Viols : la proposition de loi qui pallie le délai de prescription

Viols : la proposition de loi qui pallie le délai de prescription

    Combien de femmes violées ont regretté de n'avoir eu la force de dénoncer leur agresseur devant la justice avant que le délai de prescription ne les en empêche? Certaines ont même mis des années à réaliser leur drame, occulté dans l'enfance. C'est pour pallier cette situation de droit, parfois non-adaptée à la psychologie des victimes, que deux sénatrices UDI ont planché sur une proposition de loi modifiant la date de prise en compte de la prescription dans les cas de viols et agressions sexuelles.

    Chantal Jouanno et Muguette Dini ont déposé ce jeudi leur texte visant le report du point de départ du délai de prescription au jour où l'infraction apparaît à la victime, dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique. Une personne violée à l'adolescence par exemple, sous la coupe de son agresseur pendant plusieurs années, n'a aujourd'hui aucun moyen d'agir si elle attend plus de dix ans pour le dénoncer. Trois ans en cas d'agression sexuelle.

    «Le délai de prescription actuel de l'action publique des viols et des agressions sexuelles est totalement inadapté au traumatisme des victimes», assurent les deux sénatrices dans un communiqué. «Il ne suffit pas de libérer la parole des victimes. Il faut la leur donner quand elles prennent conscience des violences sexuelles qu'elles ont subies, quand elles sont prêtes à les dénoncer aux autorités administratives et judiciaires.»

    Des souvenirs qui «explosent à la figure» quand il est trop tard

    A l'automne, le cas de Cécile T. avait ému la France et failli faire changer la loi. Cette victime de viols présumés est sortie de l'amnésie dans laquelle elle s'était enfermé seulement après trente-deux ans de thérapie. Son cas avait fait tant débat que la Cour de cassation avait été sollicitée en novembre. Mais l'instance avait refusé de repousser le délai de prescription en matière de crime sexuel. La justice a ainsi définitivement débouté la femme de 41 ans qui avait porté plainte en 2011. Deux ans plus tôt, le souvenir d'abus sexuels remontant à 1977 lui avait «explosé à la figure», selon ses propres mots.

    Ce jeudi, le célèbre gynécologue André Hazout, a été reconnu coupable de viols et agressions sexuelles sur six de ses patientes et condamné à huit ans de prison, bien moins que les douze ans requis la veille. Trente autres s'étaient déclaré victimes des mêmes fait mais n'avaient pu porter plainte en raison de la prescription.

    L'exemple des cas d'abus de biens sociaux

    Pour pallier les carences de la justice, les sénatrices UDI Chantal Jouanno et Muguette Dini se sont inspirées de la logique de prescription dans les affaires d'abus de biens sociaux ou abus de confiance, «puisque ces infractions ont en commun un mécanisme similaire de dissimulation», expliquent-elle.

    En effet «la particularité des abus de biens sociaux réside dans le fait qu'ils sont, par essence, des infractions clandestines, d'où il ressort que le délai de prescription de trois ans court à partir de la date de la révélation de l'abus et non de la date où celui-ci a été commis (...) Cette clandestinité se retrouve aussi dans les violences sexuelles qui, en raison de leur nature, du traumatisme qu'elles entraînent, peuvent faire l'objet d'une prise de conscience ou d'une révélation tardives.» En somme, les dix ans de prescription pour un viol ne seraient plus comptabilisés à partir de la date de l'acte mais à partir de la date de prise de conscience. Notion qui elle-même pourrait toutefois porter à débat.