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Monde

Les ingérences de Poutine et Trump dans la présidentielle française

Sous l'impulsion de Poutine et de Trump, un nouvel ordre mondial se met en place. L'Europe et la France sont des pions dans le jeu de chacun. Il est temps que les candidats à l'Elysée s'en inquiètent.

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Peinture murale en Lituanie représentant un baiser entre Donald Trump et Vladimir Poutine

Poutine et Trump sur un mur street art en Lituanie

Petras Malukas/A.F.P.

Qui peut en douter une seule seconde ? Un nouvel ordre mondial est en train de voir le jour. Son acte de naissance sera le 20 janvier prochain lorsque Donald Trump deviendra officiellement le 45ème Président des Etats-Unis.  Tout ce qui se dessine sous nos yeux en cette fin d'année 2016 se mettra alors en place. Et rien ne dit que l'Europe et la France y soient bien préparées.

C'est, en effet, près d'un demi-siècle de diplomatie américaine que Trump semble vouloir remettre en cause. Nationaliste, le futur patron de la Maison Blanche a déjà abattu ses cartes : il va tourner la page de « la Chine unique » inaugurée par la tandem Nixon-Kissinger en 1972. Il s'agissait alors d'établir des relations normalisées entre la Chine et les Etats-Unis. Corollaire de ce rapprochement, Washington avait renoncé à reconnaître formellement Taïwan, tout en garantissant néanmoins sa sécurité. Trump considère, lui, qu'il s'agit d'un marché de dupes dans lequel les Etats-Unis sont perdants. Il veut des concessions de Pékin et court le risque, pour parvenir à ses fins, d'une forte tension entre les deux pays.

Ce revirement diplomatique s'accompagne d'un deuxième changement majeur : un rapprochement avec la Russie de Vladimir Poutine. Trump est déjà en train de rompre avec la stratégie occidentale de ces dernières années, c'est à dire une politique de sanctions pour répondre à l'expansionnisme russe, notamment à la prise de contrôle de la  Crimée et à la déstabilisation de l'Ukraine.

Moscou n'hésite plus à s'ingérer dans les élections américaines et ... françaises

S'il opère bien ce double mouvement, Trump va, de fait, modifier la carte du monde. L'Union européenne ne peut en ignorer les conséquences tant sa relation avec les Etats-Unis en souffrira. Que va faire l'Europe avec la Russie si Washington change vraiment  de cap ? Peut-elle agir toute seule et maintenir ses mesures de rétorsion ?  A-t-elle une chance de tirer son épingle du jeu si les relations entre Pékin et Washington se dégradent ? Quel rôle entend-telle jouer dans le nouvel ordre mondial qui se profile à court terme?

La France doit faire entendre sa voix mais le peut-elle ? En vérité, elle est l'arme au pied pour plusieurs mois. François Hollande n'a plus d'avenir politique. Sa voix n'est donc plus crédible sur la scène internationale. Personne n'écoutera un homme qui aura quitté ses fonctions au mois de mai prochain. Comme les campagnes présidentielles ne se gagnent pas sur les questions de politique étrangère, ces dossiers pourtant essentiels ne seront pas non plus abordés sérieusement dans la bataille élyséenne. On l'a constaté dans la primaire de la droite. On le vérifiera avec la primaire de la gauche. Ni l'Europe ni ce nouvel ordre mondial ne seront au cœur de la bataille élyséenne. Autant dire que nous sommes affaiblis dans une période cruciale.

Mais il y a pire. L'élection américaine a révélé un phénomène inédit : pour la première fois publiquement, une puissance étrangère, la Russie, a tenté de peser - et peut-être a réellement pesé - sur le résultat de la course à la Maison Blanche. Poutine avait fait ouvertement de Trump son candidat et son favori. Il a visiblement oeuvré pour sa victoire parce qu'il savait trouver en lui un partenaire plus compréhensif. Cette ingérence dans les élections d'un autre pays, contraire à tous les usages démocratiques, fait désormais partie de la stratégie poutinienne. La Russie aidera sans vergogne les candidats les plus ouverts à ses positions internationales. Ainsi a-t-on entendu le Président russe se réjouir ouvertement de la victoire de François Fillon dans la primaire de droite. Là encore, il a choisi son interlocuteur.

A Moscou comme à Washington, soutenir Marine Le Pen pour mieux disloquer l'UE

Le maître du Kremlin, probablement, ne va pas en rester là. Il pousse plusieurs pions. Notamment le Front national. Marine Le Pen, au mois de mai dernier, lui a déjà fait une promesse : si elle est élue présidente, elle reconnaîtra la Crimée russe. On comprend que le Front national ait déjà obtenu un prêt de 9 millions d'euros d'une banque russe et espère boucler le budget de Marine Le Pen pour la présidentielle grâce à Moscou. Une bagatelle de 25 à 30 millions d'euros ! Bref, dans la mesure du possible, Poutine pèsera sur la campagne élyséenne pour influencer la diplomatie de notre pays par la suite. Pour parvenir à ses fins, il peut, apparemment, compter, sur l'équipe Trump. En effet, le Front national a aussi les faveurs de la nouvelle administration américaine. Futur conseiller de Donald Trump à la Maison Blanche, très proche de lui, Stephen Bannon ne s'en cache pas : il souhaite aider le Front national. Il envisage même pour parvenir à ses fins d'installer en Europe son site d'information Breitbart news. Son projet, qui est aussi celui de Trump : affaiblir l'Europe, voire détruire l'Union. Le Brexit a fait son affaire. Une victoire de Marine le Pen le comblerait car l'Union européenne pourrait alors être disloquée.

Dans le nouvel ordre mondial que rêvent d'installer Trump et Poutine, l'Europe ne peut avoir un rôle majeur. Ils considèrent que la France peut en devenir le maillon faible, notamment en cette période électorale. Leur volonté d'ingérence est évidente. Face à cette situation, il faudrait que les candidats à la présidentielle expliquent aux Français les enjeux de la nouvelle situation internationale en train d'émerger, leur position sur ce sujet, c'est-à-dire leur vision de la France et de l'Europe dans le monde de demain matin. C'est beaucoup plus important que leurs litanies sur le temps de travail, les heures supplémentaires ou  le 49.3!

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