Un Lord dénonce les critères d’accueil des réfugiés mineurs au Royaume-Uni

Lord Hobs

A 84 ans, une préoccupation anime Alf Dubs, membre de la chambre des Lords britannique: le sort des mineurs réfugiés qui pendant des mois ont hanté la «Jungle» de Calais.

D’où la colère de cet ancien réfugié face aux atermoiements des deux côtés de la frontière.

« Je pense qu’ils ont eu tort», dit-il à l’AFP dans une salle de travail du Parlement. Le ton est courtois mais sans appel. Lord Dubs fait référence aux nouveaux critères d’éligibilité édictés par Londres mi-novembre.

Selon ces critères, à moins d’attaches familiales, il faut avoir 12 ans ou moins, ou être exposé à un risque élevé d’exploitation sexuelle, ou bien avoir 15 ans ou moins si on est Syrien ou Soudanais, pour prétendre fouler le sol britannique. Ultime condition: être arrivé en Europe avant le 20 mars et dans la «Jungle» au plus tard le 24 octobre, date de début de son démantèlement.

 

Ces conditions excluent «des enfants très vulnérables venus d’Erythrée ou d’Éthiopie» entre autres, dénonce Lord Dubs, à l’origine d’un amendement adopté en mai, censé ouvrir les portes du Royaume-Uni à quelques centaines de réfugiés mineurs isolés sans attaches familiales. Un texte qui, depuis, porte son nom.

«Parler d’éligibilité va à l’encontre de l’amendement que le gouvernement s’est engagé à appliquer», dénonce l’élégant octogénaire lui-même arrivé au Royaume-Uni grâce au «Kindertransport», une opération qui a permis d’accueillir quelque 10.000 enfants juifs isolés d’Allemagne, d’Autriche et de Tchécoslovaquie.

C’était en 1938 et il avait six ans. «Si Nicholas Winton, l’homme qui a organisé l’opération depuis Prague n’avait pas été là, j’imagine que je n’aurais pas survécu», dit-il, rendant hommage à ce héros très discret qui est mort l’an dernier à l’âge de 106 ans.

Une histoire qu’il raconte dans le documentaire militant de la comédienne Vanessa Redgrave, consacré aux réfugiés et présenté mardi soir à Londres.

Emmanuelle Cosse reproche à Londres de ne pas accueillir les mineurs de Calais

La ministre du Logement Emmanuelle Cosse a critiqué la réticence de l’Angleterre à accueillir des enfants isolés de la «Jungle» de Calais au titre du regroupement familial et estimé que «plusieurs centaines» devraient être admis «rapidement» Outre-Manche.

 

S’il aime à croire qu’il défendrait les réfugiés même si son histoire personnelle avait été différente, Lord Dubs admet qu’elle a contribué à forger l’homme qu’il est aujourd’hui.

«Même si je fais valoir que cet amendement n’a rien à voir avec mon passé, clairement il y a une charge émotionnelle de ma part», dit-il. Et clairement aussi, «cela a aidé à mettre la pression sur le gouvernement».

Un gouvernement sur lequel il essaie de continuer d’influer en coulisses pour obtenir qu’il honore sa promesse. Quitte à déballer les sujets qui fâchent sur la place publique en cas d’échec de la voie diplomatique, met-il en garde.

Lord Dubs n’épargne pas non plus le gouvernement français, qui selon lui ne s’est pas montré assez coopératif et a évacué la «Jungle» trop rapidement.

«Je pense qu’ils ont agi sous la pression des élections qui arrivent (en 2017)», dit-il, ajoutant qu’il aurait préféré que les mineurs soient d’abord identifiés avant d’être dispersés aux quatre coins de France. Ou qu’ils soient rassemblés quelque part pas trop loin de Calais.

Mais «j’imagine que les autorités françaises avaient conscience que quoi qu’elles fassent, cela constituerait un aimant pour d’autres enfants», souligne-t-il aussi.

Côté chiffres, Londres comme Paris se montrent très discrets. La ministre britannique de l’Intérieur Amber Rudd se serait engagée, selon des sources proches du dossier, à accueillir 600 mineurs, un chiffre que Paris compte bien atteindre, voire dépasser.

Face à cette loi du silence sur un sujet très délicat politiquement des deux côtés de la frontière, «je sais que quelques centaines viennent», dit Lord Dubs.

«Le processus est en cours, ils viennent et c’est positif», ajoute-il estimant que malgré «la stupidité du Brexit» et le discours anti-immigration qui a surgi au Royaume-Uni avec le débat sur l’appartenance à l’Union européenne, les Britanniques sont dans leur ensemble prêts à ouvrir les bras «au moins à un certain nombre d’enfants réfugiés».

 

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