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THE AMERICANS S02E13

«Les promesses de Trump sont une vraie source d’inquiétude pour nombre d’économistes»

Jusqu'à la fin de l'année, «Libération» interroge un acteur de la société américaine après l'élection présidentielle. Aujourd'hui, pour le dernier épisode de cette seconde saison, Mark Williams, professeur de finance à l’université de Boston.
par Tolly Taylor
publié le 1er janvier 2017 à 11h49

Mark Williams est professeur de finance à l’université de Boston. Il revient sur le programme économique que Donald Trump pourrait appliquer d’ici les quatre prochaines années et les inquiétudes que cela suscite.

Que retenez-vous des propositions économiques de Donald Trump à ce stade ?

Ses objectifs sont très ambitieux. Donald Trump veut que la croissance des Etats-Unis représente chaque année autour de 3,5-4% de hausse du PIB au cours de la prochaine décennie. C'est un peu difficile car l'économie américaine est déjà la plus grande au monde, avec un PIB de près de 18 000 milliards de dollars en 2016, soit 22% du PIB mondial. D'ici 2020, on s'attend à une croissance du PIB mondial à un petit peu plus de 3% par an en moyenne. Si nous représentons déjà la part la plus grande du PIB mondial, il sera très difficile pour nous de toute façon de croître davantage que cette moyenne annuelle. Donald Trump a aussi promis la création de 25 millions nouveaux emplois. Même sous l'administration Reagan [1981-1989, ndlr], considérée pour avoir connu une très forte croissance économique, la hausse du PIB était de 3,4% par an. Et le nombre d'emplois créés pendant ce mandat a été d'environ 16 millions. La question qui se pose est donc, comment va faire Trump ?

Dans quelle mesure est-il réaliste que Trump instaure les taxes sur les importations qu’il a mentionnées à plusieurs reprises dans ses discours et que se passerait-il s’il le faisait ?

C'est une vraie source d'inquiétude pour nombre d'économistes. L'idée serait de renégocier les accords commerciaux existants. Ce qui pourrait impliquer d'imposer des taxes allant jusqu'à 45% sur les produits chinois importés aux Etats-Unis. Nous passerions ainsi d'une politique de libre-échange à une politique de protectionnisme. Nous reviendrions ainsi aux années 30, où la loi tarifaire Smoot-Hawley [qui avait augmenté les droits de douane sur plus de 20 000 produits importés par les Etats-Unis, ndlr] avait créé une économie isolationniste. Nous aurions ainsi des guerres des monnaies et des guerres commerciales en guise de riposte. Dans un sens, c'est une sorte de commerce à la Star Wars. Si les Etats-Unis augmentent leurs droits de douanes sur la Chine provoquant ainsi un renchérissement des exportations, les Chinois feront de même sur les exportations américaines. Cela finira par avoir un impact sur les monnaies. En effet, si nous taxons la Chine, elle peut très bien riposter en jouant aussi sur la valeur de sa monnaie. En clair, en faisant en sorte qu'elle se déprécie par rapport au dollar américain, ce qui rendra d'autant plus compétitifs les produits chinois. Tout cela ne peut se faire de manière isolée, car nous ne vivons pas coupés du reste du monde. L'économie est globalisée et, du coup, la macroéconomie est plus importante que la microéconomie.

Comment percevez-vous les actions comme celle que Trump a menée avec Carrier, le fabricant américain de climatiseurs, qui a annoncé le 29 novembre vouloir renoncer à délocaliser 1 400 emplois au Mexique après avoir obtenu un accord avec le président élu ?

C’est très préoccupant de voir un président élu qui interfère dans l’économie du libre-échange et choisi les gagnants et les perdants. Et il n’est pas évident que Carrier soit le gagnant. Il n’est pas très sain d’avoir ce genre d’interventions.

Que pensez-vous de la promesse de Trump de renoncer à ses affaires ?

Selon ses propres paroles, Trump va en réalité passer les rênes à son gendre. Le problème est que la marque Trump est internationale. Les terroristes pourraient cibler n'importe quel Tour Trump dans le monde entier et transformer cela en crise politique. Ses actifs sont potentiellement risqués du fait de sa notoriété. Notoriété qui pourrait également faire prospérer ses affaires dans ces divers hôtels présents dans le monde entier. Il y a donc beaucoup de conflits d'intérêts qui ne peuvent être résolus qu'à la condition qu'il se sépare de ses biens. Et il a déjà dit clairement qu'il ne le ferait pas.

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Quelles pourraient être les conséquences d’une politique anti-immigration aux Etats-Unis ?

C'est un projet très dangereux. Aux Etats-Unis, nous avons actuellement une pénurie de main-d'œuvre qualifiée, mais aussi non-qualifiée. L'un de nos atouts est notre solide système éducatif, grâce auquel nous attirons des étudiants étrangers. Si nous restreignons le bassin de talents, nous allons restreindre notre capacité de répondre aux demandes du marché mondial. Et si nous limitons notre bassin d'emplois, nous allons réduire nos avantages compétitifs sur le marché du travail mondial. C'est préoccupant. En limitant l'immigration, vous allez porter atteinte, finalement, à la prospérité économique.

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