Partager
Entreprise

Conseils d'administration : la loi Copé-Zimmermann va-t-elle changer la donne pour les femmes?

Alors que dès janvier 2017, la loi Copé-Zimmermann oblige les grandes entreprises et ETI à compter au moins 40% de femmes dans leurs conseils d'administration, les femmes peinent toujours à se faire une place à côté des costumes-cravates. 

réagir
Des jambes d'hommes et de femme

Au 15 septembre, les entreprises du SBF 120 affichent un taux de féminisation moyen de 38% de leurs conseils d’administration ou de surveillance, contre 33,3% en 2015 et 26,2% en 2013.

(c) Afp

Publié le 8 décembre dernier, le palmarès des patrons les plus performants de Challenges-Oddo&Cie avait fait bondir certains sur les réseaux sociaux. Sur cent lauréats, le classement de l’édition 2016 ne compte… aucune femme. En cause, non pas un manque de performance de ces dernières en règle général –la dernière édition du palmarès Women Equity démontre d’ailleurs le contraire– ou une volonté délibérée de la rédaction de louer les talents de management "innés" de ces messieurs, mais un état des lieux issu de critères purement objectifs* (rentabilité, croissance du CA, rendement boursier…). Résultat, sur l’ensemble des groupes cotés en Bourse générant au moins 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, les femmes sont quasiment absentes des postes de direction.

L’anecdote reflète une réalité effarante. Aujourd’hui l’accès aux plus hautes fonctions des entreprises semble encore réservé aux seuls costumes-cravates portés par des hommes d’âge mûr, et blancs de préférence. Dès janvier prochain pourtant, la situation va devoir nettement évoluer… au moins du côté des conseils d’administration (CA). A compter de 2017, la loi Copé-Zimmermann votée en 2011 impose en effet aux entreprises au moins 500 salariés réalisant au moins 50 millions d’euros de chiffre d’affaires ou un total de bilan supérieur à 50 millions d’euros, de compter au moins 40% de femmes dans leurs conseils d’administration ou de surveillance.

"Dès 2020, cette obligation sera étendue aux sociétés d’au moins 250 salariés, remplissant les mêmes conditions de chiffre d’affaires et/ou de total de bilan", explique Alexandre Omaggio, avocat associé chez FTPA. Les entreprises cotées doivent déjà avoir au moins 20% de femmes depuis 2014. Résultat, ces dernières ont déjà commencé à se mettre en ordre de bataille. Les sociétés du SBF 120 (Sociétés des bourses françaises) ont ainsi nommé dans leurs CA cette année 110 femmes pour 68 hommes, contre 80 pour 75 en 2015, et 73 femmes pour 75 hommes en 2013, selon les données d’Ethics on board. Si bien qu’au 15 septembre, les entreprises du SBF 120 affichent un taux de féminisation moyen de 38% de leurs conseils d’administration ou de surveillance, contre 33,3% en 2015 et 26,2% en 2013.

A LIRE >> Les surprises du Palmarès 2016 de la féminisation des grandes entreprises

Si elles devraient sans problème parvenir à franchir le quota de 40% l’an prochain, la tâche devrait être plus ardue pour les entreprises non cotées. "On estime que les ETI non cotées comptent en moyenne seulement 14% de femmes dans leurs CA, avance Lucille Desjonquères, directrice générale du cabinet de recrutement Leyders Associates, spécialisé entre autres dans la féminisation des conseils d’administration. Ma crainte est aujourd’hui que ces entreprises se réveillent trop tard et placent des femmes pour des femmes ou, pire, sous-estiment les sanctions auxquelles elles s’exposent."

Des sanctions dissuasives?

A partir de 2017, la loi prévoit notamment d’invalider toute nouvelle nomination d’administrateur qui ne respecterait pas le quota et de suspendre le versement des jetons de présence de l’ensemble des administrateurs tant qu’ils ne s’y conforment pas. "Les décisions du conseil d'administration ne sont en revanche pas visées, ce qui rend la portée de ce texte somme toute limitée. La sanction est avant tout un risque d'image", estime Alexandre Omaggio.

D’autant plus qu’aucune instance indépendante n’est pour l’heure chargée de contrôler la bonne application de la loi. "C’est une bonne loi mais il y a aujourd’hui un réel problème d’information, d’accompagnement et d’alerte des plus petites entreprises, pointe Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Dans le cadre de notre dernier rapport, nous avons suggéré de mettre en place une structure de contrôle chargée d’envoyer des lettres d’alerte. Cette recommandation n’a pas été reprise pour le moment."

