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Libération
Xénophobie

La Tunisie se décide à agir contre le racisme anti-Noirs

L’agression de trois étudiants congolais samedi a suscité l’émoi. Le Premier ministre a demandé le vote en urgence d’une loi criminalisant le racisme.
par Atouma Diarra
publié le 27 décembre 2016 à 13h21

Samedi 24 décembre, trois Congolais, deux femmes et un homme, ont été agressés dans le centre-ville de Tunis. Les deux femmes ont été blessées grièvement à la gorge et le jeune étudiant, en essayant de les aider, aurait reçu un coup de couteau au bras. Tous les trois ont été transportés à l’hôpital Charles-Nicolle de Tunis a indiqué Mehdi Ben Gharbia, ministre des Relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et les organisations des droits de l’homme. L’agresseur qui souffrirait de problèmes psychologiques a été arrêté et placé en garde à vue, relaye l’agence Tunis Afrique Presse.

Lundi, journée nationale [de lutte] contre les discriminations raciales en Tunisie, le Premier ministre Youssef Chahed a annoncé le débat en urgence d'une loi contre le racisme : «Il faut une stratégie nationale afin de changer les mentalités, [et] une loi qui criminalise la discrimination», a-t-il déclaré.

Car le racisme anti-Noirs est un véritable fléau en Tunisie. L'agression de samedi  s'ajoute à la longue liste d'actes racistes que subissent les étudiants d'Afrique noire. Une xénophobie au quotidien, comme le rapporte le témoignage sur Facebook d'une jeune Tunisienne racontant une scène à laquelle elle a assisté en novembre dans un bus au cours de laquelle une femme lançait à un étudiant : «Hé, le Noir, lève-toi, je veux m'asseoir.»

«Esclaves affranchis»

Les agressions et discriminations ne visent pas uniquement les étudiants d'Afrique noire mais aussi les citoyens tunisiens noirs. Selon les associations qui luttent contre le racisme, ils représentent 15% de la population nationale. En raison de leur couleur de peau, ces derniers sont encore assimilés à des esclaves. D'ailleurs «les actes de naissance des personnes habitant Djerba, connue pour sa concentration d'habitants noirs, portent toujours la mention "esclaves affranchis"»dénonçait déjà en 2013 Maha Abdelahmid, cofondatrice de l'Association de défense des droits des Noirs à Tunis, au micro de RFI.

Société civile

Saadia Mosbah, présidente de l'Association tunisienne M'nemty, partage cette analyse : «Le racisme est enraciné dans nos sociétés. Le Noir est pour beaucoup un Nègre, un être inférieur. Beaucoup réagissent différemment envers les immigrés selon leur couleur de peau. L'Européen est ainsi le bienvenu, il est respecté, contrairement aux Noirs», confiait la militante au Huffington Post Maghreb.

En octobre, Mehdi Ben Gharbia s’était engagé à prendre des mesures suite à l’énième agression d’une Tunisienne noire . Mais aucun projet de loi n’avait été déposé. En juin, des organisations de la société civile avaient présenté leur propre proposition de loi criminalisant toute forme de discrimination, et obtenu le soutien de députés de la majorité.

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