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L'Inde, centre du monde pour Capgemini

Sur un secteur très sensible à la conjoncture économique, le groupe informatique français poursuit son développement en misant sur des activités innovantes, et plus seulement sur des services à moindres coûts. En Inde, il recrute des personnels très qualifiés.

Par  (New Delhi, correspondance)

Publié le 20 février 2014 à 12h19, modifié le 20 février 2014 à 12h19

Temps de Lecture 5 min.

Aruna Jayanthi, PDG de Capgemini en Inde, le 18 février, à Bangalore.

Chaque matin, des centaines d'ingénieurs, badge autour du cou, s'engouffrent dans le bâtiment en verre de Capgemini à Bombay. Cette construction et les maisons en torchis des contrées les plus reculées de l'Inde ont un point commun : un rangoli, une peinture traditionnelle, est dessiné sur le sol de l'entrée pour accueillir les visiteurs et garantir la bonne fortune à leurs hôtes.

Plutôt que de dessiner des divinités hindoues ou des plantes sacrées, Capgemini préfère toutefois saupoudrer sur le sol en marbre de son hall d'accueil les logos de ses entreprises clientes qui viennent ici sous-traiter leurs services informatiques.

Elle leur doit bien cet honneur. Jeudi matin, le groupe informatique français a publié les résultats de son activité pour 2013. Il a enregistré un chiffre d'affaires de 10,09 milliards d'euros, en hausse de 0,9 % par rapport à 2012, à taux de change et à périmètre constant.

Sur un secteur très sensible à la conjoncture économique, Capgemini parvient à maintenir son chiffre d'affaires grâce à son positionnement sur des activités en forte croissance comme l'informatique dans les nuages (le cloud) et à ses activités offshore – à savoir la délocalisation de services informatiques, majoritairement vers l'Inde – qui lui permettent de proposer des services à moindre coût à des clients qui, en temps de crise, doivent se serrer la ceinture.

UN NOUVEAU MODÈLE

Les activités offshore tirent la croissance du secteur. Depuis 2009, le nombre d'employés de Capgemini en Inde a plus que doublé, passant de 20 000 à 47 000, soit le tiers des effectifs du groupe.

Et le rythme des embauches va s'accélérer, avec le recrutement prévu de 23 000 ingénieurs en Inde d'ici trois ans. La proportion d'ingénieurs indiens chez Capgemini reste toutefois inférieure à celle de ses concurrents, comme Accenture ou IBM.

Le groupe français a dû rattraper son retard au cours de la dernière décennie. Ce n'est qu'au début des années 2000 qu'il s'est lancé en Inde, avant de s'y renforcer par l'acquisition, en 2006, de la société Kanbay, spécialisée dans le secteur de la finance.

En 2011, deux Indiens ont été nommés au comité exécutif de Capgemini, dont la PDG de la filiale en Inde, Aruna Jayanthi, âgée de 50 ans, seule femme parmi les dix-sept membres.

« Il fallait rompre avec le modèle selon lequel l'Inde n'est qu'un back-office, et impliquer davantage les Indiens dans la relation avec les clients. Mme Jayanthi était la mieux qualifiée pour relever ce défi », dit Paul Hermelin, le PDG du groupe.

EXPERTISE TECHNIQUE ET RELATION-CLIENT

En réunissant deux compétences cruciales, elle incarne le nouveau cap fixé à l'Inde. L'expertise technique, d'abord, après une première expérience professionnelle chez l'Indien Tata Consulting Services, et l'expérience de la relation client, lorsqu'elle fut consultante chez Ernst & Young.

Même si l'Inde est pour Capgemini le plus grand centre mondial de production de services informatiques, ses ingénieurs ne se contentent plus de travailler retranchés derrière leurs ordinateurs, pour gagner moins de 10 dollars de l'heure.

Leurs salaires ont augmenté, au même rythme que leurs qualifications et leur expertise. Ils participent à la rédaction des propositions commerciales et doivent « partir au front » chez les clients, pour les convaincre de se lancer dans l'aventure de la sous-traitance informatique offshore.