Ce rôle d’alerte, Lucille Desjonquères, également présidente de l’International Women Forum France et de l’association Femmes au cœur des conseils, a tenté de l’endosser à travers une campagne de communication choc. Avec le publicitaire Frank Tapiro, ils ont lancé mi-octobre l’opération "vaccination au Paritol", parrainée par le médecin et animateur Michel Cymes, au salon Planète PME. L’objectif: sensibiliser les hommes politiques et dirigeants à la disparité hommes/femmes dans les conseils d’administration. "Nous avons notamment vacciné François Fillon et François Pérol [président du groupe BPCE, ndlr]!", se réjouit Lucille Desjonquères.

Reste que dans un monde de dirigeants très masculins où les nominations de nouveaux administrateurs s’effectuent majoritairement par cooptation, il reste bien souvent difficile de chasser les préjugés… et surtout les habitudes. La vidéo YouTube n'a d'ailleurs été visionnée que 630 fois (en date du 16 décembre), signe probable d'un faible engouement pour le sujet. 

Professionnaliser les conseils

Certains n’ont pourtant pas attendu de se faire vacciner pour se prémunir contre le virus. Bruno Paillard dirige le groupe de maisons familiales de champagne Lanson BCC qui, coté en bourse, emploie 455 salariés pour un chiffre d’affaires de 265 millions d’euros. Sur huit administrateurs, trois sont des femmes –parmi lesquelles deux épouses de dirigeants du groupe. La dernière, totalement extérieure à l’entreprise, vient de rejoindre le CA cette année. Un choix qui n’a, des dires de son président, aucun rapport avec la loi Copé-Zimmermann. "Son entrée s’inscrivait dans une volonté d’ouverture du conseil d’administration. Nous l’avons choisie pour ses compétences et son œil extérieur avant tout, pas pour son sexe", affirme Bruno Paillard, qui envisage d’ailleurs de laisser les rênes de sa maison de champagne éponyme à l’une de ses filles.

Vouloir promouvoir des femmes ne suffit pas toujours. Guy Mamou-Mani en a fait l’amère expérience. Agé de 59 ans, le coprésident du groupe Open (300 millions d’euros de CA, 4.000 salariés), spécialisé dans les services du numérique, est très engagé pour la mixité. Il est notamment l’un des instigateurs de l’association #JamaisSansElles, composée de 120 entrepreneurs, hommes politiques ou encore acteurs du numérique refusant de participer à un débat ou une manifestation publics si des femmes ne sont pas invitées à prendre part.

Lui voit dans la parité une source de richesse et de diversité bénéfique qui permet de professionnaliser la gouvernance des organisations, et donc d’améliorer leurs performances. Il lui a pourtant fallu près de deux ans pour finalement trouver une nouvelle administratrice en 2016 après cinq refus successifs. "La bonne volonté ne suffit pas toujours dans un secteur qui emploie à peine 27% de femmes. Parmi celles que j’ai approchées, plusieurs étaient déjà présentes dans d’autres CA, chez des concurrents, ou n’étaient tout simplement pas intéressées", déplore-t-il. Aujourd’hui, seules deux femmes sur cinq siègent ainsi à son conseil d’administration.  

Reste que, l’amélioration progressive du taux de féminisation des conseils ne semble pas encore essaimer du côté des instances dirigeantes opérationnelles. Ainsi, alors que de 2013 à 2016, le taux de féminisation des conseils est passé de 26,2% à 38%, celui des Comex n’a augmenté que de 12% à 14,9%, et celui du "Top 100" (l’encadrement), de 18,5% à 22%. A quand une campagne de vaccination nationale au Paritol?

Commenter Commenter

Centre de préférence
de vos alertes infos

Vos préférences ont bien été enregistrées.

Si vous souhaitez modifier vos centres d'intérêt, vous pouvez à tout moment cliquer sur le lien Notifications, présent en pied de toutes les pages du site.

Vous vous êtes inscrit pour recevoir l’actualité en direct, qu’est-ce qui vous intéresse?

Je souhaite TOUT savoir de l’actualité et je veux recevoir chaque alerte

Je souhaite recevoir uniquement les alertes infos parmi les thématiques suivantes :

Entreprise
Politique
Économie
Automobile
Monde
Je ne souhaite plus recevoir de notifications