CNN, profit record et succès dans le numérique

La chaîne qui symbolise l’info à l’américaine depuis la première guerre du Golfe est la cible privilégiée de Donald Trump, le nouveau président américain. Mais ce n’est apparemment pas un handicap.

Certains, comme le fondateur du Huffington Post et de BuzzFeed, accusent même le « network » de Time Warner d’avoir volontairement favorisé le candidat républicain car il était bon pour l’audience. Malveillance de leur part ? Toujours est-il que CNN a battu tous les records en 2016. Selon John Martin, directeur général de Turner, sa maison mère, le milliard de dollars de profit va être atteint. « C’est une année record dans tous les sens : revenus, profits, audiences en télé et en ligne, etc. », dit aux « Echos » Andrew Morse, directeur général de CNN Digital Network.

Ce succès, Andrew Morse l’explique d’abord par la stratégie délibérée de la chaîne consistant à embaucher des journalistes chevronnés. « A part la BBC, personne n’a plus de journalistes que nous [il y a en tout 3.000 employés chez CNN, NDLR], dit-il. Ils sont 45 rien que sur la politique. » Au final, le budget de la chaîne a été augmenté « significativement », assure-t-il. Et de promettre que cela va continuer en 2017.

Investissements sur le digital

Les chaînes d’info connaissent en général un creux post-électoral marqué, même si cette fois les partis politiques ont bien moins investi en pub télé. Mais Andrew Morse est confiant cette fois et pas seulement parce que Donald Trump sait toujours surprendre. Au-delà des moyens toujours plus importants mis pour faire l’actualité et l’analyser, CNN muscle son offre de séries magazines. « Nos programmes sur les décennies 60s, 70s et 80s marchent très bien et sont de plus en plus placés sur les grands carrefours d’audience [le dimanche à 21 heures] », explique-t-il.

Mais, surtout, la chaîne connue pour ses présentateurs aux cheveux parfaitement lissés et aux costumes impeccables s’est décontractée et a mis l’accent sur le numérique et ses nouveaux langages pour toucher de nouvelles audiences.

En mars, le « Wall Street Journal » avait révélé qu’elle avait encore investi 20 millions de dollars sur le digital et surtout qu’elle allait y embaucher 200 personnes (au prix de 50 postes supprimés ailleurs).

CNN n’a jamais démérité sur la Toile, mais Andrew Morse a cette année décidé de vraiment lui faire prendre le virage. Il y avait, selon lui, une menace de voir partir les audiences jeunes vers les « pure players », comme Politico ou le Huffington Post. La chaîne a même décidé cet automne de débaucher toute l’équipe d’investigation politique de Buzzfeed. « Cela fait désormais presque deux ans que nous sommes devant les sites d’infos comme Politico ou même le Washington Post en audience », se félicite-t-il.

Une stratégie mondiale

La stratégie Web est tous azimuts. Le groupe a des verticales comme CNN Politics, CNN Money, CNN Travel... Mais surtout, il distribue ses contenus sur toutes les plates-formes. « On verra ensuite si on ne monétise pas assez », dit Andrew Morse. CNN a notamment été un des premiers sur l’espace Discover de Snapchat mais aussi à placer un de ces fameux robots (« bot ») sur Messenger, qui guide les internautes vers les actus qui les intéressent en dialoguant avec eux. Sur Facebook, CNN a 25 millions d’abonnés (14 millions pour CNN International). Pas moins de 30 personnes seraient chargées de développer l’audience sur les réseaux sociaux en se basant sur les données.

CNN a lancé en 2014 une appplication pour smartphones et tablettes baptisée « CNNGo », qui tente de faire le lien entre télévision linéaire (la chaîne elle-même) et une consommation à la demande, avec un espace permettant de débrayer facilement sur l’info importante qui tombe.

Plus original, CNN a lancé un portail de vidéos virales appelé « Great Big Story » (la marque CNN n’est pas mentionnée), et qui est constitué comme une start-up et emploie 50 personnes d’une moyenne d’âge de 27 ans, comme le public visé. Elle vient aussi de s’associer à un youtubeur star, Casey Neistat, qui a cofondé une application de partage de vidéos.

Il faut enfin ajouter que le numérique aide le groupe dans ses ambitions internationales en permettant de cibler les bonnes audiences. « L’étranger est une de nos plus grandes opportunités, les trois lettres rouges CNN étant un des sigles les plus connus au monde », dit Andrew Morse. Il explique que CNN plaît aux gens « intéressés par le monde et qui savent que, s’ils veulent de l’info de première main sur ce qui se passe à Mossoul en Irak, c’est sur CNN qu’ils la trouveront ».