Publicité

Donald Trump met Wall Street au pas en 140 caractères

Aucun président n’avait jusqu’à ce jour autant utilisé le réseau social Twitter pour communiquer. Certains de ses messages sur des sociétés ont déjà provoqué des drames boursiers et de la volatilité.

Par Nessim Aït-Kacimi

Publié le 20 déc. 2016 à 15:10

Le repli de l’euro (mardi à 1,0360 dollar) sous la barre symbolique du dollarsera-t-il commenté par Donald Trump ? Pour l’instant, et depuis son élection, le candidat républicain, pourtant un accroc au réseau social, ne s’est pas exprimé sur les marchés ou devises, à l’exception du renminbi, en repli de 0,4% contre le dollar après ce tweet au relent de « guerre des changes » (course aux dévaluations compétitives) : «Est-ce que la Chine nous a demandé s’il était acceptable de dévaluer leur monnaie?» s’est-il interrogé en décembre en faisant allusion à la dévaluation de la devise chinoise à l’été 2015. A cette époque, il s’était plaint sur Twitter que «nous sommes tellement liés à la Chine et à l’Asie que leurs marchés financiers nous tirent vers le bas». La dévaluation surprise chinoise avait en effet créé une onde de choc sur les places internationales.

Arbitre des élégances boursières

Depuis son élection le 9 novembre, Donald Trump s’est abstenu de prononcer certains mots clivant - « Wall Street », « Goldman Sachs », « hedge funds »- dans ses messages sur le réseau Twitter. Ce dernier est pour lui un moyen de s’adresser directement et rapidement aux Américains, sans passer par les médias, qu’il déteste car jugés trop partiaux et contre lui. Ses «Tweets» sont globalement moins polémiques et clivant qu’avant l’élection, et concernent peu la finance ou l’économie. Toutefois, sur les actions de quelques groupes cotés, la parole présidentielle a déjà produit ses effets, et le «politiquement correctement» n’y a pas sa place. Le 11 décembre, il laisse entendre que Rex Tillerson, le directeur générale du groupe Exxon, ferait un très bon secrétaire d’Etat, entraînant une hausse de 2,2% du cours du géant du pétrole. Quand il confirmera son choix deux jours plus tard, l’action aura encore progressé de 1,7%. De même, le président a félicité, le 6 décembre, le groupe Softbank, qui s’engage à investir 50 milliards de dollars aux Etats-Unis dans les années à venir, avec 50.000 créations d’emplois à la clef. Bilan, le cours de la société a bondi de 12% dans les 3 séances.

Donald souffle le froid

Publicité

Donald Trump souffle aussi le aussi le froid . Il avait donné le ton le 7 janvier en appelant au boycott de la chaîne de magasins Macy’s, un groupe « très déloyal » qui avait retiré de ses rayons les vêtements de la marque du milliardaire. A cette époque, il était un outsider de la présidentielle, guère favori, mais son tweet fit déjà chuter de 2,8% l’action de Macy’s. Ses récentes critiques, il les a adressées à deux fleurons de Wall Street, généralement très épargnés par les républicains. Il juge ainsi le coût trop élevé du programme F35 , un projet d’avions multi-rôles conçu par Lockheed Martin et le titre de ce dernier plonge de 3%, soit 4 milliards de dollars de capitalisation boursière évaporée. Une semaine plus tôt c’est le groupe Boeing qui avait subi le courroux boursier de Donald Trump. Le fabricant de « Air Force One », l’avion présidentiel, est lui aussi jugé trop onéreux, mais cette fois le cours flanche mais ne rompt pas et termine la journée à l’équilibre.

Apple tancé sur l’Iphone

Avant d’être candidat à la présidentielle, Donald Trump n’hésitait pas à faire part publiquement de son mécontentement à l’égard de certains groupes. Ainsi, fin janvier 2014, il posta sur Twitter un message où il déclara qu’il avait vendu toutes ses actions Apple, la société n’ayant pas selon lui pris la mesure de la concurrence de Samsung qui offrait une taille d’écran plus grande pour ses téléphones. Cela s’avérera une mauvaise affaire puisque le titre Apple bondit de 63% en un an.

