Namibie : l’histoire oubliée du premier génocide du XXe siècle

Entre 1904 et 1908, les Allemands exterminèrent environ 75 000 personnes issues des tribus Herero et Nama. Le Mémorial de la Shoah consacre une exposition à ce génocide namibien.

Par Raoul Mbog

Publié le 12 décembre 2016 à 18h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 03h24

Il s’agit de l’un des événements les plus meurtriers de l’histoire coloniale africaine. Entre 1904 et 1908, environ 75 000 personnes issues des tribus Herero et Nama, dans le Sud-Ouest africain allemand, l’actuelle Namibie, pays voisin de l’Afrique du Sud, ont été exterminées par l’administration coloniale allemande (1884-1915). Le drame s’est perdu dans les méandres de l’oubli. Même s’il est devenu un sujet de recherche dans les années 90 et que l’Allemagne est en passe de le reconnaître comme génocide.

La nouvelle exposition du Mémorial de la Shoah, à Paris, propose de revisiter cette histoire encore méconnue du grand public. Le spectateur peut ainsi découvrir des documents d’archives, de nombreuses photographies ainsi que divers objets ayant appartenu aux victimes. Il ne reste pourtant quasiment plus rien des Herero et des Nama. Leurs terres ont disparu et de très lointains descendants indirects tentent de raviver le souvenir. Mais que s’est-il passé ?

“Ordre est donné d’exterminer hommes, femmes et enfants”

« En 1904, les Herero et les Nama se soulèvent contre l’administration coloniale. La répression des Allemands est brutale. Ordre est ensuite donné d’exterminer hommes, femmes et enfants. Tous vont mourir de maladie, de maltraitances et de malnutrition dans des camps de concentration », détaille Leonor Fabe-Jonker, commissaire scientifique de l’exposition et chercheuse à l’université de Leiden, aux Pays-Bas, tout en commentant des photos des camps de Swakopmund, Shark Island et Windhoek (aujourd’hui capitale de la Namibie).

« La manière dont ces camps étaient tenus illustre une volonté planifiée de détruire ces deux peuples », ajoute la commissaire. D’où son choix de présenter, en bonne place dans le parcours de visite, une copie de l’ordre d’extermination donné par le Deuxième Reich en 1905. L’original est conservé aux Archives nationales du Botswana, autre pays voisin de la Namibie.

“Unité blanche”

Pourquoi cette histoire a-t-elle été si longtemps occultée ? Après la première Guerre mondiale, le pays est conquis par les Britanniques qui effectuent un rapport sur les atrocités de la colonisation allemande. Mais le texte est vite banni au nom de « l’unité blanche ». La longue lutte pour l’indépendance de la Namibie, acquise en 1990, contribuera à aggraver le silence. Il aura fallu la mobilisation des descendants de victimes pour que la question soit propulsée sur la scène internationale.

En attendant sa reconnaissance par l’Allemagne, les chercheurs sont à l’œuvre pour examiner le contexte du génocide. « La recherche publiée sur le sujet est faite par des historiens non-Namibiens à partir de sources allemandes. Une approche critiquée par les jeunes historiens namibiens qui préfèrent l’utilisation de ressources matérielles et orales venant des communautés touchées », fait observer Leonor Fabe-Jonker.

Pour le Mémorial de la Shoah, le sujet est d’importance. Et cette exposition se veut surtout pédagogique. « L’enseignement de l’histoire des génocides est un puissant vecteur de défense et de transmission des valeurs démocratiques », explique Sophie Nagiscarde, responsable des activités culturelles au Mémorial de la Shoah. L’institution avait déjà organisé deux expositions sur le génocide des Arméniens de l’Empire ottoman et sur celui des Tutsi au Rwanda. En Europe, l’on commence seulement à entendre parler de celui des Herero et des Nama.

A voir

« Le premier génocide du XXe siècle », jusqu’au 12 mars 2017, au Mémorial de la Shoah à Paris (4e).

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