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Sur les réseaux, les hérauts du zéro déchet

La volonté de réduire au maximum ses détritus fait de plus en plus d’adeptes dans le monde et en particulier en France. Un mouvement qui s’appuie notamment sur le Web, où les blogs et communautés dédiés se multiplient.
par Aude Massiot
publié le 23 décembre 2016 à 19h36

Allegra Marzarte empoche sacs en tissu et bocaux propres. Elle est parée pour ses courses. Chez elle, sacs plastiques, cartons imprimés et autres empaquetages industriels sont proscrits. A 35 ans, c'est une tenante du mouvement «zéro déchet», en pleine explosion dans le monde et notamment en France. L'idée : limiter au maximum son empreinte écologique en ne produisant (presque) aucun déchet. Avec cet objectif, une importante communauté s'est formée en quelques années. Internet a joué, pour cela, un rôle crucial. Comme le site d'Allegra Marzarte intitulé «Small & Beautiful», les blogs sur le sujet se multiplient désormais. Ainsi que les groupes Facebook, comme celui intitulé «écolos bio zéro déchet» qui compte plus de 16 300 membres sur le réseau social. «Quand j'ai commencé en 2013 à m'intéresser à ce mode de vie, j'ai eu beaucoup de mal à trouver des informations, raconte Mélanie Charles, une fleuriste de 27 ans. Alors j'ai décidé de rassembler toutes les bonnes recettes que j'avais élaborées pour aider les autres internautes.» Son blog «Une vie sans gâchis» accueille entre 1 500 et 2 000 visites par jour, provenant «de partout dans le monde». «Internet est un outil essentiel. Le mouvement ne se serait pas développé sans cela, ou beaucoup plus lentement», assure-t-elle.

Composteur

Les critiques et incompréhensions envers ce mode de vie que certains jugent régressif ont laissé, peu à peu, place à la curiosité. Jérémie Pichon et sa compagne, l'illustratrice Bénédicte Moret, ne s'attendaient pas à ce que leur livre ait tant de succès. Famille zéro déchet. Ze guide (1) détaille avec humour les reproches des «zérosceptiques» ou encore les recettes pour «faire moins et mieux à Noël». Ils ont, eux aussi, commencé par un blog, qui accueille entre 2 000 et 3 000 visiteurs par jour. «Cette transmission de savoirs est très importante, dit ce militant associatif. Elle est à la base de la mobilisation citoyenne que nous voyons se développer autour de personnalités comme Pierre Rabhi, ou le film Demain (2). Nous accélérons ce mouvement par nos clics.»

Grâce à cet engouement sur le Web, le zéro déchet a parcouru le monde. A Brighton, en Grande-Bretagne, le premier restaurant sans déchet a ouvert en septembre 2014. Installé dans un ancien bâtiment industriel, l'antre du chef britannique Douglas McMaster, 27 ans, a son propre composteur et sert ses plats dans de la vaisselle conçue à partir de sacs plastiques recyclés. De l'autre côté de l'Atlantique, à Montréal, au moins trois épiceries ne vendant que des produits en vrac ont ouvert cette année. Fin juin, à Paris, le premier festival «zero waste» a été organisé au parc de la Villette. Selon les organisateurs, sur les trois jours de l'événement, seuls 153 kilos de déchets auraient été produits par tous les participants, soit l'équivalent de 45 grammes par personne. Toujours dans la capitale, la première «maison du zéro déchet», financée par crowdfunding, devrait ouvrir en 2017. L'association Zero Waste y proposera ateliers et conseils. A plus grande échelle, la ville de San Francisco, qui recycle déjà 80 % de ses détritus, s'est fixé comme objectif d'atteindre le zéro déchet en 2020.

Des marques ont aussi pris le pli. La française Lamazuna propose, par exemple, de l’oriculi en bambou pour remplacer les cotons-tiges, des lingettes démaquillantes lavables en microfibre ou des déodorants solides. Kufu a imaginé des sacs réutilisables en coton bio, alors que l’américaine KleenKanteen a misé sur les récipients culinaires réutilisables. Business ou pratique, le zéro déchet est en train de s’imposer comme un marché à part entière.

Expériences

Un marché qui est toutefois loin de compenser celui de la production de déchets. Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), les Français rejettent environ 345 millions de tonnes par an. Au niveau mondial, la quantité de détritus produits par les humains devrait tripler d’ici à 2100 d’après la Banque mondiale, passant de 3,5 millions de tonnes par jour en 2010 à plus de 6 millions de tonnes en 2025. Les tenants du zéro déchet ont donc du pain sur la planche avant de voir cette tendance s’inverser.

Rob Greenfield a décidé de s’y investir corps et biens. Militant écologiste connu pour ses expériences de vie extrêmes, ce jeune Américain a traversé deux fois les Etats-Unis sur un vélo en bambou, en utilisant uniquement de l’eau de source, de l’électricité solaire et en ne produisant quasiment aucun déchet. Ce mois-ci, il s’est lancé un nouveau défi : vivre comme un Américain moyen pendant trente jours et porter (littéralement) sur lui tous ses déchets. Au bout d’un mois, il aura sur ses épaules plus de 75 kilos. Derrière le zéro déchet, c’est un rejet de la société de consommation que défendent ces militants. Une sobriété heureuse où la vie, comme ses poubelles, est plus légère.

(1) Ed. Thierry Souccar, 204 pp., 20 €.

(2) De Mélanie Laurent et Cyril Dion.

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