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Analyse

La guerre des prix, une drogue pour les opérateurs télécoms

A l'approche de Noël, les offres de forfait mobile à prix cassé se multiplient. Or, l'année 2016 a déjà été marquée par une accélération des promotions, devenues indispensables à la stratégie des opérateurs.

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Par Romain Gueugneau, Fabienne Schmitt

Publié le 8 déc. 2016 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

Ils ne peuvent pas s'en passer. Depuis quelques jours, c'est la grande braderie dans les télécoms. Free, qui lance un forfait mobile illimité à 2,99 euros pendant un an, Bouygues Telecom, qui réplique en dégainant une offre à 3,99 euros, et SFR, qui renchérit avec un forfait 20 Go à 10 euros, à vie. Et même Cdiscount, qui, à la surprise générale, fait irruption sur le marché du mobile, avec un forfait à... 2 euros par mois. La guerre des prix dans les télécoms bat-elle à nouveau son plein ?

En réalité, tous les ans, à l'approche de Noël, les opérateurs soldent leurs forfaits. La période des fêtes est très propice au chassé-croisé de clients dans le mobile : l'an dernier, un nouveau record a été battu. Le problème, c'est que Noël a déjà été fêté à plusieurs reprises cette année dans les télécoms. 2016 a en effet été très agité, avec des promotions à répétition de la part des opérateurs. Le premier semestre a été particulièrement nourri. « Le rythme des promotions s'est accéléré par rapport aux dix-huit mois précédents », pointe Natixis, dans une étude publiée mi-septembre, mentionnant les « préoccupations répétées » des investisseurs « envers un possible retour d'une guerre commerciale en France ». « La guerre des prix n'est pas finie, et elle ne sera jamais finie, affirme pour sa part Stéphane Richard, le PDG d'Orange, aux « Echos ». C'est une illusion de penser qu'il n'y aura plus de concurrence sous cette forme-là dans les télécoms. » L'irruption de Free dans le mobile il y a cinq ans a changé la donne pour toujours.

Aujourd'hui, plusieurs stratégies coexistent. Un opérateur a clairement fait des prix son argument essentiel : Free, le champion du low cost et du sans engagement, avec ses offres à 2 euros (zéro euro pour les abonnés fixe) et 19,99 euros (15,99 euros pour les abonnés fixe). Orange et SFR, eux, tentent de maintenir leurs tarifs. Le premier a des arguments : la qualité de son réseau mobile (le meilleur, selon les enquêtes de l'Arcep), ses boutiques et leurs services d'accompagnement. Chez SFR, c'est plus compliqué : il est le seul qui perd des clients (plus de 2 millions en deux ans), à cause de la dégradation de son réseau mobile, faute d'investissements suffisants ces dernières années. Difficile de faire payer cher dans ces conditions. L'opérateur de Patrick Drahi multiplie donc, depuis un an, les offres à prix cassé avec RED, sa marque low cost, pour tenter d'enrayer les pertes d'abonnés. Pour sa part, Bouygues Telecom mise sur la force de son réseau 4G, tout en répondant systématiquement, avec des tarifs très attractifs, à toute initiative de baisse des prix de ses concurrents.

La consolidation, remède à la baisse des prix

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La guerre des prix se traduit en fait, sur le terrain, en une guerre des promotions. Car à y regarder de plus près, les prix faciaux des forfaits n'évoluent guère. Le revenu moyen par abonné a tendance à se stabiliser depuis plusieurs trimestres autour de 16 euros par mois - l'un des plus faibles d'Europe. Si les offres à prix cassé se multiplient, elles ne durent généralement que quelques jours, sont valables un an, et n'intéressent qu'un profil limité de clients. Les opérateurs évitent désormais de baisser le prix de leurs forfaits « classiques ». En revanche, ils ont tendance à offrir plus pour la même somme, notamment en volume de données à télécharger. Les promotions sont devenues une composante à part entière des stratégies commerciales des uns et des autres. « C'est un rendez-vous que les consommateurs attendent désormais », reconnaît un cadre du secteur. Et un engrenage difficile à stopper. Si un opérateur ne réagit pas aux promotions de ses concurrents, il risque en effet de voir des clients, non engagés, partir en masse. Mais le procédé n'est pas juste défensif, c'est aussi une importante arme de conquête. « Le plus dur et le plus cher dans les télécoms, c'est de recruter les clients, poursuit ce dirigeant. Les promotions servent à cela. Après, à nous de les conserver une fois la promotion terminée ».

L'agressivité tarifaire est une conséquence du contexte de marché actuel. Malgré les tentatives répétées des uns et des autres ces dernières années, le secteur compte encore quatre opérateurs de réseau. La consolidation a toujours été présentée comme un remède à la guerre des prix et un facteur de la remontée des marges, essentielle pour maintenir un niveau d'investissement convenable dans les réseaux et donc la qualité de service pour les abonnés.

Aujourd'hui, les « telcos » assurent avoir refermé le chapitre de la consolidation, après avoir échoué à trouver un accord à quatre pour le rachat de Bouygues Telecom par Orange. Chacun est reparti gérer ses propres affaires. SFR s'est lancé dans un vaste plan de restructuration, alors que sa maison mère Altice se concentre sur les Etats-Unis. Orange pousse les feux dans la fibre et scrute les opportunités d'acquisition à l'étranger. Xavier Niel prépare Free à devenir le quatrième opérateur en Italie. Quant à Bouygues Telecom, après des années de galère, il vient de renouer avec la croissance du chiffre d'affaires et les bénéfices. Et Martin Bouygues assure que la vente de sa filiale n'est plus du tout à l'ordre du jour et qu'il compte bien continuer à agiter le marché. Mais qu'en sera-t-il réellement dans six mois, un an ou deux ans ? Difficile de parier sur l'avenir du secteur et sa recomposition à terme, tant les rebondissements ont été nombreux. Une chose est sûre : les consommateurs devraient encore passer de joyeuses fêtes.

Les points à retenir

Free, Bouygues, SFR, Cdiscount... la plupart des opérateurs profitent des fêtes pour lancer des offres à prix cassé.

Le problème est que cette guerre commerciale dure désormais toute l'année, ce qui préoccupe les investisseurs.

Pour le moment, la guerre des prix ne déborde pas sur les offres « classiques », et le revenu moyen par abonné reste stable en France.

Journalistes au service High-Tech & Médias Romain Gueugneau et Fabienne Schmitt

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