C’est le dernier argument en vogue pour dissuader tout candidat à la présidentielle qui serait aussi candidat à la réforme: ne faites pas ça, vous allez tuer la croissance! La vérité est au contraire que tout doit être fait pour que la France retrouve le potentiel de croissance qu’elle a perdu - y compris prendre le risque de la mettre un temps en panne. Imaginez un capitaine dont le bateau est en péril parce que le moteur a des ratés. Certes, il avance, mais lentement, la machine donne de graves signes de faiblesse et c’est principalement sur sa lancée qu’il continue son chemin. Que devrait -il faire? Prier pour que tout rentre miraculeusement en ordre et poursuivre sa route tant que cela est possible? Ou bien, au contraire, stopper le navire, réparer, et repartir quand le moteur aura recouvré ses capacités? Poser la question, c’est y répondre.
Au fil des dernières décennies, la machine économique française s’est essoufflée, étouffée par les taxes, la bureaucratie et le poids de la sphère publique. Comme l’a justement pointé Nicolas Baverez, nous sommes passés d’une croissance à 3% et plus dans les années 70 à une progression de 1% du PIB environ au fil des dernières années. Oui, il y a eu la crise – mais d’autres ne l’ont-ils pas connue eux-aussi? Comment expliquer que, sauf les rares pays qui ont fait les mêmes choix imbéciles que nous (Italie, Grèce…), tout le monde ait renoué avec un niveau d’activité comparable à l’avant-2007, voire nettement supérieur? Pourquoi l’Allemagne, qui avait plongé plus durement que nous durant la crise, se trouve-t-elle aujourd’hui, en points d’indices (base 100 en 2007), trois ou quatre points au-dessus de nous? Rions un peu: la Suède vient d’annoncer une année 2016 un peu décevante. Elle aura enregistré une croissance de 3,4% seulement, contre 4,1% pour l’an dernier. Dur…
Profiter dès 2017 du bénéfice d'une conjoncture internationale porteuse
La croissance potentielle est LE vrai problème de notre pays. Dans la configuration actuelle, nous devons nous contenter de 1,5% les « bonnes » années, souvent moins. Pour résorber le chômage, il nous en faudrait le double. Ce n’est pas inatteignable : il y a seulement 20 ans, nous en étions capables, et beaucoup de pays comparables le sont aujourd’hui. Mais cela ne se fera pas sans, justement, des « réparations » qui, incontestablement, peuvent avoir un prix à court terme. En taillant dans la dépense publique, on prend ainsi par exemple le risque que le peu de croissance qui nous reste disparaisse: dans un premier temps, cela consistera à couper un moteur de l’activité. Mais la question n’est pas là. Car, si l’on ne taille pas dans la dépense publique, nous ne pourrons plus jamais espérer sortir de la croissance molle. Le risque vaut donc évidemment d’être couru.
Mieux : il n’est pas impossible que le meilleur moment pour courir ce risque soit précisément 2017. D’abord, parce que le fameux « alignement des planètes » - euro, taux et pétrole faibles - qui nous a sauvés du désastre depuis 2 ans (mais sans nous permettre de redémarrer vraiment) est en train de disparaître - autant dire que la croissance que nous pouvons espérer toutes choses égales par ailleurs est spécialement navrante, et que la mettre en péril n’est pas un sacrifice bien coûteux. Ensuite, parce que la probabilité que nous bénéficiions de la croissance des autres est sans doute plus élevée qu’elle ne l’a été depuis longtemps: les Etats-Unis, à tort ou à raison, sont sur le point de se jeter dans une relance dont toute la planète bénéficiera et, suivant les conseils d’organisations internationales qui lui demandent à l’unisson de prendre une plus grande part du fardeau collectif, l’Allemagne va probablement cesser de thésauriser. Il est donc raisonnable de penser que nous bénéficierons dans les dix-huit mois à venir d’une conjoncture internationale porteuse, susceptible de compenser l’effet potentiellement récessif de coupes budgétaires.
Profitons-en, cessons de nous bercer de l’illusion que l’on peut avancer vite et longtemps avec un mauvais moteur, et réparons !