse «très significative» pour les hommes.

Au sein des ménages, le nombre de violences physiques ou sexuelles reste stable si on regarde les tendances de long terme. En 2014-2015, 527 000 femmes ont déclaré avoir subi ce genre d’atteinte (elles étaient 572 000 en 2009-2010), contre 280 000 hommes.

Le sentiment d’insécurité continue à baisser

Moins de 15% des personnes interrogées au moment de l'enquête ont déclaré avoir éprouvé un sentiment d'insécurité à leur domicile en 2016. C'est la deuxième baisse consécutive après le pic de 2014 (17%). La même tendance est mesurée pour le sentiment d'insécurité dans le quartier ou le village : il avait concerné 21,9% des sondés en 2013, et s'établit cette année à 19,5%. Ce phénomène concerne bien plus souvent des femmes (24,4%) que les hommes (14,2%). «Dans un contexte fortement marqué par le terrorisme, note l'Observatoire, le domicile, le quartier ou le village pourraient apparaître comme des espaces plus sûrs qu'auparavant lorsque se produisent dans les lieux publics des grandes villes des attentats de masse.»

Le terrorisme, une préoccupation croissante

De 2012 à 2014, en moyenne, 3,2% des personnes interrogées citaient le terrorisme comme le problème le plus préoccupant dans la société française actuelle. Les attentats de janvier et novembre 2015 ont bouleversé la donne. Le terrorisme est désormais considéré comme une des principales menaces, à égalité avec le chômage (à 30,4% pour le premier et 30,9% pour le second).

Ce phénomène est à rapprocher de la forte augmentation entre 2014 et 2015 de la proportion des personnes jugeant «satisfaisante» ou «très satisfaisante» l'action de police ou de la gendarmerie. Elles étaient 48,6% à penser ainsi il y a deux ans, et sont cette année 59,3%. L'ONDRP évoque notamment l'«élan de sympathie de la population à l'égard des forces de l'ordre qui serait apparu dès janvier 2015».

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