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États-Unis : quels enjeux derrière la loi qui protège les athées ?

Les athées américains, s'ils ne représentent que 3% de la population, ont vu leur proportion doubler entre 2007 et 2014. Ils sont 13 % dans le monde. © Andrew Winning / Reuters/REUTERS

Alors que son mandat s'achève, le président américain vient d'entériner une modification de loi sur la liberté de religion à l'international, qui inclut dorénavant les athées comme groupe à protéger au même titre que les différents groupes religieux.

C'est aux États-Unis, le pays dont la devise officielle n'est autre que «In God we trust» («Nous nous en remettons à Dieu»), qu'une décision historique vient d'être prise par Barack Obama: celle de modifier une loi datant de 1998 concernant la protection des croyants dans le monde. Elle prévoit désormais également la reconnaissance et la protection des personnes athées.

«La liberté de croyance, de conscience et de religion protège les croyances aussi bien théistes que non théistes et le droit à ne pas professer et ne pas pratiquer de religion» précise le nouveau texte. La loi condamne désormais le fait de «viser des non-théistes, humanistes et athées en raison de leurs croyances». Les principaux amendements votés, s'ils sont valables pour le continent américain, ont également pour objectif de permettre aux États-Unis d'exercer une pression diplomatique sur des groupes étrangers qui ne sont pas des États souverains (comme Daech mais aussi Boko Haram) mais aussi de renforcer le suivi des prisonniers religieux dans le monde.

● Une forme de «diplomatie morale»

Pourquoi une telle décision de Barack Obama? «Car il termine la dernière ligne droite de sa présidence et il sait que son bilan est très mitigé, notamment en politique étrangère, ce qui est d'autant plus difficile qu'il a eu le prix Nobel de la paix dès le début de son premier mandat. C'est une forme de diplomatie morale que certains, en dehors des États-Unis, verront comme une forme d'impérialisme hérité du wilsonisme», explique Lauric Henneton, maître de conférence à l'université de Versailles Saint-Quentin et auteur de l'«Histoire religieuse des États-Unis» (Flammarion, 2012).

« L'athéisme a longtemps été considéré comme une forme de déviance morale et politique »

Lauric Henneton, auteur de «Histoire religieuse des États-Unis»

S'il est lui-même croyant, que ses discours se terminent immanquablement par «Dieu protège l'Amérique» et que l'on y trouve d'innombrables références aux valeurs chrétiennes, Barack Obama n'est pas indifférent à la question de l'athéisme - c'est parmi cette population qu'il avait recueilli le plus de suffrages lors des deux élections qu'il a remportées - s'efforçant même depuis le début de son premier mandat à les inclure au même titre que les croyants dans ses prises de parole publiques. Lors de son discours d'investiture en 2009, il avait marqué les esprits en devenant le premier président à évoquer les athées américains en déclarant: «Nous sommes une nation de chrétiens, de musulmans, de juifs, d'hindous et de non-croyants».

● Une avancée historique

Todd Stiefel, millionnaire et membre de la Coalition laïque, a déclaré dans un entretien à Libération que la cause athée serait «le prochain grand mouvement pour les droits civiques aux États-Unis», après celui des années 60 qui concernait les Noirs, puis les femmes et enfin les homosexuels. Car aux États-Unis, les non-croyants sont mal perçus: selon un sondage Gallup, à peine 45% des Américains seraient prêts à voter pour un candidat à la présidentielle qui serait athée, soit même moins que pour un candidat musulman!

Les athées américains ont vu leur proportion doubler entre 2007 et 2014

Selon Lauric Henneton, aux États-Unis, «l'athéisme a longtemps été considéré comme une forme de déviance à la fois morale et politique. Politique parce qu'il était notamment le propre des marxistes donc des communistes, donc des ennemis de l'intérieur et de l'extérieur pendant la Guerre froide, mais aussi déviance morale dans la mesure où une majorité d'Américains considèrent toujours que la foi conditionne le sens moral, que l'on a besoin d'être croyant pour faire la part du Bien et du Mal». D'autant plus qu'outre-Atlantique, contrairement à l'Europe où l'athéisme est souvent lié à une indifférence vis-à-vis de la pratique religieuse, «on assiste à un athéisme militant», ajoute Lauric Henneton, ce qui renforce les antagonismes.

● L'athée américain victime de discriminations

Les athées américains, s'ils ne représentent que 3% de la population, ont vu leur proportion doubler entre 2007 et 2014. Ils sont surreprésentés chez les jeunes, notamment les moins de 30 ans, et on peut s'attendre à ce que leur nombre continue de croître. Mais l'athéisme, aux États-Unis, n'est pas toujours bien perçu: «C'est l'association à l'ennemi soviétique qui a contribué à diaboliser l'athéisme». Et les exemples de cette discrimination - qui engendrent de plus en plus de procès - ne sont pas rares. Dans le domaine politique d'abord, «c'est toujours le lien entre foi et sens moral qui pousse à la fois les électeurs à se détourner des candidats soupçonnés de ne pas être très marqués par les principes religieux, de même que les candidats peu religieux n'osent pas se présenter», explique Lauric Henneton.

Un sénateur américain de Californie qui avait déclaré être «agnostique» avait été soumis à de multiples critiques il y a quelques années. Et le prochain président Donald Trump, lors de son investiture le 20 janvier prochain, devra jurer comme ses prédécesseurs sur la Bible et le texte officiel du serment officiel qu'il prononcera comporte la phrase «So help me God» («Que Dieu me vienne en aide»).

En 2014, un sergent de l'armée de l'air américaine qui a refusé de prêter serment devant Dieu s'était vu menacé de renvoi s'il n'acceptait pas de prêter serment sous la formule «que Dieu me protège», lors de sa demande de réengagement. Et ce alors que l'article VI de la Constitution des États-Unis précise qu'«aucune profession de foi religieuse ne sera exigée comme condition d'aptitude aux fonctions ou charges publiques sous l'autorité des États-Unis». Certaines organisations privées, dont la plus célèbre est Boy Scouts of America, n'autorise pas les membres non-croyants. Pourtant, elles bénéficient largement de l'argent du contribuable via des aides publiques, des pratiques régulièrement dénoncées par certaines associations athées.

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174 commentaires
  • Yves ROY

    le

    A force d'entendre parler des religions et de voir que ça a provoqué des guerres et que ça continue, il y a vraiment de quoi devenir athée pour ceux qui ne le sont déjà. Je me souviens d'une citation de mon professeur de français, au collège, il y a 65 ans, de Jacques Prévert , notre père qui êtes aux cieux restez-y. Et puis je m'en suis toujours tenu à la recommandation de mon père, dans la vie tu mènes ton chemin honnêtement sans faire de mal à personne, et si toutefois existe le paradis, tu y auras droit comme tout le monde. Il est à noter que le président Obama, avant de quitter le pouvoir, se rend compte qu'il est temps de préserver certaines libertés, et aussi d'arrêter de détruire la planète en stoppant les forages dans l'antartique... dommage que cela n'ait pas été fait plus tôt, à la fin du premier mandat par exemple.

  • DIABLOV

    le

    L'athéisme est une religion : c'est croire que Dieu n'existe pas

  • LYDIA LEGRAND

    le

    c'est une satisfaction apprendre que l'atheisme soit reconnu par tout dans le monde. La religion catholique est basee sur des mensonges et comptes des fees crees par les mandataires de la plus grande mesonges du monde.. desolee pas d'accents dans mon laptop.

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