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Énergie

De Montebourg à Hamon et Jadot, neuf candidats à la présidentielle livrent leur vision de la transition écologique

« Comment mettre en œuvre la transition écologique ? » C’est la question à laquelle ont répondu neuf candidats à l’élection présidentielle, jeudi soir. Reporterre était là.

  • Paris, reportage

À l’invitation de l’Institut Veblen et de la Fondation de la Maison des sciences de l’homme, des candidats à l’élection présidentielle devaient répondre à la question suivante : « Comment mettre en œuvre la transition écologique ? ». L’événement se déroulait au pavillon de l’Arsenal, à Paris, jeudi 15 décembre. Tous les invités n’ont pas répondu, tels Manuel Valls et Emmanuel Macron, tandis que Jean-Luc Mélenchon, engagé ailleurs, était représenté par Martine Billard, et François Fillon par Serge Grouard.

Cet échange sur l’écologie constituait une première, s’est félicitée Dominique Méda, principale artisane de l’événement. L’économiste avait établi une liste de questions autour de la transition écologique : investissement dans les énergies renouvelables, taxe carbone, reconversion de l’économie et des emplois, sortie du modèle de croissance, réduction du temps de travail, principe de précaution. La réforme démocratique était aussi mise en jeu : « La réponse aux enjeux écologiques ne peut être mise en œuvre à institutions démocratiques constantes. Elle exige en effet une participation plus grande des citoyens et une meilleure information de ceux-ci », expliquait le philosophe Dominique Bourg, coauteur avec Dominique Méda et Alain Kaufmann de L’Âge de la transition, en route pour la reconversion écologique qui servait d’appui au débat.

Chacun des candidats disposait de 8 minutes de parole libre puis de 7 minutes pour répondre à deux ou trois relances des organisateurs — le public étant invité à interagir par Twitter. Ce format n’autorisait pas de confrontation directe.

Petit retour rapide sur les prestations de chacun des candidats, dans leur ordre de passage respectif :

Benoit Hamon

Benoît Hamon.

Le candidat PS s’est préparé à cette campagne qu’il veut axer sur la transition énergétique et les « choix politiques radicaux » qu’elle appelle. En témoignent ses nombreuses propositions, claires et structurées. Si nombre de candidats se sont prononcés en faveur du revenu universel, il fut le seul à le mettre en lien avec la jeunesse, indiquant que la première étape de sa mise en place devait se faire auprès des 18-25 ans. Il s’est également distingué en étant l’unique orateur à mettre l’accent sur la lutte contre les perturbateurs endocriniens, mettant en cause « les industriels et les lobbys qui fabriquent du doute ».

Vincent Peillon

Vincent Peillon.

Le député européen PS a peu parlé d’écologie, se plaçant sur le terrain du jeu politique : « À force de critiquer ce que l’on a fait, c’est M. Fillon et nos adversaires contre les énergies renouvelables qui vont pouvoir se féliciter que la gauche elle-même, les écologistes et les démocrates fassent campagne pour eux ! » Pas la moindre mesure avancée, mais une obsession : défendre le bilan du quinquennat. « Il n’y a pas rien qui a été fait », a-t-il insisté à de nombreuses reprises, invoquant la COP21, la loi de transition énergétique, la loi biodiversité, et même la fin des sacs plastiques... Il a quitté la salle trois minutes après son intervention, sans écouter ce qu’avaient à dire les autres intervenants.

Serge Grouard

Serge Grouard.

Serge Grouard (député LR du Loiret), intervenait au nom de François Fillon. Il a passé la plupart de son temps à expliquer « qu’on ne pouvait pas se passer du nucléaire » et « qu’il était impossible de faire autrement ». Son allusion, à peine masquée, à la bougie en cas de sortie du nucléaire, lui a valu quelques sifflets de la part du public. Son éloge du travail du WWF n’y a rien changé. Quant au principe de précaution, Les Républicains persistent et signent : « Le principe de responsabilité vaut autant. »

Martine Billard

Martine Billard.

