NERVOSITÉ – Craignant les effets négatifs de la politique environnementale de la future administration de Donald Trump, nombre de scientifiques se sont frénétiquement mis à faire des copies des données américaines sur le climat. Leur but : ne pas voir disparaître d’innombrables quantités d’archives.
C’est une conséquence plutôt inattendue de l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. Selon le Washington Post, de nombreux scientifiques américains se sont récemment mis à copier les données gouvernementales disponibles sur le climat sur des serveurs indépendants, par peur de les voir purement et simplement disparaître après la prise de commande de la future administration. Par leur action, souligne le quotidien, ils espèrent se prémunir de toute "interférence politique".
"Quelque chose qui me paraissait un peu paranoïaque au départ m’a tout d'un coup semblé potentiellement réaliste, ou du moins comme un phénomène contre lequel il faudrait se parer", explique au journal de centre-gauche Nick Santos, chercheur sur les questions environnementales à l'Université de Californie à Davis, qui a lui-même commencé à faire des copies des données pour les laisser accessibles au public. "Faire cela ne peut être qu'une bonne chose", souligne-t-il. "En espérant qu'ils (les futurs membres du gouvernement, ndlr) laissent tout en place. Mais s’ils ne le font pas, nous aurons prévu le coup."
Scott Pruitt, la dernière flèche dans le cœur des défenseurs de l’environnement
Il faut dire que Donald Trump n’a rien fait pour se montrer rassurant à ce sujet, tant pendant sa campagne que depuis son élection. Dernière preuve en date, la nomination de Scott Pruitt, un climato-sceptique notoire, à la tête de l’Agence de protection de l’environnement (Environmental Protection Agency, EPA). Cet homme de 48 ans, actuel ministre de la Justice de l’Oklahoma, s’est en effet battu avec force et vigueur ces dernières années contre l'agence qu’il va bientôt diriger.
Mais Scott Pruitt n’est pas le seul membre du casting gouvernemental du président-élu à inquiéter les scientifiques et, plus largement, les défenseurs de l’environnement. À l’instar du nouveau secrétaire d’Etat Rex Tillerson, PDG du géant pétrolier ExxonMobil, plusieurs autres futurs ministres sont dans le collimateur. L’équipe du prochain locataire de la Maison-Blanche a ainsi été qualifiée de "bande de théoriciens du complot du climat" par Michael Halpern, un responsable du groupe Union of Concerned Scientists, un regroupement de chercheurs indépendants.
Ils salivent depuis des années devant la possibilité de démanteler les programmes fédéraux de recherche sur le climat
Michael Halpern, l’un de ces scientifiques inquiets, à propos des futurs membres du gouvernement Trump
"Ils salivent depuis des années devant la possibilité de démanteler les programmes fédéraux de recherche sur le climat. Il n'est pas déraisonnable de penser qu'ils voudront démolir les données qu'ils contestent", déplore Michael Halpern auprès du Washington Post. "Il y a une frontière étroite entre être paranoïaque et être préparé, et les scientifiques font de leur mieux pour être préparés."
La crainte d'un ralentissement des recherches
Mais si beaucoup craignent de voir disparaître un grand nombre des données publiques sur le climat, certains chercheurs se montrent un peu moins méfiants, redoutant plutôt un ralentissement des travaux scientifiques. "Je ne pense pas que ça va vraiment se produire", tente de se rassurer Eric Holthaus, un météorologue ayant appelé ses confrères à sauver toutes les informations en leur possession (voir le tweet ci-dessous) via la plateforme Google Docs. "Mais ça pourrait avoir lieu… Tous ces ensembles de données sont inestimables et, en cas de trou, leur utilité diminuerait grandement", précise-t-il, appréhendant un éventuel fléchissement des crédits alloués aux scientifiques.
Scientists: Do you have a US .gov climate database that you don't want to see disappear? Add it here: https://t.co/IEN8OUc4Tr Please share — Eric Holthaus (@EricHolthaus) 11 décembre 2016
Un avis partagé par Andrew Dessler, professeur en sciences de l’atmosphère à l’Université A&M du Texas : "Je pense qu'il est beaucoup plus probable qu'ils essayent de mettre fin à la collecte de données, ce qui minimiserait leur valeur. Avoir des données continues est crucial pour comprendre les tendances sur le long terme." Et l’enseignant-chercheur de conclure : "Si vous pouvez simplement vous débarrasser des données, vous êtes dans une position de force pour défendre le fait qu’il ne faudrait rien faire au sujet du changement climatique." Comme nombre de scientifiques américains, il espère maintenant ne pas avoir à faire les frais de l'élection de Donald Trump.