Macron, le candidat qui inquiète le camp Fillon

La dynamique Macron, plus neuf, plus audacieux que le champion de la droite, inquiète les fillonistes. Qui préparent la riposte...

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François Fillon et Emmanuel Macron.
François Fillon et Emmanuel Macron.

Temps de lecture : 6 min

Chez Fillon, on ne s'endort pas sur les lauriers de la primaire. La trêve des confiseurs est mise à profit afin de trouver une parade à la dynamique sondagière du candidat Macron. « On va la trouver, pas d'affolement », jure-t-on dans l'équipe du candidat LR. Il est vrai que l'ancien ministre de l'Économie a réussi à bluffer les plus incrédules en remplissant une grande salle de meeting à Paris et en damant le pion au candidat libéral conservateur dans le sondage Elabe (*) paru la semaine dernière. Macron, avec 48 % de réponses positives, apparaît comme « l'homme politique de l'année », devançant son rival LR (44 %). Même auprès des sympathisants de droite, Fillon, avec 67 %, ne creuse pas de gros écarts sur son cadet « progressiste » (61 %).

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Macron, ce sont les fillonistes qui en parlent le mieux, mais en off. « Il est plus neuf que Fillon élu depuis 1981, relève l'un d'eux. Il est aussi libéral que Fillon, mais lui y ajoute une dimension sociale et sociétale qui élargit son spectre. Enfin, il est positif, optimiste, quand Fillon est churchillien et promet du sacrifice. »

La tactique classique consistera à rappeler que Macron ne peut pas se désolidariser du quinquennat Hollande, dont il fut l'un des artisans tant durant la campagne de 2011 qu'à l'Élysée ou à Bercy. Comme le répète François Fillon, « avec la loi Macron, on nous a promis de libérer la croissance et on a fini avec plus de bus sur les routes ». En somme, un maigre bilan économique. À droite, on insistera sur le fait qu'il était le conseiller de François Hollande quand ont été décidées, en 2012 et en 2013, les deux lois de finances qui ont assassiné les classes moyennes en termes d'impôts.

Se méfier des ruades du peuple français

Tout cela est vrai et, néanmoins, on remarquera qu'Emmanuel Macron a réussi cette acrobatie consistant à être au coeur du pouvoir pendant quasiment quatre ans sans subir l'outrage du temps. Ses transgressions répétées vis-à-vis de la doxa socialiste lui ont permis de s'en exonérer pour partie. Double acrobatie qu'il faut saluer puisque, s'agissant des 35 heures, Macron réussit le double salto en les condamnant durant l'exercice de son magistère pour finalement en conserver l'essence une fois candidat à la présidence de la République. Ne vient-il pas, en effet, d'indiquer que la limite hebdomadaire légale des 35 heures continuerait de servir de seuil de déclenchement des heures supplémentaires ? La souplesse que Macron introduit vient du fait que la majoration des heures sup se négociera au niveau de l'entreprise, quitte à ce que l'accord trouvé entre les partenaires sociaux s'oppose à toute majoration. Mais cela signifiera que les salariés en auront décidé ainsi...

Bref, Macron, 39 ans depuis le 21 décembre, pose un problème à Fillon, 62 ans, qui doit éviter d'apparaître à la fois comme « l'homme du passif » (le quinquennat Sarkozy) et « l'homme du passé » (23 ans les séparent). Face à Alain Juppé, Fillon n'avait aucun de ces deux soucis. Les deux hommes avaient été ministres de Sarkozy et chacun avait exercé suffisamment longtemps les responsabilités pour ne pas s'embrocher sur ce thème. Face à Macron, c'est une autre paire de manches ! Il faut aussi se méfier de ce peuple français qui, on l'a vu, rue dans les brancards comme un cheval de rodéo et éjecte de la selle tous les cavaliers « trop vus à la télé ». Nicolas Sarkozy, Cécile Duflot, Alain Juppé et François Hollande en savent quelque chose...

Macron léger sur la défense

Néanmoins, Fillon dispose d'atouts majeurs. D'abord, une crispation du pays qui conduit le balancier à revenir vers le conservatisme : c'est la fameuse « droitisation » dont Sarkozy pensait faire son cheval de Troie pour revenir dans la place forte élyséenne. Macron, de ce point de vue là, promène une image de « mondialisation heureuse » et ses choix libéraux sur la société ne vont pas dans le sens de ce vent réac. Il fait confiance, par exemple, aux jeunes des banlieues pour « réussir », « devenir des milliardaires » quand l'opinion a plutôt tendance à s'en méfier... Ce qui pose d'ailleurs d'énormes problèmes au pays tout entier pour faire redémarrer l'ascenseur social. Fillon, lui, ne transige pas et envoie un signal fort quand il dit : « Un délinquant n'est pas un jeune qui se cherche, c'est un délinquant. »

Deuxième atout pour Fillon : son expérience et son équipe. Dans une époque marquée par les attentats, les menaces persistantes, Fillon a connu, à Matignon, suffisamment d'alertes sécuritaires pour endosser la responsabilité de faire la guerre ou non, d'envoyer ou non nos soldats risquer leur vie... Fillon a présidé la commission de la Défense. Il connaît ces questions. Emmanuel Macron ne s'est guère aventuré dans ce domaine, sauf à promettre des effectifs supplémentaires dans le régalien (ce que Fillon se refuse encore à faire, considérant que les 39 heures chez les policiers et gendarmes suffiraient) ou à renforcer les moyens du renseignement. Mais il ne dispose pas dans son équipe de poids lourds dans ce domaine. Il lui faudrait, par exemple, le renfort d'un Le Drian pour être crédible. Pour l'heure, le ministre de la Défense a pris fait et cause pour Valls.

