Dépêche

Pas de quartier pour le salafisme, même quiétiste?

Paris (AFP) - Faouzi Tarkhani se revendique comme "un salafiste qui condamne le terrorisme", mais il s'estime "mal vu". Le regard s'est durci sur un fondamentalisme musulman qui, même non-violent, est souvent décrit comme un marchepied vers le jihadisme.

Lors de la dernière "instance de dialogue avec l'islam de France", le Premier ministre Bernard Cazeneuve a mis ses pas dans ceux de son prédécesseur Manuel Valls, pourfendeur du salafisme comme "antichambre de la radicalisation".

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Avec des mots inhabituels dans la bouche du nouveau locataire de Matignon, sans doute marqué par les attentats qui ont fait 238 morts en 18 mois au nom d'un islam radical: "Il n'y a pas, il n'y a jamais de fondamentalisme pacifique; il n'y a pas de salafisme anodin; il n'y a pas d'intégrisme modéré".

Le salafisme renvoie à un islam mythique des "pieux prédécesseurs" ("salaf salih"), et compte parmi ses références Ibn Taymiya (XIIIe siècle) et Mohammed Ibn Abdelwahhab (XVIIIe), théoricien du wahhabisme saoudien.

La sociologie de l'islam identifie au moins deux courants au sein de ce fondamentalisme puritain. Un salafisme quiétiste, majoritaire en France, rejetant la violence armée, et un salafisme jihadiste qui la promeut.

Les quiétistes ne considèrent pas les seconds comme d'authentiques "salafi" mais comme des takfiristes, des "adeptes de l'excommunication", ou encore des khawarij, premiers hérétiques de l'islam. En retour, des groupes jihadistes comme l'organisation Etat islamique ciblent dans leur propagande des prédicateurs quiétistes, jugés pareillement égarés.

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"Des quiétistes servent d'indics à la police pour dénoncer des jihadistes, ce qui est la preuve d'une réelle détestation", indique à l'AFP le journaliste David Thomson qui, dans "Les Revenants" (Seuil), publie d'édifiants témoignages de jeunes Français rentrés du jihad syrien.

Mais "la majorité des jihadistes français avec qui j'ai réalisé des entretiens sont passés par le salafisme quiétiste avant de basculer dans le jihadisme", ajoute-t-il, soulignant que le socle doctrinaire des uns et des autres est "le même". Ainsi du concept commun de "l'alliance et le désaveu" ("al-wala wa al-bara"), idéologie de rupture avec le non-musulman.

"Profil bas"

"C'est une fausse vérité que de dire que la salafiya (la voie salafiste, NDLR) serait la porte d'entrée du takfirisme, il faudrait le prouver scientifiquement", rétorque Faouzi Tarkhani. Cet enfant de Sarcelles (Val-d'Oise) de 41 ans vient de publier "Mal vu" (Don Quichotte). Il affirme qu'un "gigantesque travail de prévention de la part des salafistes contre le terrorisme" est "passé sous silence".

Compagnon de l'ex-rappeuse Diam's, ce musulman se présentant comme "orthodoxe" a rompu comme elle avec la musique, porte barbe longue et vêtements amples, ne sert pas la main des femmes.

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"Parce que nous sommes un peu en marge, on voudrait nous faire passer pour des personnes qui haïssent la France, mais on respecte ses lois", assure-t-il.

Si aucun lieu de culte n'est identifié comme diffusant une idéologie jihadiste, l'Etat a fermé en un an une grosse vingtaine de mosquées et salles de prière sous influence salafiste, le temps de l'état d'urgence. Le droit devra "permettre de combattre le salafisme par-delà ce régime d'exception", a estimé l'ancienne ministre LR Nathalie Kosciusko-Morizet dans une tribune.

"Il y a en France plusieurs dizaines de lieux de culte dans une logique salafiste. Un grand nombre ne posent pas de soucis. Mais quand un discours de retrait de la société se double d'une non-condamnation de la violence, cela devient compliqué", fait valoir une source proche du dossier, citant le cas de la mosquée d'Ecquevilly (Yvelines), dont la fermeture a été confirmée par le Conseil d'Etat.

Les pouvoirs publics se veulent en outre vigilants sur la "mise en cause du pacte républicain par des attitudes de repli, de retrait, de refus de l'autre", ajoute ce responsable.

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Les temps ont changé, et plusieurs "imams Facebook" identifiés comme quiétistes font aujourd'hui profil bas. Ainsi de l'imam de Brest Rachid Abou Houdeyfa qui, vivement critiqué pour ses propos sur la musique pouvant transformer ceux qui l'écoutent en porc, dit aujourd'hui observer un islam "du juste milieu". Il s'est même inscrit à Rennes à une formation civile et civique, comme pour montrer patte blanche républicaine.

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