Code pénal

Au Maroc, deux mineures jugées pour homosexualité «innocentées»

Accusées de s'être embrassées sur un toit de Marrakech, elles risquaient de la prison. L'affaire a remis sur le devant de la scène la discrimination des minorités sexuelles au Maroc.
par Margot Chevance, Correspondante au Maroc
publié le 9 décembre 2016 à 14h05

Le verdict est tombé. Les deux filles jugées pour homosexualité à Marrakech ont été «innocentées», «elles doivent être remises définitivement à leurs familles», précise le document du tribunal. Dénoncées fin octobre à la police pour un baiser échangé sur un toit de la ville, l'affaire avait mis l'opinion publique marocaine en émoi, choquée du traitement réservé aux deux mineures. Placées en prison, elles avaient finalement été remises en liberté provisoire, dans l'attente de leur procès. Au Maroc, l'homosexualité est condamnée par l'article 489 du code pénal qui criminalise les relations sexuelles entre individus du même sexe, d'une peine allant jusqu'à trois ans de prison ferme.

A lire aussi: Au Maroc, deux mineures risquent trois ans de prison pour homosexualité

Les audiences se sont tenues à huis clos, seulement en présence des familles. Aucune caméra dans les couloirs du tribunal de Marrakech. Des deux jeunes filles, on ne connaît que les prénoms et les âges. Du côté de la défense, les avocats ont dénoncé des PV qui ne rapportaient pas les faits réels, signés par les adolescentes sous la contrainte. Ils plaidaient non coupables, considérant que H., 17 ans et demi et S., 16 ans, étaient accusées d’homosexualité à tort.

Combat pour la dépénalisation de l’homosexualité

Du côté de l'Association marocaine des droits de l'homme, qui suit l'affaire de près depuis le début, ce verdict est «surréaliste et inachevé». «Le tribunal n'a pas eu le courage de dire que les deux filles sont innocentées pour homosexualité», affirme Omar Arbib, membre de l'association. Leur arrestation était «arbitraire», une «erreur» dès le départ, qui «viole les libertés individuelles».

En filigrane, c'est le combat pour la dépénalisation de l'homosexualité au Maroc qui se dessine. Sur cette question, les pressions viennent surtout de l'étranger, et notamment d'organisations internationales comme Human Rights Watch. Une poignée d'associations marocaines profitent de ce genre d'affaires médiatisées pour remettre la discrimination des minorités sexuelles sur le devant de la scène. «La dépénalisation ça n'arrivera jamais, lâche Omar Arbib. Malgré la pression internationale, il n'y aura pas d'ouverture. L'homosexualité reste taboue.» D'autres questions plus brûlantes viennent balayer les espoirs : la violence faite aux femmes, le mariage des mineures ou encore la pénalisation des relations sexuelles hors mariage. Un tout autre combat.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus