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À Athènes, des mineurs isolés afghans contraints de se prostituer pour survivre

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Sur les grandes places et dans les jardins publics de la capitale grecque, des migrants attendent, bloqués entre la Turquie et l’Europe. Désœuvrés, ils peinent à trouver travail et logement. Malgré les efforts solidaires de nombreuses associations, certains jeunes se retrouvent piégés dans des cercles illégaux. Entre autres, la drogue, les réseaux de passeurs et la prostitution.

Ces migrants sont parfois très jeunes, à peine 15 ans, et majoritairement afghans. Ils souffrent de discriminations et de conditions de vie très précaires. Leurs camps ne sont pas fournis en électricité ou en eau chaude, ils n’ont pas accès au marché du travail et donc aucune source de revenus. Pas d’autres choix pour eux que de sombrer dans l’illégalité pour survivre. Chaque soir, dans les parcs Victoria, Pedion tou Areos ou sur la place Omonia, ils sont quelques dizaines à vendre leur corps à la nuit tombée. Les passes ont parfois lieu chez le client, mais le plus souvent derrière un buisson.

"Les clients n'ont rien à faire de ces jeunes"

Ali M., qui travaille dans une organisation humanitaire à Athènes, est quotidiennement auprès des réfugiés afghans en Grèce.

Quand les gens veulent vivre et subvenir à leurs besoins les plus simples, ils sont capables de faire bien des choses. Ces jeunes sont payés, dans le meilleur des cas, 50 euros la passe, parfois moins de 10 euros. Ils n’ont pas de travail. Ils dorment dans les tentes des camps de réfugiés. Je ne connais pas la nationalité de leurs clients, mais ils parlent presque toujours grec et sont beaucoup plus vieux qu’eux. Le problème vient surtout du fait que les réfugiés afghans sont discriminés par rapport aux autres, ils ne reçoivent aucune aide du gouvernement.

Ils n’ont pas de véritables abris ou de soutien financier, ils sont complètement livrés à eux-mêmes. J’ai fait de l’interprétariat à l’hôpital pour un Pakistanais qui avait été diagnostiqué séropositif. J’ai dû tout lui expliquer depuis le début, il n’y connaissait rien du tout. Il ne savait pas ce qu’était un préservatif ou le sida. Il ne savait même pas s’il l’avait attrapé lors d’un rapport sexuel ou de la prise de drogues. Parfois, il n’y a pas de préservatifs tout simplement parce que les clients n’en ont rien à faire de ces jeunes. De nombreuses vies sont en danger.

Les migrants afghans ne bénéficient pas du système de quotas mis en place par l’Union européenne pour répartir les demandeurs d’asile dans différents pays parce que les Afghans n’obtiennent l’asile que dans 63 % des cas. Seules les nationalités qui l'obtiennent dans plus de 75 % des cas sont concernées par la mesure, notamment les Syriens et les Irakiens. Par ailleurs, plusieurs pays voisins de la Grèce ont fermé leurs frontières aux Afghans, notamment la Serbie et la Macédoine. Le seul moyen pour eux d’atteindre rapidement des pays comme l’Allemagne ou la Suède est de faire appel à des passeurs.

Photo publiée sur le profil Facebook de Khatija Sacranie

“Une génération perdue”

Khatija Sacranie, travailleuse humanitaire anglaise pour Goodwill Caravan, a aperçu une quinzaine de jeunes garçons sur la place Victoria il y a quelques mois.

La plupart étaient Afghans, mais il y avait aussi quelques Syriens et Égyptiens. Des hommes plus âgés, qui n’étaient pas des réfugiés, rôdaient autour d’eux, comme des proxénètes. Certains s’arrêtaient en voiture pour leur parler. Je n’ai pas vu de transaction de mes propres yeux, mais c’était très clair que la prostitution avait lieu dans ce parc entre les jeunes réfugiés et les locaux.

Photo publiée sur le profil Facebook de Khatija Sacranie

Khatija Sacranie a posté ce message sur Facebook après sa rencontre avec les jeunes migrants :

C’est une génération perdue, coincée dans un 'no man’s land'. Elle ne peut ni avancer ni reculer. La jeunesse, des garçons perdus. Encore mineurs, certains seuls, d’autres abandonnés, d’autres encore ont filé entre les mailles de la réglementation. De jeunes garçons, comme mes neveux ou comme mes cousins. Nous avons vu des proxénètes, des hommes à l’affût de leur proie, prêts à profiter de la situation, à les exploiter. Ces garçons disaient en général : si vous voulez nous aider, renvoyez-nous à la maison, renvoyez-nous en Syrie. Aidez-nous, faites-nous travailler. Donnez-nous quelque chose à faire, un endroit où travailler.

“Deux ou trois avec la même seringue”

Piégés dans une vie nocturne violente, ces jeunes commencent parfois à consommer de la drogue. Ils s’enferment alors dans un cercle vicieux dont il sera très difficile de se défaire.

Des seringues et des cuillères utilisées pour consommer de l’héroïne par injection dans le parc Pedion tou Areos, image publiée sur Facebook par une page dédiée au jardin public.

“Le plus dangereux est qu’ils sont parfois à deux ou trois avec la même seringue, si l’un d’eux a le sida, les trois l’attrapent. Ils boivent aussi beaucoup d’alcool. Pour eux, la vie n’a plus aucun sens. Il y a trois semaines, un jeune réfugié est mort par overdose. Malheureusement, les cas sont nombreux”, explique Ali M.

Ce cocktail explosif se cristallise dans la rue Filis, tout près de la place Victoria. Plaque tournante de la prostitution et du trafic de drogue athénien depuis plusieurs dizaines d’années, on y trouve le Sami’s bar, lieu de rencontre gay entre jeunes étrangers et Grecs plus âgés.

Photo publiée sur Facebook par une riveraine dans une page dédiée aux vieux bâtiments du quartier.

Le bâtiment est en très mauvais état et paraît désert. La riveraine qui a posté la photo sur Facebook le présente même comme un bar laissé à l’abandon. Pourtant, du mercredi au samedi, les salles décorées à l’orientale sont pleines. C’est ce qu’ont confirmé plusieurs contacts locaux à France 24, tout en précisant que des jeunes migrants continuaient d’y aller pour chercher des passes.

“La plupart sont des hommes du Moyen-Orient à la recherche d’hommes plus âgés. Vous pourrez parfois trouver des prostitués (go-go boys)”, peut-on lire sur un site répertoriant les adresses gay-friendly de la capitale.

Notre Observateur Ali a entendu parler de ce bar où les jeunes migrants et leurs clients se rencontrent. “Reste que le gros des rencontres s’effectue dans les parcs, et parfois même dans d’autres bars”, a-t-il précisé.

“Que fait la police ? Elle essaye de faire quelque chose, mais il lui faudrait de la place pour accueillir tous ces jeunes, il faudrait qu’elle organise une forme d’accueil, ne serait-ce qu’en prison. Il n’y a pas de place pour les réfugiés”.

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