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Les jeux d'argent, un impôt démocratique

Par Jean-Pierre Martignoni-Hutin (Sociologue)

Publié le 30 déc. 2016 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

Que cela plaise ou non, les jeux d'argent représentent un formidable impôt démocratique. C'est la seule fiscalité volontaire, et tout le monde peut jouer, sans distinction d'origine sociale, de richesse ou de couleur de peau. Dernière vertu de l'impôt ludique, tous les joueurs ont leur chance - Fortuna, la divinité latine de la chance, a les yeux bandés.

Dans une période où les Français subissent une fiscalité confiscatoire, chacun devrait se réjouir de cet impôt indolore qui rapporte de l'argent à l'Etat, aux communes, aide le sport, la culture et donne parfois du bonheur aux gens. Mais cette pratique culturelle populaire est en permanence médicalisée par certains addictologues, qui exploitent le business du jeu compulsif. L'association jeu = drogue = dépendance = isolement est omniprésente. L'hypocrisie est totale, le double langage constant. Derrière la façade d'une politique de jeu responsable, nous observerons qu'en réalité l'Etat n'a jamais vraiment assumé d'être un Etat croupier. Il a transformé la moralisation en pathologisation.

Fait social et culturel très ancien, le jeu n'est pas une maladie. C'est un loisir, une passion qui a même parfois des effets thérapeutiques grâce à l'espoir qu'il suscite, aux sociabilités qu'il entraîne. Loteries, casinos, hippodromes font en outre partie du patrimoine ludique national. Les grands « casinos resorts » associent hôtellerie, restauration haut de gamme, thermalisme, spectacle et attirent une clientèle internationale. La filière hippique fait rayonner la France dans le monde (Grands Prix, ventes de yearlings) grâce au PMU et à ses 6,5 millions de turfistes. Les 32.000 revendeurs de la FDJ jouent également un rôle social insoupçonné dans la vie de nos villes, quartiers et campagnes.

L'hypocrisie actuelle apparaît donc contre-productive, nonobstant les conflits d'intérêts entre Bercy, la FDJ et la doxa du jeu pathologie. Cette politique ambiguë gêne bien entendu les opérateurs. Les casinotiers ont perdu 24 % de leur volume d'affaire en sept ans. Seule la FDJ en profite, mais pour combien de temps ? L'opérateur historique a perdu 1,6 million de joueurs en six ans.

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Deux députés (Régis Juanico, Jacques Myard) ont été nommés fin 2015 rapporteurs d'une mission d'évaluation de la régulation des jeux d'argent. Souhaitons que les pouvoirs publics profitent de ces travaux pour lancer des états généraux des jeux d'argent, afin que la politique du secteur ne soit plus prise en otage par des fonctionnaires de Bercy, des addictologues, des associations familiales antijeu. Il est également temps que l'Etat revoie sa copie en matière de recherches sur les jeux, que les joueurs soient partie prenante de cette politique, que la représentation nationale favorise le développement de cette activité économique. Une belle opportunité a été manquée avec l'implantation d'un casino à Paris. A la suite du rapport du préfet Duport, favorable au projet, Anne Hidalgo a répondu que ce n'était pas sa tasse de thé !

En attendant que ce projet soit étudié plus sérieusement par le gouvernement, suggérons-lui d'organiser une mégaloterie, comme le font les Américains avec le Powerball et comme le perpétuent les Espagnols depuis 1812 avec la Loteria de Navidad. En relançant l'impôt ludique, l'Etat ne ferait que renouer avec l'histoire. Les loteries importées d'Italie par Casanova ont fait rentrer de l'argent dans les caisses publiques, et les révolutionnaires de 1789 ont transformé la Loterie royale en Loterie nationale. La manne ludique a ensuite aidé les gueules cassées de la Grande Guerre et, en 1933, les parlementaires ont réintroduit la Loterie pour lutter contre les calamités agricoles. Dans toutes ces époques, le jeu n'était pas synonyme d'addiction mais de solidarité. Comme l'a précisé le professeur Pierre Tremblay (Université du Québec, Montréal), l'exploitation par les Etats des jeux de hasard est un phénomène universel dont la finalité originelle est humanitaire et vise le développement du bien commun.

Jean-Pierre Martignoni-Hutin

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