Nîmes : une ville face au risque de radicalisation

Abonnés
  • Fin 2014, le nom de la ville et de ses quartiers tagués sur un mur en Irak.
    Fin 2014, le nom de la ville et de ses quartiers tagués sur un mur en Irak. DR
Publié le , mis à jour
AGATHE BEAUDOUIN et CATHY ROCHER

Depuis les attentats de 2015 et de 2016, le Gard est "un département exposé", en particulier sa capitale. Décryptage du phénomène et témoignages de parents dont une mère qui a perdu son fils en Syrie.

"On ne sait rien du comment ni du pourquoi ! C’était un gamin gentil, naïf, fragile. Ils lui ont lavé le cerveau. C’est un embrigadement." Un silence, quelques larmes, puis Myriam (le prénom a été changé) sourit. Cette maman a perdu son fils, mort en Syrie. "On m’a prévenue par un coup de téléphone. Ils m’ont dit qu’il était tombé en martyr. Mais je suis toujours dans le doute : est-il prisonnier ? Vivant ou pas ? Nous n’avons aucune preuve. Le corps ? Ce n’est même pas imaginable de demander le rapatriement. D’ailleurs, à qui poserai-je la question ?"

En 2015, dans ce quartier de l’est nîmois où Myriam vit depuis plusieurs années, elle a vu d’autres jeunes partir. Une dizaine. Au moins cinq auraient perdu la vie. Devant cette hécatombe et ce quotidien insoutenable, cette maman a décidé d’agir et de se battre, en allant témoigner dans certains établissements scolaires. Une décision toute récente qui se concrétisera en 2017. "J’ai un autre garçon, qui a lui-même des copains. C’est pour eux que je vais le faire." Hors du quartier et sans doute de sa ville, pour fuir les menaces.

LIRE AUSSI - Nîmes : pour que la radicalisation ne soit plus un sujet tabou

"Il refuse de prendre ses repas en famille"

Pour Myriam, le sujet de la radicalisation est arrivé très progressivement, entre 2013 et en 2014, avant les attentats de Charlie Hebdo et du 13 novembre. Par à-coups. "À ce moment-là, on ne parlait pas du jihad. Je voyais bien mon fils changer mais pouvais-je imaginer cela ? Quand il a commencé à aller à la mosquée, j’ai même été rassurée. Je pensais que ça lui ferait du bien."Sans travail, son garçon tout juste majeur, qui n’a pas le tempérament d’un aventurier ("il avait peur des rats"), commence "à faire la prière cinq fois par jour". Puis refuse de prendre ses repas en famille et de faire la bise à ses tantes. "Son regard devenait bizarre."

Myriam confisque le passeport et se confie à des personnes de confiance, dans une association où elle trouve, aujourd’hui encore, du réconfort, des marques de chaleur pour surmonter ses peines et ses angoisses. "Quand elle a compris qu’il était parti, elle est allée à Marseille pour le retrouver, l’empêcher de partir. C’était trop tard, dit son amie Aline. Et on était bien seuls. Que faire et que répondre à ces familles qui voyaient leurs enfants se radicaliser, puis partir ?" "Il est parti à l’étranger visiter de la famille. Ça, je ne pouvais pas l’empêcher. À son retour, il est aussitôt reparti. Là, j’ai compris. Et quand ils posent leurs pieds là-bas, c’est foutu", reprend Myriam, qui fait dérouler sur l’écran de son téléphone les quelques photos de son enfant. En tenue de combattant le plus souvent.

Deux années douloureuses

Les deux années qui viennent de s’écouler, marquées par les attentats, ont été douloureuses : "Mon seul soulagement, c’est que je n’aurais pas supporté qu’ils participent à de tels massacres." "Ici on a été au démarrage de la radicalisation, des garçons et des filles sont partis, on leur dit qu’elles feront de l’humanitaire, explique une responsable d’association, qui reçoit des parents désemparés. Actuellement, la radicalisation est plus difficile à repérer car on sait que les jeunes s’adaptent au contexte."

Pour Myriam, l’essentiel est donc de prévenir. "J’ai assisté à des réunions en préfecture. Avec d’autres parents. Cela peut arriver à tout le monde, dans toutes les couches sociales. Nos enfants sont des victimes et les parents ne sont pas les responsables." Son deuil, elle le surmonte en accompagnant les mamans qui, comme elle, ont perdu un enfant. Malgré "la peur" omniprésente, elle prend de nombreuses précautions mais ne renoncera pas au combat. "Il faut sauver nos enfants."

La suite de notre dossier :

LIRE AUSSI - Radicalisation à Nîmes : "Nous voulons retrouver notre enfant d’avant"

LIRE AUSSI - Gard : le Rado, pilier de la prévention contre la radicalisation

Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes
Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement
à cet article à partir de
2,49€/mois
L'immobilier à Nîmes

435000 €

L' Agence Côté Pierres Immobilier vous propose cette très belle maison de v[...]

Toutes les annonces immobilières de Nîmes