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Politique

Pourquoi le succès de l'envolée lyrique de Macron menace le PS

Le succès du meeting de la Porte de Versailles tenu par Emmanuel Macron Paris samedi dernier est un signal d'alerte inquiétant pour le PS et ses candidats à la Primaire de la Belle alliance populaire, Valls, Peillon, Hamon et les autres. Le peuple de gauche a-t-il encore besoin du PS que Macron et En Marche! pourraient remplacer?

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Emmanuel Macron

Emmanuel Macron le 10 décembre à Paris

Aurelie Filippetti n’a pas beaucoup d’imagination, mais elle sait lire des tweets. Appelée à commenter les dernières secondes du discours d’Emmanuel Macron prononcé samedi à Paris, devant près de 15.000 personnes, elle a repris à son compte la comparaison opérée par quelques adeptes de Twitter un peu malicieux, entre le candidat d’En Marche et le personnage incarné par Leo Di Caprio dans un film de l’immense Scorcese : « Je renverrai bien aux images du Loup de Wall Street. Un très beau film de Martin Scorsese qui a certains échos avec ces images, pas seulement dans la forme mais aussi dans le fond. Quelqu’un qui dit aux traders avec qui il travaille : ‘je veux que vous gagniez de l’argent’. C’est un peu ça le projet d’Emmanuel Macron pour la jeunesse de ce pays. C’est un projet de société. Chacun le sien ».

Le moment est révélateur. Les blagues de Twitter sont désormais la base des éléments de langage d’une ancienne ministre de la Culture. De même que l’argumentaire, quant au fond, apporte lui aussi sa part de révélation, surtout en ce qu’il est un brin falsificateur. Car s’il est vrai que Macron a bien dit qu’il souhaitait que tous les jeunes qui rêvent de devenir milliardaires devaient se voir offrir la possibilité de le réaliser, il ne s’agissait pas des traders et autres boursicoteurs de l’époque, mais de la jeunesse de France, dans toutes ses diversités. Cette jeunesse à laquelle la gauche socialiste ne parle plus depuis la mort de Mitterrand, se contentant de contempler le taux de chômage des 15-24 ans, 25.8% en mars 2016: un quart de la jeunesse française, pourtant au cœur du grand discours du Bourget 2012 de François Hollande, un autre grand moment de communion entre un homme et son peuple politique, ne dispose aujourd’hui pour seul horizon que la précarité et la pauvreté.

Une communion christique

Mépriser ainsi, de manière collatérale, cette partie de la jeunesse qui serait sensible au discours invitant la République à se fixer pour devoir de créer les conditions de leur émancipation sociale et culturelle par la réussite sociale, qui impose de gagner de l’argent par le travail, ne serait-ce pas le stade suprême du mépris de classe en bourgeoisie socialiste ?

Donc, il conviendrait de se moquer de la communion entre Macron et son public. Réduire l’événement de samedi à ces quelques secondes où,  porté par la salle, le candidat d’En Marche, d’un coup, s’est senti enivré par la communion qu’il sentait entre lui et ceux qui étaient venus l’écouter, au point de conclure son spectacle par une envolée lyrique, presque christique. Il serait de bon ton de disserter sur la forme. Le spectacle. Et oublier que l’ancien ministre de l’Economie de François Hollande et Manuel Valls a réussi à rassembler, lui qui était un inconnu à la fin de l’été 2014, plus de 10.000 personnes dans une réunion publique montée avec les faibles moyens dont il dispose et une petite armée de « helpers » (les bénévoles) de bonne volonté.

A croire que bien des observateurs des choses politiques n’ont jamais assisté à un meeting de leur vie. N’ont jamais vu François Mitterrand en 1981. Ni Jacques Chirac en 1995. Ni Nicolas Sarkozy en 2007. Ni François Hollande en 2012. Il toujours des moments, dans une campagne présidentielle, où le candidat qui se sent porté par quelque chose qui le dépasse, et qu’il a souhaité, ose la transfiguration. L’ignorer, c’est passer à côté du ressort initial qui active tous les mécanismes, si particuliers, de l’élection présidentielle française au suffrage universel.

Le phénomène Macron

Il ne faut jamais se moquer des élans populaires. Et encore moins de l’identification de ces élans à une figure. Surtout à cinq mois d’une élection présidentielle, qui viendra sacraliser la rencontre en une figure et un peuple. « Ne pas pas rire, ne pas pleurer, ne pas s’indigner mais comprendre », et l’on ajouterait aujourd’hui au sage précepte de Spinoza, « ne pas buzzer », car c’est la meilleure voie que puisse emprunter celui qui entendrait se priver des moyens de comprendre.

