Reportage

Accueil des migrants à Paris : «C'est la loi de celui qui résistera le plus longtemps dans le froid»

Un campement de fortune au nord de Paris a été évacué ce vendredi par les autorités. Il abritait de nombreuses personnes qui n'avaient pas pu être hébergées dans le campement humanitaire voulu par la mairie de Paris.
par Sylvain Mouillard
publié le 16 décembre 2016 à 18h40

Des morceaux de vie abandonnés à la va-vite : des paires de chaussures par dizaines, des vêtements, duvets, restes de nourriture, parfois une peluche. Après chaque évacuation de campement de migrants, le même décor semble s'imposer. Celui d'une succession de tentes multicolores battues par le vent et la pluie, entourées des effets personnels de leurs anciens occupants. Ce vendredi matin, la scène se déroule à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), avenue du président Wilson. C'est là que plusieurs centaines de personnes s'étaient installées depuis le 24 novembre, à quelques centaines de mètres à peine du centre d'accueil ouvert il y a un mois, porte de la Chapelle à Paris.

L’endroit, un terre-plein de verdure coincé entre deux avenues, était devenu le lieu de repli et de répit pour les dizaines de déçus, qui, chaque jour, ne pouvaient être accueillis à l’intérieur de la halle «humanitaire» voulue par la maire de la capitale, Anne Hidalgo. Leur évacuation, organisée par la préfecture de Seine-Saint-Denis, a commencé vers 9 heures. Sous la surveillance de dizaines de CRS, les exilés préparent leurs bagages et, dans le calme, s’alignent devant les 14 bus mobilisés par les autorités. Selon la préfecture, ils seront dirigés vers des structures collectives en Ile-de-France, notamment des gymnases, pour une période transitoire.

Moins de deux heures plus tard, les lieux sont vides. Quelques retardataires s’empressent de faire leur paquetage, avant de courir en direction des ultimes bus. Cette opération de «mise à l’abri» (322 personnes au total) ne sera pourtant pas la dernière. D’ici quelques semaines, de nouveaux campements ne manqueront pas de se reformer à Paris ou en petite couronne. Car le «centre humanitaire» de la porte de la Chapelle, censé permettre d’héberger les nouveaux arrivants avant qu’ils ne soient orientés vers les structures adéquates, fonctionne à flux tendus.

«Celui qui résistera le plus longtemps dans le froid»

Ses 400 places, prévues pour les hommes seuls, ne suffisent pas à abriter les quelque 100 à 200 personnes qui se présentent chaque matin à l'ouverture, sur les coups de 8 heures. Jeudi, les portes de la structure, gérée par l'association Emmaüs Solidarité, se sont refermées à 8h23, faute de lits disponibles. «Du coup, on se retrouve avec des gens qui font la queue toute la nuit devant le centre, dans le froid et sous la pluie, pour espérer être pris en charge», explique «Clém», une jeune bénévole de l'association de soutien aux migrants Utopia 56.

Elle déplore qu'Emmaüs n'ait pas encore mis en place un système de priorités, pour qu'un exilé qui patiente depuis plusieurs jours ne se fasse pas griller la politesse au dernier moment. «C'est la loi de celui qui résistera le plus longtemps dans le froid», soupire la jeune femme. Ce qui engendre parfois des bagarres entre les principales communautés représentées (Soudanais, Afghans, Erythréens), ou des tensions avec les forces de l'ordre. «Il y a trois jours, j'ai emmené cinq migrants à l'hôpital parce qu'ils avaient été frappés par la police», dit-elle. Elle se souvient aussi de cette «brigade de CRS avec laquelle ça s'est mieux passé : ils ont offert leurs sandwichs, une vingtaine, aux migrants».

Pour remédier à cette situation, les autorités évoquent une augmentation des capacités d'accueil de la halle porte de la Chapelle, qui pourrait passer de 400 à 550 places. Le sort des mineurs dans les rues de la capitale est aussi préoccupant. Selon Clém, le dispositif dédié n'est pas suffisant. «On se retrouve parfois à devoir réserver des nuits d'hôtel pour les plus âgés d'entre eux, ceux qui ont 16 ou 17 ans, parce qu'ils ne sont pas prioritaires. Mais on n'y arrive pas toujours. Ça fout les boules quand on doit laisser certains de ces jeunes dehors, avec une simple couverture.»

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