Désirée de Lamarzelle : Les femmes sont encore sous représentées dans les médias, plutôt interviewées en tant que simple témoin. Elle ne représentent que 20% des experts. Comment expliquez-vous cela ?


Anne-Claire Coudray : Chez TF1 on a pris conscience il y a quelques années que nous reproduisions des schémas. Il a fallu au sein du groupe changer nos réflexes. A commencer par faire appel dans nos reportages à des expertes et pas seulement aux experts que nous avions en  tête. Dans l'urgence d'un sujet, il était plus facile d'appeler ceux que l'on connaissait et qui étaient justement déjà vus un peu partout.

La chaîne a entrepris un travail de sensibilisation, avec notamment la création d’un guide des expertes et des formations pour nous pousser à appeler des femmes et pas forcément en tant que témoin avec la classique interview de la "mère de famille".



Cela vous demandait un effort supplémentaire ?


Oui au début, car  il a fallu identifier et contacter ces expertes qui, si elles étaient nombreuses, n'étaient pas forcément connues. Mais une fois qu’on a fait sauter ce verrou avec ces femmes scientifiques, sociologues, banquières, biologistes etc… cela est devenu très facile et naturel.


C'est le seul verrou à faire sauter dans la sous-représentation des femmes ?

Notre part du travail à la rédaction était de chercher ces femmes, et par là même ,de mettre fin à leur sentiment d'illégitimité à prendre la parole dans tous les domaines de la société. Et puis de manière plus sociétale il y a aussi le fait qu’elles n’ont pas forcément le temps. Si à 19h il y a une "nounou" qui les attend, elles vont nous renvoyer vers leurs collègues masculins.

Il faut donc continuer à expliquer à ces femmes que l'on a vraiment besoin de les voir, et en général ça marche ! C'est un changement de mentalité qui prend du temps.


Elles sont souvent plus complexées que les hommes pour s'exprimer dans les médias

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Pourquoi c’est si important d’accorder à une femme un juste traitement dans les médias ?

Parce que -même si cela tombe sous le sens- elles ne disent pas forcément la même chose que les hommes. Si on les oublie, on se prive aussi d’un autre point de vue. Prenez l'exemple de l'interview d'une médecin qui, sur le plan scientifique racontera la même chose que son confrère, mais qui a sûrement une autre manière d’appréhender les choses.
Et enfin c'est nécessaire dans un souci de stricte égalité. Cela fait parti de l’ADN d’un média comme TF1. On essaie tous les jours de se poser la question à qui on donne la parole, à quelle catégorie de la population s’adresse.



 


Que pensez-vous d’une politique "à la suédoise" avec des objectifs chiffrés pour les rédactions ?


Dans les médias c’est très compliqué. Si vous pouvez mettre en place cette sensibilisation mentale avec les réflexes de travail que je viens d'évoquer, sur le terrain -et dans l'urgence d'un sujet où l'on ne trouve pas de femme- ces contraintes pourraient devenir compliquées à gérer.



Vous êtes maman d’une petite fille, quels conseils lui donneriez-vous en ce qui concerne le monde du travail ?


Je me suis rendue compte que si je suis née à une époque où nos mères ont déjà fait tout le travail en terme de droits, certaines problématiques d'inégalité femme-homme perdurent car elles sont inconscientes. La vie professionnelle des femmes sera totalement égale à celles des hommes quand la vie familiale sera réellement partagée. Vous ne pouvez pas demander à une femme qui doit faire les courses, aller chercher les enfants à l’école et s’occuper d’eux, d’être aussi disponible qu’un homme. Mais ça avance ! 

Evénement conférence "Expertes à la Une" by TF1, ce lundi 5 décembre