Tous les indices disponibles montrent qu’il se passe quelque chose autour de la personnalité d’Emmanuel Macron qui ne se passe pas autour des candidats à la Primaire du Parti socialiste, repeinte en Primaire de la Belle alliance populaire. Les sondages, qui ne démentent pas le phénomène. Les ventes de magazines quand il est affiché à la Une. Les audiences télévisées des émissions dont il est l’invité. Et ces 10 000 personnes venues l’écouter ce samedi, Porte de Versailles. Macron n'est pas cette bulle médiatique que ses adversaires dénoncent, tous les dix jours, en promettant son explosion dans les dix jours suivant, et ainsi de suite. Macron n’est même pas le candidat des médias, comme les esprits paresseux aiment à le proclamer, et ce pour une raison simple : les médias ne font jamais la promotion de ce qui ne leur garantit pas un succès d’audience ou de vente. Si Macron ne disait rien à la société française, il y a belle lurette qu’il aura disparu. Cette constatation ne signifie pas que l’on proclame ici qu’il sera le prochain président de la Ve République. Tant s’en faut. Loin de nous cette audace imprudente. Pour le moment, Macron est une potentialité, mais il est loin d’être une certitude.

Il n’est qu’une leçon à tirer du rassemblement de samedi. C’est qu’une grande partie de la France socialiste est à tout le moins tenté de renoncer au vote socialiste. Si l'on en croit l'institut Harris Interactive, 36% des sympathisants En Marche sont des électeurs Hollande 2012. La fuite a déjà commencé. Et le budget des candidats à la Primaire socialiste (50.000 euros) ne suffira pas à expliquer la possible « Pasokisation » du Parti socialiste qui le menace. Le scénario même de la Primaire de la BAP qui se met en place est de nature, par effet de contraste, à jouer en faveur de Macron. Comme de Mélenchon.

Un Congrès ouvert à tous

La Primaire socialiste ressemble à un congrès du PS qui serait ouvert à tous. Avec ses petits jeux et enjeux que les Français connaissent par cœur, et dont il est possible qu’ils soient lassés. Les mêmes acteurs depuis vingt ans. Les mêmes scénarios. Les mêmes rebondissements.

Le PS, c’est un vieux Sautet rediffusé à l’infini. François n’est plus là, mais Vincent, Arnaud, Benoit, Manuel et les autres demeurent. Et Anne. Et Martine. Et Aurélie… Combien de fois a-t-on vu le film socialiste du dimanche soir ? On en connait les répliques d’avance. On sait qui pense à 2022, voire 2027. On sait qui est avec Vincent (Peillon), contre Manuel (Valls). Qui s’apprête à soutenir Benoit (Hamon) pour mieux achever Arnaud (Montebourg)… Même Ségolène (Royal) qui connait aussi le film par cœur, affiche sa lassitude, et déjà guette les signes qui pourraient lui permettre de soutenir Macron… Ne jamais négliger Ségolène (Royal) qui sait les évolutions de l’opinion d’instinct, et a toujours eu un petit temps d’avance sur le Parti socialiste… Toujours… Le PS est-il en passe d’être dépassé par un mouvement irrépressible, par un peuple de gauche qui aimerait une aventure politique plus en phase avec l’époque qu’il traverse. On pense à la leçon de Marc Bloch : « Peut être serait-ce un bienfait, pour un vieux peuple, de savoir plus facilement oublier : car le souvenir brouille parfois l'image du présent et l'homme, avant tout, a besoin de s'adapter au neuf. »

Face au vieux film socialiste, Macron (et Mélenchon) apparaissent comme des héros modernes. Neufs. Libres des jeux et enjeux socialistes qui paralysent les candidats de la Primaire de la BAP, et celui qui, demain, en sortira vainqueur, mais nécessairement affaibli.

Non, décidément, il ne faut pas mépriser ce qui s’est passé samedi, autour du christique Macron. De même qu’il ne faut pas mépriser ce qui pourrait se passer autour de Mélenchon. Surtout ne pas être de ceux qui « refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims »  ou « lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération », parce que ceux-là sont non seulement à côté de l’histoire, mais très probablement, aussi, à côté de l’actualité.

 

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