Irak : dix ans après sa mort, la nostalgie Saddam

Saddam Hussein a été pendu à Bagdad le 30 décembre 2006. Dans le pays en proie à la violence et à la corruption, certains regrettent le dictateur.

Source AFP

Saddam Hussein à son procès à Bagdad le 30 décembre 2006. Le dictateur, condamné pour crime contre l'humanité pour avoir fait exécuer 148 chiites en 1982, a été pendu peu après.
Saddam Hussein à son procès à Bagdad le 30 décembre 2006. Le dictateur, condamné pour crime contre l'humanité pour avoir fait exécuer 148 chiites en 1982, a été pendu peu après. © CHRIS HONDROS / POOL / AFP

Temps de lecture : 3 min

Il y a 10 ans, le 30 décembre 2006, l'ex-président irakien Saddam Hussein mourait pendu, trois ans après sa capture rocambolesque, criant sa haine des Américains et des Iraniens sous les quolibets de gardes chiites. Après une décennie de guerre civile, des Irakiens entretiennent la nostalgie du dictateur « qui savait tenir le pays ». Comme Anouar qui en fait commerce et vend photos, ceintures collector ou timbres à l'effigie de l'ancien président dans son échoppe de Bagdad.

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IRAQ-POLITICS-EXECUTION-ANNIVERSARY ©  SABAH ARAR / AFP
Une montre à l'effigie du dictateur dans une échoppe de Bagdad en 2016. © SABAH ARAR / AFP

Dans son magasin, Anouar est fier de caresser le cuir d'une ceinture-holster surmontée d'un « De la part du président Saddam Hussein ». « C'était un cadeau que Saddam offrait aux officiers méritants », relève le commerçant, qui propose aussi des timbres d'époque à l'effigie de l'ancien dictateur ou des albums de photos à sa gloire. Mais il concède que la clientèle nostalgique du « raïs » se fait rare ces temps-ci. Il a même tout l'air d'être lui-même son meilleur client. « Je cherche en permanence des articles relatifs à Saddam, mais quand je les trouve, souvent je les garde pour moi », avoue le jeune homme, qui vend surtout des bibelots anodins, du vase au pendentif, qui n'ont rien à voir avec la politique.

Puis il lance d'un air grave : « Saddam Hussein a montré qu'il savait tenir le pays. » « Et je dis ça en fils du Sud » de l'Irak, glisse Anouar pour dire, implicitement, qu'il est chiite comme la majorité de ses concitoyens. Une posture effectivement inattendue, car le sunnite Saddam Hussein a eu la main lourde avec les chiites et les Kurdes. C'est pour la mort de 148 chiites en 1982 à Dujaïl, au nord de Bagdad, qu'il a été condamné à la peine capitale, puis pendu le 30 décembre 2006, près de quatre ans après sa chute et la mise en place d'un gouvernement dominé par les chiites.

Alors pour Khalaf Abdel-Samad, député de Dawa, l'un des plus grands partis chiites d'Irak, ce dixième anniversaire marque « le jour de la fin de la tête de serpent, qui n'a fait que réduire les Irakiens au rang de citoyens humiliés ». Sous la férule de Saddam Hussein, la répression était brutale, les guerres contre l'Iran (1980-1988) ou du Golfe (1990-1991) dévastatrices et les sanctions internationales cinglantes.

J'aime la justice et nous en manquons cruellement aujourd'hui

Mais l'invasion de l'Irak en 2003 par une coalition emmenée par les États-Unis, l'atroce conflit religieux de 2006-2008 et, aujourd'hui, l'offensive contre le groupe État islamique (EI) ont précipité le pays dans un déchirement permanent qui fait regretter à certains Irakiens la stabilité dont ils jouissaient sous Saddam Hussein, malgré l'absence de démocratie. Dans le magasin d'Anouar, Abou Oussama jauge les timbres à l'effigie de Saddam. Abou Oussama est sunnite et ancien officier de l'armée du dictateur. Paradoxalement, il dit ne pas apprécier Saddam Hussein, « mais j'aime la justice et nous en manquons cruellement aujourd'hui ». Abou Oussama n'achètera rien aujourd'hui. Ses souvenirs de l'époque de Saddam, il les a chez lui, en photos.

Omniprésents dans les rues et les bâtiments officiels sous son règne, les portraits de Saddam Hussein ont été remplacés par les effigies de dignitaires religieux et les photos de soldats et policiers morts en « martyrs » dans leur combat contre les djihadistes de l'EI. Une autre manière d'investir l'espace public qui ne déplaît pas forcément à Ilaf, étudiant en droit à Bagdad venu acheter des pierres semi-précieuses chez Anouar. Ilaf n'avait que huit ans lorsque Saddam a été renversé. Difficile d'avoir une opinion quand on n'a pas connu la paranoïa du régime, alors Ilaf ose la métaphore : « Saddam Hussein était un énorme serpent. Aujourd'hui, c'est une multitude de petits serpents qui nous dirigent », résumant la défiance des Irakiens face à leurs dirigeants. En 2015, l'Irak pointait à la 161e place (sur 168) dans le baromètre mondial de la corruption établi par l'ONG Transparency International. Le Premier ministre Haider al-Abadi peine à concrétiser les réformes promises destinées à s'attaquer à ce fléau qui pénalise la population.

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Commentaires (28)

  • Djidji-amore

    Les dictateurs sont toujours soutenu par au moins un tiers de leur population, sinon ils ne peuvent pas rester au pouvoir.

    (Poutine ou Erdogan font beaucoup mieux avec 70% peut être, comme quoi la democrature c'est plus efficace que la dictature)

    Après, pour les français en manque d'autorité qui sont indulgents envers lui (j'ai lu vos commentaires), pour rappel il a déclenché deux guerres sans y être poussé tant que cela par les US, il a tué son ministre d'une balle dans la tête en plein conseil des ministres, et il a passé sa carrière "militaire" à couper les mains d'innocents. Littéralement, cherchez sur le Web.

  • graindesel

    "Saddam Hussein a été exécuté par les Américains le 30 décembre 2006"
    ...
    cqfd
    la vérité éclate plus de dix ans plus tard !

  • jeanlouis69

    Certes Saddam n'est plus de ce monde mais on voit surtout ce qu'il est advenu depuis l'intervention américaine. 10 ans après l'épisode irakien, c'est l'ensemble du moyen orient qui s'est embrasé avec les conséquences que nous voyons ici ou là comme par exemple ce qui se passe en Syrie. Chaque fois que les américains interviennent de par le monde, ils ne laissent derrière eux que ruines et désolation. C'est hélas une constance en même temps qu'une constatation facile à tirer.