Agressions sexuelles : l’année où les femmes ont brisé le silence

Agressions sexuelles : l’année où les femmes ont brisé le silence

photo de profil

Par Daxia Rojas

Publié le

Hashtags, Tumblr, T-shirts, unes de magazines… En 2016, les victimes d’agression sexuelle ont plus que jamais brisé la loi du silence. Rétrospective, avec notre team Snapchat Discover.

À voir aussi sur Konbini

Les célébrités aux avant-postes

En octobre, l’actrice Rose McGowan (connue pour Charmed) accuse sur Twitter, sans le nommer, un célèbre producteur de cinéma de l’avoir violée à l’aide du hashtag #WhyWomenDontReport (“pourquoi les femmes restent silencieuses”). Un secret de polichinelle selon l’actrice.

Pire, une avocate lui avait déconseillé de porter plainte sous prétexte qu’elle avait tourné une scène de sexe dans un film. Sous-entendu, elle n’aurait eu aucune chance de gagner un procès.

En quelques semaines, d’autres révélations de célébrités fusent, créant à chaque fois un raz-de-marée médiatique.L’actrice Tippi Hedren (Les Oiseaux) sort le 17 novembre des mémoires où elle explique avoir subi des attouchements sexuels dans les années 1960 de la part du réalisateur Alfred Hitchcock. L’héroïne de Westworld, Evan Rachel Wood révèle, quant à elle, fin novembre dans une interview à Rolling Stone, puis dans un tweet, avoir été violée à deux reprises, par son petit ami et le patron d’un bar.

En France, l’animatrice Flavie Flament raconte dans son livre La Consolation, paru en octobre, avoir été violée à l’âge de 13 ans par un photographe mondialement connu. Elle confirmera ensuite qu’il s’agissait de David Hamilton. Son geste pousse plusieurs autres victimes du photographe à témoigner à leur tour dans la presse. En plein cœur du scandale, David Hamilton se donne la mort. Il ne sera donc jamais jugé.

Des hashtags et des femmes

Cette libération de la parole a été amplifiée et rendue possible par les réseaux sociaux. Plusieurs hashtags ont ainsi fleuri sur la Toile toute l’année pour encourager les femmes à mettre des mots sur leurs agressions sexuelles, soutenir et enrayer la stigmatisation des victimes.

#IBelieveSurvivors émerge en mars en réponse à l’acquittement, au Canada, de Jian Ghomeshi un musicien et animateur de radio accusé d’agressions et violences sexuelles par trois femmes. Le hashtag #whatIknow s’impose le même mois aux États-Unis lorsque la romancière Jessica Knoll explique dans une tribune avoir été victime, comme le personnage de son roman, d’un viol en réunion à l’âge de 15 ans.

La lettre virale d’une victime à son violeur

Publiée en juin sur BuzzFeed et devenue virale, la lettre d’une jeune femme à son violeur a été lue plus de 11 millions de fois, partagée, retweetée. Retrouvée inconsciente derrière une benne à ordure, la jeune fille a été agressée sexuellement par Brock Turner, une star de l’équipe de natation de l’université de Stanford. De quelle peine a écopé Brock Turner ? Six mois de prison. Face à la clémence du verdict, le hashtag #ThingsLongerThanBrockTurnersRapeSentence a vite enflammé Twitter.

On peut aussi citer le #WhyWomanDontReport, qui évoque les raisons poussant les femmes à ne pas dénoncer un viol : la peur d’être accusée de mensonge, la honte, la pression familiale. Ou encore en Europe de l’Est, le hashtag #Jenaipaspeurdeparler, créé par la militante des droits des femmes Anastasia Melnytchenko.

Face à Donald Trump, les “chattes” sortent les griffes

Les agressions sexuelles ont été au cœur de l’actualité durant la campagne présidentielle américaine. En plus du procès contre Bill Cosby, accusé de viols et d’agressions par 35 femmes, le candidat Donald Trump a défrayé la chronique avec ses saillies sexistes. En octobre, une vidéo fuite et montre le futur président des États-Unis se vantant d’être un prédateur sexuel. “Je n’attends même pas. Quand tu es une star, elles te permettent tout. Tu peux tout faire. Les attraper par la chatte” (“Grab them by the pussy” en anglais), explique-t-il sur l’enregistrement.

Ces propos misogynes provoquent immédiatement un tollé. Des membres du Feminist Fight Club créent le hashtag “pussygrabsback”, qu’on peut traduire par “les chattes contre-attaquent”, et qu’elles déclinent en image puis T-shirts. Une partie des bénéfices de la vente de ces objets sont ensuite versées à RAINN, la plus grande association américaine de lutte contre les violences sexuelles.

Agir contre le victim shaming

La France, n’est pas en reste dans la prise de parole féminine contre les agressions sexuelles. En octobre, la féministe qui tient le blog Crêpe Georgette lance le Tumblr “Coupable de mon viol”. Il compile des témoignages anonymes de femmes qui ont été culpabilisées après avoir été violées.

Que ce soit des stars ou des anonymes, la prise de parole sur le viol est vitale et nécessaire. Elle offre aux femmes la possibilité de se réapproprier la narration de cette expérience traumatique. Cette démarche permet aussi à de nombreuses victimes de comprendre qu’elles ne sont pas seules, au contraire.

Il y a au moins 75 000 femmes victimes de viol ou de tentatives de viol par an en France. Or, seulement 10 % de ces viols font l’objet de plaintes. Il est temps que cela change. Si 2016 est l’année de la fin du silence, espérons que 2017 sera celle de l’action contre la culture du viol.

Article de Daxia Rojas, édité par Rachid Majdoub