Présidentielle : déjà Fillon se "hollandise"...

Présidentielle : déjà Fillon se "hollandise"...
François Fillon à Lannelongue, le 14 décembre 2016. (THOMAS SAMSON / AFP)

Programme contesté, recherche de la synthèse et défiance de 7 Français sur 10... Le vainqueur de la primaire souffre des mêmes handicaps que le candidat Hollande, il y a cinq ans de cela. Inquiétant ?

Par Sylvain Courage
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Ce ne sont, certes, que les premiers symptômes du mal. Mais le tableau clinique est déjà complet. François Fillon, le champion de la droite, donne tous les signes d'une "hollandite fulgurante" : il renonce à une mesure-phare de son programme, se dote d'un état-major pléthorique et ne convainc que 3 français sur 10 dans une étude d'opinion.

Les fillonistes devront être forts et surtout prier pour le salut de leur chef puisqu'il n'existe, à ce jour, aucun traitement connu pour cette maladie. Contractée par les présidentiables de la Ve République, elle a déjà entraîné plusieurs morts politiques après de longues et douloureuses agonies. Une victoire électorale, hélas, ne permet même pas d'en venir à bout.

Concernant François Fillon, l’affection s’est déclarée, ce 14 décembre, lorsque le vainqueur de la primaire fit paraître une tribune annonçant l’abandon de son projet de réforme de la Sécu fondé sur une prise en charge des maladies bénignes par l’assurance privée.

Depuis les attaques juppéistes de l'entre-deux tours, son entourage le pressait de surseoir à cette privatisation rampante qui donnait vertiges et convulsions à l’électorat tout entier.

Fillon prit donc la plume et annonça, lui-même la création d’une merveille technocratique.

"Je souhaite assurer le meilleur remboursement pour les patients en plaçant l'Assurance-maladie obligatoire et les organismes complémentaires sous le pilotage d'une agence de régulation et de contrôle, dans laquelle seront représentés tous les acteurs du système de santé, ainsi que les usagers."

Aïe ! Hollande, comme Sarkozy avant-lui, n’aurait pas dit mieux. Ou pire.

Armée du Guatemala

Le deuxième signe clinique est apparu avec la publication de l’organigramme de campagne du candidat Fillon. Caramba ! Voici l’armée du Guatemala avec sa cohorte de généraux à épaulettes. A la tête de cette armada, le maréchal Stefanini, a dit :

"Le maître mot, c’est le rassemblement, la recherche de l’harmonie entre les sensibilités."

Du Hollande, dans le texte ! En 2011, le candidat socialiste avait fait de même : sa suite folklorique ressemblait à la tribu des Mangeclous immortalisée par Albert Cohen.

On voit bien l’intérêt. Pour un socialiste comme pour un Républicain, il s’agit de fixer toutes les sensibilités et toutes les personnalités en leur garantissant un statut ou un emploi fictif (6 porte-paroles pour Fillon !) afin d’éviter toute fâcherie. Rassembler, rassembler, il en restera toujours quelque chose…

Mais les inconvénients de ce premier clientélisme, prélude à la distribution des prébendes, sont aussi bien connus : la smala des ex-juppéistes, des sarkozystes néo-convertis ou des Le Mairistes zélés engluent et entravent un candidat aussi sûrement qu’une famille hystérique.

Le chevalier Fillon est désormais grevé d’un entourage avec ce que cette société bavarde produit d’indiscrétions, de dérapages et de couacs. Quand on aime piloter des Ferrari vintage, rien de plus minant que de prendre le volant d’un car Macron…

Organigramme et boussole en main, les journalistes vont solliciter les uns puis les autres. D’inévitables dissonances et des divergences préjudiciables finiront par se apparaître. C’est ainsi que les états d’âme du secrétaire général Bernard Accoyer ont eu raison de la Sécu à deux vitesses que se promettait de piloter, pied au plancher, l’intrépide Sarthois…

Candidat stationnaire

Hollandisé, déjà ? L’agenda que s’est fixé Fillon confirme cette pathologie. Pour se donner des airs d’homme d’Etat, le voilà bientôt parti saluer les troupes françaises au Mali, flanqué de TF1 et Paris-Match dans le Transall. Ah, le beau plan de communication que voilà ! Comment mieux enterrer tout idée de rupture, sinon, en fraternisant avec les mêmes troupes que François Hollande et Jean-Yves Le Drian ? Celui qui aspire à devenir chef d’un "état en faillite" n’innove en rien. Et continue de faire croire que le budget national qu’il prétend amputer de 100 milliards d’euros permettra d’entretenir des corps expéditionnaires…

Le JDD nous annonce que Fillon fera sa rentré au 20 heures de TF1, le 2 janvier, avant de prononcer, le 14 janvier, son grand discours de lancement devant le conseil national des Républicains. Comme Sarkozy, il y a dix ans, et comme Hollande au Bourget, le 22 janvier 2012. Rituel immuable et envolées de tribune. Fillon promettra sans doute le redressement national, beaucoup de sueurs et quelques larmes.

Poison de la défiance

Mais les Français y croient-ils plus ? Selon un sondage, sept citoyens sur dix ne souhaitent pas la victoire de Fillon même si plus d’un sur deux considèrent qu’il a le plus de chance de l’emporter en mai 2017.

En 2012, la même dissociation minait François Hollande, donné gagnant mais sans désir d’avenir. La suite ne fut qu’une confirmation de ce scepticisme initial : dès l’été, une majorité de Français se déclaraient insatisfaits du quinquennat naissant. Ces mécontents n’ont fait que devenir plus nombreux… Jusqu’à la renonciation finale. Force est de constater que Fillon ne dispose pas d’un capital de confiance supérieur.

La maladie gagne. Et la suppression de 500.000 fonctionnaires évoque la saignée des médecins de Molière, aussi spectaculaire qu’inefficace pour restaurer la santé d’une nation en proie au doute. Vertiges de l’alternance…

Sylvain Courage

Sylvain Courage
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