La folie du reporting ou l’art de tuer la motivation au travail !
Photo : JMG

La folie du reporting ou l’art de tuer la motivation au travail !

Des salariés au programme minimum…

De nombreuses grandes entreprises connaissent actuellement une baisse préoccupante de l’implication réelle de leurs collaborateurs dans leur travail quotidien. Fonctionnement au programme minimum, montée de l’absentéisme et du turnover traduisent une crise profonde de la motivation.

Pourtant, et c'est une évidence, la performance à moyen et long terme de toute entreprise repose sur l’engagement et la motivation de ses collaborateurs. Aucune performance, qu’elle soit technologique, commerciale ou financière ne sera durable sans un haut niveau de motivation chez chacun des collaborateurs.

Manager sur le terrain ou manager à distance ?

Le management de proximité, avec un responsable présent au quotidien sur le terrain au côté de son équipe, est de plus en plus remplacé par un mode de management à distance derrière un écran d'ordinateur. Ce management s'appuie sur un reporting informatisé sans cesse plus sophistiqué. Le mot "reporting" est ici pris au sens le plus global : saisie et transmission régulière d'informations de tout type à sa hiérarchie, via notamment, des tableurs.

Les outils informatiques de reporting se sont multipliés (CRM, ERP et autres logiciels). Leurs possibilités sont immenses. Ce sont d'extraordinaires supports de gestion de l'information. Leur objectif : rendre toute l'entreprise plus "réactive", plus "fluide", plus "performante".

Malheureusement, dans nombre de cas, c'est tout le contraire qui se produit.

Loin de nous l'idée de condamner et de rejeter toute notion de "reporting". Il est normal et même vital de pouvoir bénéficier du minimum d'informations indispensables au pilotage de l'entreprise. Bien évidemment certaines activités (agro-alimentaire, matériel médical, aéronautique, etc) demandent des suivis ultra-précis, notamment pour des raisons de sécurité.

Ce que nous dénonçons c'est l'excès, l'abus, voire même la folie de l'hyper-contrôle non directement justifié par des raisons techniques ou règlementaires.

 Alors, quand est-ce qu'on bosse vraiment ?

Revenons à des choses simples : comment un collaborateur pourra-t-il se sentir motivé par le fait de consacrer une part toujours plus importante de son temps à la saisie de données de toute sorte au détriment de son métier premier ? De plus, la tentation de tricher est devenue tellement courante que les retours sont faussés. Pas très grave (si l'on pense de manière un peu cynique) puisque cette avalanche d'informations n'est pas toujours utile et exploitée… Oui mais, quand est-ce que les collaborateurs pourront-ils enfin exercer pleinement le métier qu'ils sont censés effectuer ?

 En réalité, l'excès de reporting finit toujours par coûter cher !

Les coûts induits par les excès du reporting sont colossaux : mise en place d'outils informatiques inutilement coûteux, pertes de temps en saisies au détriment des missions premières et, bien pire, démotivation assurée des collaborateurs. Le reporting bascule très vite dans une bureaucratie inflationniste. A propos de bureaucratie, nous conseillons de lire un ouvrage très intéressant mais d'une grande actualité : "Messieurs les ronds de cuir - Tableau-roman de la vie de bureau" écrit par un certain Georges Courteline en 1893. Aujourd'hui, nous vivons du Georges Courteline à la puissance 2, "boosté" par ces pratiques excessives de reporting informatisé.

Une urgence : simplifier, redonner du sens, revaloriser le management de proximité...

La mode, depuis quelques années, est au "lean management" dont la définition un peu simpliste pourrait être "ensemble de pratiques qui visent à réduire ou à éliminer toutes les activités non rentables d'une entreprise" (*). Nous avons là un formidable chantier à entreprendre pour alléger le carcan qui s'abat sur la plupart des collaborateurs travaillant dans les grandes structures. A noter que certaines PME, même de taille modeste, commencent à être contaminées par ce virus du reporting exacerbé.

(*) Lorsque nous évoquons le "lean management", encore faut-il que cette notion ne soit pas elle-même pervertie et détournée de son sens premier. Trop souvent le "lean management" a pour objectif de supprimer un maximum d'emplois. Une hérésie !

Tailler à la hache dans les procédures de reporting, simplifier ce qui est réellement indispensable sont des chantiers ultra-prioritaires pour toute structure qui veut non seulement survivre mais se développer.

En allégeant au maximum le reporting, il s'agit bel et bien de remettre de l'humain (le management de proximité) à la place d'un excès de tableurs informatisés profondément démotivants pour tout le monde.

Hervé BERTRAND

Ingénieur technico-commercial

3y

Oui JP, mais c est doublement chronophage car on nous impose de compléter une CRM et dès lors qu il y a un sujet particulier, tout le monde à tendance à questionner le concerné sans jamais consulter l outil. Tout est dans la BASE...

Jean-Pierre Queret

Administrateur Esprit de Velox

3y

Intéressant.... Les nouveaux outils Crm intègrent de plus en plus de données.. Pour faire de plus en plus d analyses.... La question est pourquoi faire ? En général c'est plutôt pour justifier la injustifiable. Les commerciaux directement concernés puisque en rapport direct avec les clients n ont en général aucun ou peu de retour de ces analyses par rapport à une tâche de saisie chronophage Et je passerai sur le temps de réaction si jamais il y avait un fils à tirer.. Incompatible avec un environnement de plus en plus réactif Laissons les commerciaux commercer, les analystes analyser, les managers manager Le mélange des genres n est pas efficace

Philippe Ramos

cadre manager chez La Poste Groupe

3y

Ou comment démotiver les managers et encadrants au contact des salariés et de la "vraie vie". Donner du sens, respecter la dignité de tous, un bon départ. Merci de ce partage.

Abdelaziz Abdennour

Senior Petroleum Engineer

3y

Malheureusement cette bureaucratie a réduit l'activité de certains employés hautement diplômé (ingénieurs, masters...) aux simples agents de saisie des tableaux Excel

Olivier Dubost

Dir Adj en charge de la Formation et Animation de la Filière Finances & Dir Adj de l'Immobilier chez Bouygues Construction

3y

cet article est très éclairant sur le fonctionnement actuel des grandes entreprises. Toujours plus sans donner aucun sens à la demande. Sans jamais analyser en profondeur; sans jamais prendre le recul nécessaire pour comprendre! Comment alors prendre les bonnes décisions? Il n'est pas étonnant que #christianmorel en soit au tome 3 "des décisions absurdes"! Nous aurions pu penser que cette période soit propice aux changements et remises en question dans les organisations des entreprises. Bien sûr que non!! Les directions financières sont harcelées pour mesurer l'impact de la crise. Forcément impact désastreux, hélas! Donc il est urgent de faire des économies! Les directions financières sont priées de travailler d'arrache pied sur le sujet! Quelle différence avec la dernière crise de 2008? Aucune!! Les vieux réflexes et vieilles recettes resurgissent: plans sociaux, départs volontaires... De tout événement négatif, nous pouvons en faire de très belles opportunités. Cette crise sanitaire en est une belle occasion. Heureuses les entreprises qui sauront prendre un virage humain, éthique et durable! Le reporting doit suivre cette logique. Quelques indicateurs clés en lien avec la stratégie et les valeurs de l'entreprise. Pour le construire, cela demande du boulot (donc du temps pour s'y consacrer), du dialogue et de la transversalité. Mais une fois mis en place, le pilotage est renforcé et le travail des directions financières valorisées!

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