Mme Jayanthi se rend ainsi tous les mois en Suède pour superviser des projets et vanter les mérites de l'offshore. « L'Europe continentale est notre prochaine destination. Là-bas, les services informatiques offshore ont encore du potentiel de croissance. Le marché y est moins saturé qu'aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni », prédit-elle. Capgemini tire encore 70 % de ses revenus du Vieux Continent.

RÉVOLUTION TECHNOLOGIQUE

La patronne de Capgemini en Inde a aussi la lourde tâche d'adapter l'entreprise aux nouveaux besoins des clients. « Les sociétés rentrent dans un nouvel âge concurrentiel. Ce n'est plus la possession de informatique qui donne un avantage compétitif mais plutôt la manière dont on interagit avec les clients », explique Frédéric Giron, directeur de recherche, basé à Singapour, au cabinet Forrester Research.

Les clients cherchent de meilleures solutions pour interagir avec leur propre clientèle à travers divers canaux – smartphones ou centres d'appels. Ces nouveaux services (rassemblés sous l'acronyme « SMAC » pour Social Mobility Analytics Cloud), à savoir les réseaux sociaux, les outils de mobilité, la capacité d'analyser les données et la gestion de l'information, constituent une révolution technologique.

Dans la nouvelle guerre concurrentielle qui se prépare, le critère de différenciation n'est plus tant le coût que la capacité à innover. Les investissements en main-d'œuvre informatique sont d'ailleurs moindres pour développer ces nouveaux outils, contrairement aux coûts d'infrastructures qui augmentent.

Le développement de programmes informatiques classiques comme un progiciel de gestion « ERP » peut coûter des millions d'euros alors que des dizaines, voire de centaines de milliers d'euros suffisent à développer une application pour mobiles. « L'avantage concurrentiel lié aux coûts va progressivement disparaître », prédit Frédéric Giron.

ENCOURAGER L'INNOVATION

D'où l'importance, pour Capgemini d'encourager l'innovation en Inde afin de renforcer ses positions sur ces nouvelles activités de marché, à forte croissance.

Et le groupe français possède un avantage de taille sur ses concurrents indiens. Il dispose d'équipes proches du client, capables de comprendre ses besoins, et d'ingénieurs à l'autre bout du monde pour développer des outils à moindres coûts.

C'est le concept du « nearshore », c'est-à-dire la meilleure combinaison possible entre le « offshore » et le « onshore » pour répondre aux besoins du client tout en réduisant les coûts. Cette collaboration entre les ingénieurs en Inde et en Europe pourrait bientôt se transformer en une coopération entre les spécialistes des métiers du client – les interlocuteurs des sociétés de services informatiques ne sont plus seulement les directions des systèmes d'information mais tous les dirigeants de l'entreprise – et ceux de la technologie.

En Inde, Capgemini a mis en place des centres d'excellence spécialisés dans chaque secteur d'activité, comme la distribution, les télécommunications ou encore les sciences de la vie, pour développer de nouveaux outils technologiques.

La montée en puissance de l'Inde dans l'activité de Capgemini se heurte toutefois à une contrainte : celle des ressources humaines. Mme Jayanthi avoue y consacrer la moitié de son temps.

L'arrivée sur le marché du travail de jeunes diplômés ne suffit pas à répondre aux besoins des entreprises qui se livrent entre elles une rude bataille pour recruter les meilleurs talents. « Mon autre mission consiste à bâtir la marque Capgemini en Inde pour recruter les meilleurs », explique Mme Jayanthi. Ainsi, pour accroître sa popularité en Inde, Capgemini est allé jusqu'à organiser… un jeu de téléréalité où un jury élit le meilleur ingénieur informatique.

Enfin les hausses annuelles de salaires, qui dépassaient 20 % il y a trois ans et sont redescendues en dessous de 10 %, réduisent peu à peu l'avantage comparatif de l'Inde en matière de coûts. Pour certaines de ses activités, le groupe français est désormais obligé de s'éloigner des grandes mégapoles pour ouvrir des bureaux dans les villes moyennes du sud, comme Salem ou Trichy (Etat du Tamil Nadu), où les salaires et les niveaux de vie sont moins élevés.

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