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Hervé Di Rosa, en toute modestie

La Maison rouge, à Paris, expose les myriades d’objets réunis par l’artiste collectionneur, en quête à travers le monde d’objets d’art accessibles à tous.
par Clémentine Mercier
publié le 1er janvier 2017 à 17h26

Il sonne comme la chanson d’une âme solitaire ou le nom d’un site de rencontre amoureuse. «Plus jamais seul», c’est le titre de l’exposition d’Hervé Di Rosa à la Maison rouge. Dans l’espace parisien, l’artiste né à Sète en 1959 est là, très bien entouré. Il a été invité à la Fondation Antoine de Galbert pour présenter son travail et ses objets de collection, comme Arnulf Rainer en 2005 ou Jean-Jacques Lebel en 2010. Et des objets, il y en a des centaines : étagères pleines de vaisselle, vitrines de jouets, escadrons de modèles réduits, portant avec série de tee-shirts, amoncellement de figurines, mur entier de canevas ringards, véritable taxi de Manille, ribambelle d’ex-voto, un gros aquarium et même des piles de boîtes en plastique pour ranger ce déluge…

Or, bronze et nacre

«Plus jamais seul» est une exposition-portrait en forme de rêve de gamin. Le rêve compulsif d'une déferlante de choses à regarder et à acheter. Dans ces murs, Hervé Di Rosa, l'inspirateur de la figuration libre, mouvement artistique des années 80 boudé par la suite, est tellement cerné par l'avalanche d'objets qu'on ne sait plus très bien lui rendre ce qui lui appartient. Hervé Di Rosa a foi dans l'art modeste, sorte de label qu'il a inventé pour définir un art accessible à tous : «Que ce soit avec un œuf Kinder ou avec un ex-voto, il faut savoir regarder. L'art modeste n'est pas un genre, c'est un regard différent sur les choses.»

Il faut rencontrer l’homme pour comprendre que toutes ces choses procèdent de lui. Tel un diable à ressort, il surgit au cœur de l’exposition avec des tableaux, des sculptures, des céramiques, puis s’efface par endroits, en mode camouflage, au cœur de ses collections.

A la Maison rouge, Hervé Di Rosa est un chef d'orchestre caméléon qui épouse les techniques des autres pour mieux se ressourcer. Il a, depuis plus de vingt ans, fondé sa pratique sur le voyage et l'échange avec des artistes et artisans lointains. Avec Antoine de Galbert, ici commissaire, ils avaient par exemple fait émerger la scène artistique de Winnipeg, au Canada. Antoine de Galbert est aussi membre du conseil d'administration du Miam (Musée international des arts modestes) que l'artiste a fondé à Sète en 2000. Ensemble, ils partagent le goût des découvertes, de l'art des marges, et travaillent au dialogue entre art savant et art populaire. «Je collectionne même les cadeaux du MacDo», avance l'artiste avec son accent méditerranéen. Il voudrait donner un jour ses trésors de pacotille et de valeur. En 2000, il a déjà fait un don au Miam.

Rencontré dans son exposition, Hervé Di Rosa virevolte, boulimique et prolixe. Installé depuis trois ans au Portugal pour la 19e étape de son tour du monde, il y pratique la céramique. Mais avant cela, il a vécu aux Etats-Unis, a voyagé au Vietnam, au Mexique, au Ghana, en Afrique du Sud, au Cameroun et cherche depuis peu des destinations plus proches, moins «exotiques», comme la Corse. Le but est d'expérimenter les techniques artisanales (feuille d'or, bronze, tissage, nacre, terre cuite…) de travailler avec d'autres et de s'en inspirer. Comme avec Alfredo Vilchis, peintre à Mexico. Di Rosa montre ici les ex-voto qu'il lui a commandés d'après des photos de famille mais aussi les scènes typiques et réalistes du pintor del Barrio, tout à fait étonnantes : remerciements à la Vierge pour avoir échappé au 11 Septembre, survécu à une opération à l'hôpital ou échappé à une maladie grave…

Pas de Playmobil

Le parcours de l’exposition part des dernières pièces en céramique réalisées au Portugal et évoque les boutiques d’édition fondées à la fin des années 80 par les frères Di Rosa. On y vendait des tee-shirts, de la vaisselle, des jouets. Mais l’aventure du merchandising artistique en franc-tireur fut casse-gueule. Les frères ont dû fermer rideau.

Derrière une vitrine, on peut voir «la Famille», un ensemble de figurines édité par Starlux, parmi les premiers objets d'art en boîte produits comme des figurines de mangas, de cinéma ou de comics. «La figurine, pour moi, c'est de la sculpture. C'est la figure humaine, le monstre, le personnage, le héros… Dans les années 70, j'avais 10 ans et j'étais frustré. Je collectionnais les bandes dessinées belges. En 1972, Pilote est arrivé avec Metal hurlant, l'Echo des savanes, les Bazooka dans Libé. A l'époque, tout se passait dans l'imprimé, il n'y avait pas la 3D. En fait, je rêvais de voir en volume les personnages dont j'adorais les aventures.» Il s'est bien rattrapé depuis. Dans la partie la plus foisonnante de l'exposition, les murs sont tapissés de super-héros dans leurs emballages plastiques et une table est recouverte de petits personnages (pas de Playmobil, «trop normal»). Parmi ceux-ci, un modèle réduit de Spirou «le premier objet de merchandising en 1946, en bakélite et en tissu. Spirou était mon préféré, Tintin me faisait chier, il était un peu bourge, un peu straight. Rien que pour les figurines, j'ai 250 caisses. Le plus long, ce n'est pas d'acheter, c'est de ranger et de faire l'inventaire.»

Vers la fin, on découvre un cabinet de curiosités farci de figurines, dont le saint patron des narcos trafiquants, des céramiques avec diables à moto, une tête-publicité pour l'aspirine argentine, un Goldorak et Mister Choc… Parmi eux, un drôle de Robot perlé clouté (2013) et une grosse Molaire (2007) en céramique réalisés par l'artiste. Face à ce joyeux capharnaüm, on perçoit l'indissociabilité entre l'art de Di Rosa, une époque et ses objets. Plus loin, une toile, 730 Aftermath (2005) : c'est la piscine remplie de détritus après l'ouragan Katrina devant la maison de l'artiste à Miami. Un «clin d'œil punk à David Hockney».

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