Grand ménage avant l’arrivée de Trump à la Maison Blanche

Grand ménage avant l’arrivée de Trump à la Maison Blanche

Surveillance étendue, fichage des étrangers et des musulmans... les projets de Donald Trump suscitent une mise en garde aux entreprises tech, tandis qu’Obama savonne (un peu) la planche à son successeur.

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Le 20 janvier 2017, Donald Trump succèdera à Barack Obama à la Maison Blanche. Et vu ce que l’on sait du personnage, de ses conseillers, et entre autres de sa vision du numérique, dire que cela n’a rien de rassurant est une litote.

Le conflit entre Apple et le FBI du printemps dernier (dans lequel Trump a soutenu le FBI, allant jusqu’à parler de boycott d’Apple) pourrait n’être qu’une plaisanterie par rapport aux pressions que risquent les entreprises tech après le 20 janvier. C’est pourquoi l’Electronic Frontier Foundation (EFF), association de défense des droits et libertés numériques, met en garde les entreprises tech.

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« Trump veut utiliser vos serveurs »

L'alerte lance par l'EFF aux entreprises et personnes du secteur tech (cliquer pour agrandir)
L’alerte lancée par l’EFF aux entreprises et personnes du secteur tech (cliquer pour agrandir) - EFF

Elle l’a fait en prenant à témoin le public, via une pleine page de publicité dans le mensuel Wired de ce mois-ci, adressée «  à la communauté technologique  ».

Titrée «  votre modèle de menace a changé  », elle prévient  :

«  Le président qui arrive, Donald Trump, a fait des promesses de campagne qui, si elles sont réalisées, menacent le Web libre et les droits de millions de gens. Il a plébiscité des tentatives de saper la sécurité numérique, soutenu la surveillance de masse et menacé la neutralité du Net. Il a promis d’identifier et de déporter des millions de vos amis et voisins, de pister des gens selon leurs croyances religieuses et de supprimer la liberté de la presse. Et il veut utiliser vos serveurs pour cela.  »

« Chiffrez, effacez, résistez... »

L’EFF appelle en conséquence la communauté technologique à «  sécuriser nos réseaux contre cette menace  ». Ses demandes  :

  • Chiffrez  : utilisez le HTTPS (qui protège des indiscrets les données échangées entre l’internaute et le site web qu’il visite) et le chiffrement de bout en bout par défaut pour chaque transaction, chaque communication, chaque activité.
  • Supprimez  : effacez vos registres de logs [les journaux d’événements informatiques  : qui a fait quoi, en gros]. Vous ne pouvez pas être obligé de remettre des données que vous n’avez pas.
  • Révélez  : si vous recevez une demande du gouvernement de surveillance de vos utilisateurs ou de censure de discours, dites-le au monde.
  • Résistez  : combattez pour les droits des utilisateurs au tribunal, au Parlement et au-delà.
Clavier d'ordinateur sale
Clavier d’ordinateur sale - PublicDomainPictures.net/CC0

Fichier musulman ? Il y en avait un...

Parmi les nombreuses idées agitées par Trump et son équipe, il y a celle d’un fichage des musulmans – de tous ceux vivant aux Etats-Unis, ou de ceux y entrant, selon les différentes versions esquissées (souvent dans un grand flou) au fil de sa campagne et depuis.

Or, il existait déjà un quasi-fichier des musulmans, le National Security Entry-Exit Registration System, ou NSEERS. Créé le 11 septembre 2002 (une date anniversaire évidemment symbolique) et supervisé par le département de la Justice, il a ensuite été transféré au nouveau département de la Sécurité intérieure (DHS, pour Department of Homeland Security).

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Deux programmes en un  :

  • l’un obligeait les ressortissants de certains pays à s’enregistrer auprès du gouvernement avant d’entrer ou de quitter le pays,
  • l’autre contraignait certains étrangers vivant aux Etats-Unis à se présenter régulièrement aux services de l’immigration.

Pannes fréquentes

A sa création, le NSEERS s’appliquait aux visiteurs de cinq pays  : Iran, Irak, Libye, Soudan et Syrie. Puis il a gonflé, jusqu’à viser les ressortissants de 25 pays, tous à population en majorité musulmane, explique The Atlantic, à l’exception de la Corée du Nord.

Le programme domestique ne concernait que les hommes de plus de 16 ans, celui d’entrées et sorties portait sur les femmes comme les hommes. Le DHS a suspendu le premier en décembre 2003, 14 mois après ses débuts. A cette époque, 83 500 enregistrements de résidents avaient été effectués. Le second programme, surveillant les arrivées et les départs, a été abandonné en 2011 au profit des programmes de surveillance des frontières, jugés plus efficaces.

Un rapport du DHS en 2012 [PDF] détaille de nombreuses critiques des fonctionnaires contre le NSEERS  : mal conçu, avec des pannes fréquentes, ne marchant pas ou mal sur certains ordinateurs, créant des files d’attentes de plusieurs heures aux points d’enregistrement... Ce programme a coûté au gouvernement 10 millions de dollars par an, selon le rapport.

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Cependant, observait The Atlantic, les textes réglementaires et logiciels étaient toujours là, même s’ils ne servaient plus depuis des années, et le nouveau président aurait pu les remettre en fonctionnement.

Les épines d’Obama

Ce ne sera, de justesse, plus possible, et c’est une des « épines dans le pied » pour la prochaine administration, selon la formule de L’Express, que laisse Barack Obama :

  • après avoir protégé une partie de l’Arctique et de l’Atlantique contre les appétits pétroliers,
  • consolidé le droit à l’avortement
  • et choisi de laisser voter à l’ONU un texte contre la politique de colonisation d’Israël,
  • le président sortant vient de supprimer le NSEERS – à compter du 23 décembre, l’administration doit le démanteler – ce que le rapport de 2012 avait déjà préconisé, sans effet à l’époque.

Des dizaines d’associations et une cinquantaine de députés démocrates avaient demandé ces derniers jours au gouvernement Obama de le faire avant l’arrivée de Donald Trump.

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