L'ambassadeur russe en Turquie, Andreï Karlov, a été tué par balles, ce lundi après-midi, dans une attaque armée à Ankara. L'assaillant, un policier turc, a été "neutralisé" par les forces de l'ordre, a rapporté l'agence de presse pro-gouvernementale Anadolu, sans toutefois préciser si le suspect était mort ou vif. Il aurait, selon des témoins sur place, fait référence à une "vengeance" en mémoire d'Alep, ville du nord de la Syrie où la Russie a soutenu le régime -par voie aérienne- contre les rebelles. Moscou a dénoncé un "acte terroriste". L'Express fait le point sur ce que l'on sait.

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Que s'est-il passé?

Andreï Karlov a été mortellement touché alors qu'il prononçait un discours à l'occasion de l'inauguration d'une exposition d'art dans la capitale, a rapporté le site turc Hürriyet.

Dans un premier temps, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a confirmé que le diplomate était "blessé". Mais l'ambassadeur "a succombé à ses blessures", a-t-elle ensuite annoncé. Avant d'ajouter: "Il s'agit d'un acte terroriste." Selon des médias turcs, trois autres personnes auraient par ailleurs été blessées dans cette attaque.

Qui est la victime?

Né en 1954, Andreï Karlov avait été nommé à son poste en juillet 2013. Il participait à l'inauguration d'une exposition d'art lorsqu'il a été ciblé. Avant de travailler à Ankara, le diplomate russe, qui parlait coréen et anglais, avait passé dans la péninsule coréenne une grande partie de sa carrière, débutée sous l'ère soviétique.

Marié et père d'un enfant, il anotamment été ambassadeur à Pyongyang de 2001 à 2006, Moscou étant l'un des seuls pays à entretenir des relations relativement bonnes avec la Corée du Nord.

Depuis sa prise de poste en Turquie, ce diplomate expérimenté avait contribué à la relance des relations entre Ankara et Moscou, après de fortes turbulences. La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a salué lundi soir le travail d'Andreï Karlov: "Il a fait tout ce qu'il pouvait pour surmonter la crise dans les relations turco-russes".

Ces dernières années, l'ambassadeur avait "concentré la majeure partie de ses efforts sur la recherche d'une solution en Syrie et la stabilité dans la région", a-t-elle précisé.

Quel est le profil du suspect?

Une vidéo de l'assassinat, non authentifiée, circule sur les réseaux sociaux. Sur celle-ci, on peut voir et entendre l'assaillant, un doigt levé vers le ciel, hurler en arabe, puis tenir ces propos en turc. "Dieu est grand, n'oubliez pas Alep. Ceci est notre vengeance! On meurt à Alep, vous mourez ici", aurait-il notamment déclaré.

Des paroles corroborées par le témoignage d'un correspondant du quotidien turc Hurriyet, présent sur place. "Pendant que l'ambassadeur faisait un discours, un homme grand, portant un costume, a tiré d'abord en l'air puis a visé l'ambassadeur", a rapporté Hasim Kiliç, ajoutant: "Il a dit quelque chose à propos d'Alep et d'une vengeance".

Le suspect a été "neutralisé au cours d'une opération", a fait savoir l'agence de presse Anadolu. Si sa mort n'a pas été confirmée, des photos diffusées sur les réseaux sociaux le montrent à terre, visiblement mort, avec des impact de balles sur le mur derrière lui.

D'après le maire d'Ankara, Melih Gökçek, le tueur présumé de l'ambassadeur serait un policier. "L'assaillant est de la police", a déclaré l'édile sur son compte Twitter officiel.

Une photo de l'assaillant, en habits de fonctionnaire de police, a très rapidement circulé sur Twitter. Il s'agirait d'un jeune policier de 22 ans, nommé Mevlut Mert Altintas.

Cette affirmation est également relayée par le quotidien pro-gouvernemental Yeni Safak, qui identifie le tireur présumé comme un membre des forces anti-émeutes. Des doutes demeurent sur le fait qu'il faisait partie du dispositif de sécurité déployé pour encadrer l'exposition.

Une perquisition a eu lieu à son domicile. Ses parents et sa soeur auraient été arrêtés, selon l'agence turque Dogan.

Dans quel contexte intervient cet assassinat?

Cet attentat survient à un moment où les relations entre la Turquie et la Russie connaissent une embellie, depuis plusieurs mois. Les deux pays avaient connus une grave crise diplomatique en novembre 2015, née de la destruction d'un avion militaire russe, par l'aviation turque, au dessus de la frontière syro-turque.

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Depuis septembre 2015, la Russie est pourtant un allié clé du régime de Damas. Elle est notamment intervenue par des raids aériens, en soutien au régime de Bachar el-Assad pour reprendre Alep, la deuxième ville de Syrie, aux rebelles. La Turquie, elle, soutient les rebelles qui cherchent à renverser le président syrien.

L'attaque s'est produite à la veille d'une rencontre à Moscou entre le Premier ministre turc, Mevlut Cavusoglu, avec ses homologues russe et iranien, justement sur le dossier syrien.

Comment réagit la communauté internationale?

Le président turc Recerp Tayyip Erdogan a appelé son homologue russe Vladimir Poutine pour lui donner des informations sur la meurtrière attaque, a déclaré le porte-parole du chef de l'Etat turc. Le ministère turc des Affaires étrangères a de son côté affirmé qu'Ankara tâcherait de préserver l'"amitié" turco-russe.

Lundi soir, à la télévision nationale, le président russe a qualifié l'assassinat de son ambassadeur de "provocation" destinée à nuire aux liens russo-turcs et aux efforts pour résoudre le conflit syrien. Quant au porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, il a indiqué que le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, et les chefs des services secrets russes rendront au chef de l'Etat un rapport sur cette attaque.

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Les Etats-Unis "condamnent" l'attaque, a fait savoir le département d'Etat dans la foulée du tragique événement. "Nous condamnons cet acte de violence, quelle qu'en soit l'origine", a déclaré John Kirby, le porte-parole du département de la Défense.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, s'est lui aussi manifesté dans la soirée, pour dénoncer "un acte terroriste insensé". Tout comme l'Union européenne, François Hollande, a condamné "avec force" cet assassinat, d'après un communiqué de l'Elysée.

Enfin, la Syrie, pays allié de la Russie, a vivement condamné "crime abominable". "La République arabe syrienne condamne de la manière la plus ferme la lâche attaque terroriste qui a conduit à la mort de l'ambassadeur russe en Turquie, Andreï Karlov", a ainsi indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué publié à Damas.

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