Fillon n'a pas ce problème : à droite, il dispose de troupes aguerries pour cette charge difficile, dont le soutien de Gérard Longuet, ancien ministre de la Défense. La question sécuritaire ne sera pas sans poids dans la campagne, surtout si les terroristes devaient frapper une nouvelle fois le territoire...

Qui ouvrira la cage aux oiseaux du PS ?

Enfin, il y a la configuration de cette élection qui, pour l'heure, protège Fillon d'une concurrence trop rude du jeune Macron. Marine Le Pen n'a pas grand-chose à faire pour se maintenir haut dans les sondages tant le rejet de la classe politique traditionnelle est fort quand il ne s'exprime pas par l'abstention. La leader du FN n'est pas vraiment entrée dans la mêlée et se situe tranquillement plusieurs coudées au-dessus de Macron. Le candidat d'En Marche ! subit, qui plus est, une concurrence de la gauche de la gauche avec la percée de Jean-Luc Mélenchon, qui profite des déboires du PS.

En somme, Fillon possède deux alliés objectifs : Le Pen qui barre la route du second tour et Mélenchon qui rogne à l'ancien ministre de l'Économie une partie de la gauche. Tactiquement, le PS tente de sortir de l'ornière avec cette primaire et sa grosse couverture télévisée (trois débats les 12, 15 et 19 janvier). Macron survivra-t-il à cette charge médiatique ? Le vainqueur de la primaire sera-t-il suffisamment consensuel pour maintenir l'unité du PS derrière lui ? Le pire scénario pour Fillon serait qu'Arnaud Montebourg l'emporte, occasionnant un report massif des électeurs modérés du PS vers la candidature Macron. La cage aux oiseaux de la Rue de Solférino serait ouverte. Car l'ancien banquier pourrait alors éventuellement se projeter au second tour. Et, dans un duel Fillon-Macron, qui peut être certain du résultat ?


(*) Sondage réalisé auprès d'un échantillon représentatif (méthode des quotas) de 952 personnes, interrogées par Internet les 20 et 21 décembre.
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Commentaires (192)

  • papapaola

    Que les "arguments" et les programmes des uns ou des autres. Macron a de fortes chances !

  • DU BETON 33

    Au début, Emmanuel MACRON c'était rien. Un épiphénomène, puis mon Dieu pour un météore qu'est ce qu'il inquiète ! Vous avez bien raison, nous serons nombreux à voter pour lui.

  • JDECLEF

    Pour troubler toutes les élections en France et çà passionne les français gogos?!

    Macron, personnalité politique en qui les Français ont le plus confiance !

    Les français sont ambivalents, versatiles et surtout conservateurs, pleutres en fait depuis des décennies, ils votent toujours pour les mêmes que l’on revoit immanquablement à chaque élection présidentielle et avec de fausses alternances qui ne changent en rien !

    Ho bien sûr, ils râlent sans cesse demandent du changement à chaque fois, mais ne font rien pour cela et s’étonne après des résultats !

    E. MACRON c’est électron libre, il est la seule nouveauté, alors pourquoi pas la jeunesse, le dynamisme, ce n’est pas un illuminé, comme l’extrême droite ou gauche et n’est pas issu de ces castes de partis politiques ringards poussiéreux, c’est peut être une alternative à toute cette classe politique française sclérosée!?

    Peut-être qu’il pourrait renverser cette table lézardée et usée de nos politiciens élus ringards souvent trainant en plus des casseroles et protégés derrière des boucliers et privilèges divers d’un autre âge!?

    F. FILLON le nanti bourgeois sarthois hobereau, soit disant en tête de ces sondages (suite à sa victoire à la primaire de la droite LR) ce qui devraient être interdit en période électorale, il n’a rien de nouveau, un vieux politicien, ex ministre et 1er ministre pour résumer, il veut faire une politique d’extrême rigueur à marche forcée en demandant au plus pauvres et basses classes moyennes majoritaires dans notre pays de se serrer la ceinture et en privilégiant les classes aisées riches dont il fait partie, il n’y a pas besoin de sortir de grandes écoles d’administrations pour faire cela en renvoyant les français dos à dos et en coupant la France en deux !

    Ça fait plus de trente ans que l’on fait cela !

    Il faudrait que les français retrouvent leur courage et leur imagination et ne pense pas « au chacun pour soi » leur principal défaut et qu’ils se prennent en main pour changer cela !