Flash crash et envolées lyriques

Guettant les « flash-crash » ou à l’inverse les envolées des titres , les traders et algorithmes s’efforcent de percer les « tweets » , arrières pensées et autres déclarations du président, qui ne sont pas toujours d’une grande limpidité. Ainsi, dans un discours devant ses sympathisants à Burlington dans le Vermont début janvier, il lâcha, mystérieux : « Si l’Iran était une action, achetez là, ok? ». Les marchés pourront en tout cas acheter les actions des sociétés cotées bien connectées et introduites auprès de la nouvelle administration, dans l’espoir qu’elles bénéficieraient de retombées (contacts, contrats….), ou au contraire rester à l’écart de celles qui risquent d’être persona non grata à la Maison Blanche.

Les entreprises connectées au pouvoir politique en obtiennent de nombreuses retombées

Dans 47 pays, 541 entreprises sont plus ou moins connectées au pouvoir politique (1). Dans 40% des cas, au moins un de leurs grands actionnaires (détenant 10% du capital ou plus) est parlementaire, ministre ou proche d’un grand parti ou politicien. Dans 60% des cas, ce sont les dirigeants de ces sociétés qui sont proches du pouvoir. Les connections sont le plus souvent avec des parlementaires, ministres voire chefs d’Etat. Les pays qui comptent le plus de sociétés connectées sont le Royaume-Uni (25%), puis la Malaisie (17%), Thaïlande (7%), Japon (6,5%), Indonésie (6%), Italie (4,5%), France (4,1%) et Singapour (3,5%). L’Asie est le continent le plus représenté (40%) et l’aurait été encore bien davantage si la Chine avait été incluse dans le périmètre. Quels avantages obtiennent ces groupes ? Leur taux d’imposition effectif est plus faible que celui des autres sociétés, respectivement 29,7% contre 32,7%. Elles ont aussi davantage recours à l’endettement, 28% contre 24% pour leurs dettes à long terme rapportées à leur capital. Grâce leurs actionnaires ou dirigeants, les entreprises peuvent peut-être obtenir plus facilement des contrats, concessions de la part du gouvernement et administrations. Leur part de marché est ainsi près du double (18%) de celle des autres entreprises. C’est particulièrement le cas pour les sociétés dont les dirigeants ou actionnaires ont des « amis » au sein du pouvoir politique (chef d’Etat, ministres). Seulement malgré tous ces avantages, les sociétés ont un rendement de leur actif inférieur de 2,4% à celui des autres sociétés. Les chercheurs avancent deux explications. Si les entreprises recherchent les faveurs des politiques c’est qu’elles ont certaines difficultés à croître normalement. Des difficultés qui persisteront. En outre, les entreprises qui ont un dirigeant ou grand actionnaire sous la coupe du pouvoir prendront parfois de mauvaises décisions, dictées par d’autres considérations (« renvoi d’ascenseur ») que le développement de leur société. Ces connections peuvent d’ailleurs aussi être exploitées par les politiciens pour réaliser des délits d’initiés grâce aux « tuyaux » en provenance des entreprises. Un échange de bons procédés. Plus un pays est corrompu plus ses entreprises connectées au pouvoir obtiendront de faveurs. (1) « Differences between politically connected and non-connected firms : a cross country analysis », Mara Faccio (Purdue University)

Nessim Aït-Kacimi

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres

Nos Vidéos

xx0urmq-O.jpg

SNCF : la concurrence peut-elle faire baisser les prix des billets de train ?

xqk50pr-O.jpg

Crise de l’immobilier, climat : la maison individuelle a-t-elle encore un avenir ?

x0xfrvz-O.jpg

Autoroutes : pourquoi le prix des péages augmente ? (et ce n’est pas près de s’arrêter)

Publicité