Sans-abri : avec le froid, les signalements au 115 ont triplé à Paris

Avec la baisse des températures, le nombre d'appels de particuliers au 115 pour signaler des sans-abri a triplé dimanche à Paris. Mais impossible de trouver une solution pour tous.

Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), le 1er janvier. Au bout du fil, les employés du Samu social répondent aux questions des personnes en détresse et tentent de leur trouver des solutions.
Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), le 1er janvier. Au bout du fil, les employés du Samu social répondent aux questions des personnes en détresse et tentent de leur trouver des solutions. LP/OLIVIER ARANDEL

    La nuit dernière, le prix de la place qu'elle occupait dans une auberge de jeunesse a augmenté de 8 €. Impossible de suivre. D'ici à quinze jours, Gabriella* le sait : elle sera venue à bout des maigres économies qui lui permettaient encore de dormir au chaud. Alors, dimanche, comme une résolution, la trentenaire a pour la première fois appelé le 115, le numéro d'urgence pour les personnes sans solution d'hébergement.

    « Quand j'ai senti le froid ce matin, j'ai compris qu'il y avait urgence. Je dois prendre le taureau par les cornes. Avant, je pensais que le 115 était pour les losers. Aujourd'hui, je sais que ça n'a rien de honteux », explique-t-elle d'une voix ronde et claire. Gabriella* vient d'un milieu favorisé. Elle a fait une grande école de commerce. Mais une mauvaise spirale l'a aspirée vers le bas. « Ça fait six mois que je dors parfois chez des copains, parfois en auberge, parfois sur le siège d'un cybercafé ou dans des bars de nuit. »

    A l'autre bout du fil, Maïlys écoute religieusement, pose des questions dans le discret centre d'appel du 115 à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), où elle travaille depuis dix mois. Maïlys n'a que 21 ans mais sait rassurer. « C'est super », « ça, c'est génial », lui répond Gabriella à chaque proposition, comme celle d'aller dans un accueil de jour pour femmes, afin d'y faire des démarches pour obtenir le RSA mais aussi de s'y laver et d'y laver ses vêtements.

    Pourtant, au fond, les nouvelles ne sont pas bonnes. Maïlys n'a aucune proposition d'hébergement de nuit à lui offrir. A 17 heures, dimanche, le panneau lumineux accroché dans la salle de régulation est très clair : il n'y a aucune place de libre à Paris. « Nous sommes confrontés à un manque de places d'hébergement, notamment pour les personnes seules. 1 200 places hivernales supplémentaires ont été mises en place, mais elles sont loin d'être toutes disponibles ( NDLR : beaucoup font encore l'objet de travaux) », s'alarme Emmanuelle Guyavarch, la directrice du 115.

    Après une nuit de réveillon en maraude auprès des démunis, elle a passé sa journée de dimanche au centre d'appel à ruser pour dégoter des solutions. Car les appels, eux, continuent d'arriver. « J'ai froid, je vous en prie. Est-ce que je peux avoir une place ce soir ? » demande Hamadou*, 24 ans. Les appels émanent des SDF, mais pas seulement. Les températures négatives ont multiplié par trois le nombre de particuliers manifestant leur inquiétude pour tel ou tel sans-abri. Près de 200 dimanche contre 70 en temps « normal ».

    Pic de signalements

    « Nous avons un pic de signalements : le froid sensibilise les gens. Pour faire face à la baisse des températures, les maraudes sont renforcées avec des coopérations avec des associations comme la Croix-Rouge », note le président du Samu social de Paris, Eric Pliez.

    Pris dans l'esprit de Noël, nous nous rendons peut-être davantage compte de la dangerosité qu'il y a à dormir dehors en ce moment... « Le risque d'hypothermie est bien réel, reprend Emmanuelle Guyavarch. Pour se réchauffer, certains se mettent sur des bouches de chaleur. C'est très dangereux, avec des risques de brûlures ». « Pour la maman, j'ai une solution ! » annonce soudain une coordinatrice. Après des appels à foison, cette mère seule et ses quatre enfants pourront, eux, dormir au chaud.

    * Les prénoms ont été changés.