Seule femme du panel, elle a déroulé le programme bien ficelé de Jean-Luc Mélenchon : règle verte, planification écologique, protectionnisme solidaire. Si la sortie du nucléaire n’est qu’affaire de « volonté politique », elle propose de faire de Fessenheim un site-pilote du démantèlement d’unité nucléaire en France, rappelant au passage que le démantèlement de la centrale de Brennilis n’est pas achevé. Concernant le financement, les 41 milliards d’Euros du CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) pourraient être alloués à un plan d’investissement des énergies renouvelables. Elle fut la première à parler du scénario NégaWatt et d’agriculture paysanne, la première aussi à citer Nicolas Hulot. Mme Billard s’oppose au revenu de base, tout en défendant la réduction du temps de travail et en proposant un salaire maximum.

Yannick Jadot

Yannick Jadot.

Le candidat d’EELV a pourfendu le nucléaire, dont la sortie serait « un changement complet de modèle de société pour en finir avec la centralisation, l’opacité, la rente et la complaisance avec les régimes dictatoriaux ». S’il a manqué de propositions concrètes, il fut le seul à parler de Bure, où il est projeté d’enfouir les déchets nucléaires, dénonçant l’absurdité des investissements nucléaires, à l’image d’Hinkley Point, à l’heure où la dette d’EDF avoisine les 40 milliards d’euros tandis que le « grand carénage » est estimé à 100 milliards d’euros. Yannick Jadot a attaqué François Fillon et son moratoire sur le photovoltaïque qui a détruit 15.000 emplois.

Arnaud Montebourg

Arnaud Montebourg.

Le candidat à la primaire du PS a évoqué d’entrée de jeu « clairement, une urgence écologique » et appelant à « faire entrer l’écologie dans les termes du quotidien ». Il a cité plusieurs fois Yannick Jadot, lui reconnaissant « beaucoup d’éloquence » pour défendre une transition du centralisé vers le décentralisé qu’il a dit approuver. M. Montebourg s’oppose ainsi au projet du Lyon-Turin. Une conversion de Montebourg ? « Avant que la France se couvre de méthaniseurs, d’éoliennes et de fermes solaires, il va s’écouler du temps… » a-t-il tempéré. Pour mieux défendre l’industrie nucléaire, qui n’est pas l’ « ennemi prioritaire » et qui doit « permettre une décroissance à long terme pour organiser la substitution du charbon par les énergies renouvelables ».

Jean-Luc Bennahmias

Jean-Luc Bennahmias.

Jean-Luc Bennahmias, ex Modem et candidat aux primaires du PS, n’est pas allé au bout de son temps de parole. Il en a appelé aux « réalisations concrètes » après « le véritable acquis » qu’est, à son sens, la COP21, et il a défendu le principe de l’économie circulaire. Il a tenté de défendre une vision de l’Union européenne par cercles concentriques, mais il n’y avait plus grand-monde dans la salle.

Gérard Filoche

Gérard Filoche.

« Si transition il y a, c’est pour sortir du capitalisme. Pour sauver la banquise, il faut nous sauver des banquiers. » Voilà l’essentiel du propos de Gérard Filoche, candidat à la primaire du PS. Il n’a pas prononcé le mot écologie — ni ceux d’énergie ou d’agriculture — une seule fois de son discours, se concentrant sur la critique de l’emprise des multinationales.

François de Rugy

François de Rugy.

L’ex EELV, député de Loire-Atlantique, candidat à la primaire du PS, était le dernier à s’exprimer. Il a longuement insisté sur la nécessité de « dire la vérité aux gens ». Par exemple, aux salariés d’EDF : « Il faut leur dire qu’on va fermer les centrales, et qu’on va les accompagner. » S’il s’est félicité que le revenu universel soit dans le débat public, il s’y est toutefois opposé, au prétexte que cela n’était pas « économiquement et socialement faisable » et qu’« on n’avait toujours pas digéré les 35 heures ». Sur les questions de démocratie, François de Rugy a rappelé son attachement à la proportionnelle intégrale. Avant de finir par plaider, une nouvelle fois, pour que les écologistes abandonnent leur rôle de contre-pouvoir afin de se placer « au cœur des responsabilités ». C’est, a-t-il dit, sa grande « marotte ».

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