Le procès divise profondément Israël depuis des mois. Un tribunal militaire a déclaré ce mercredi coupable d'homicide un soldat franco-israélien accusé d'avoir achevé un assaillant palestinien. Les trois juges vont prendre plusieurs semaines avant de prononcer leur peine à l'encontre du soldat, qui encourt vingt ans de prison.
Le sergent Elor Azaria est jugé depuis mai 2016 pour avoir tiré une balle dans la tête d'un Palestinien gisant au sol et apparemment hors d'état de nuire. Il venait d'attaquer au couteau des soldats en Cisjordanie occupée, à Hébron.
Profondes fractures dans l'opinion israélienne
Le cas d'Elor Azaria, âgé de 19 ans au moment des faits en mars 2016, a mis en lumière de profondes lignes de fracture dans l'opinion, entre ceux qui plaident pour le strict respect par l'armée de valeurs éthiques et ceux qui invoquent le soutien dû aux soldats confrontés aux attaques palestiniennes. L'état-major poussait à ce qu'il soit jugé.
Des accrochages ont éclaté entre des dizaines de jeunes supporteurs du soldat et les forces de l'ordre à l'extérieur du quartier général de l'armée où le tribunal statuait. Deux personnes ont été arrêtées, selon la police.
"Le peuple d'Israël n'abandonne pas l'un de ses soldats sur le champ de bataille", proclamait une pancarte. Dans un pays régulièrement confronté aux attaques palestiniennes où l'armée est une institution incontournable, des milliers d'Israéliens ont pris fait et cause pour le soldat, lors de manifestations ou sur les réseaux sociaux.
"Ce procès n'aurait jamais dû avoir lieu", a déclaré la ministre de la Culture Miri Regev. Elor Azaria est "notre fils, notre enfant", a-t-elle ajouté. Selon elle, il aurait dû faire l'objet de mesures disciplinaires au sein de son unité.
Avant de devenir ministre de la Défense, Avigdor Lieberman avait signifié son soutien au soldat en assistant au début de son procès. Désormais détenteur de l'un des plus importants portefeuilles gouvernementaux, il a indiqué ne pas aimer le jugement, tout en appelant à le respecter et "à faire preuve de retenue". "J'appelle le monde politique à cesser de s'en prendre aux responsables des services de sécurité, à l'armée et à son chef d'état-major", a-t-il dit.
Quant au Premier ministre Benjamin Netanyahu, il s'est déclaré en faveur d'une grâce. Le président Reuven Rivlin a jugé prématurée toute demande, qui ne peut être faite que par le soldat, son avocat ou sa famille proche, une fois tous les recours juridiques épuisés, selon son bureau.
Un meurtre filmé par un activiste
Le soldat a été filmé le 24 mars 2016 par un activiste de l'ONG israélienne B'Tselem alors qu'il tirait une balle dans la tête d'Abdel Fattah al-Sharif à Hébron. Atteint par balles, ce dernier gisait à terre grièvement blessé et ne posait apparemment plus aucun danger. Son complice était apparemment déjà mort. Attention, ces images peuvent choquer:
Les Territoires palestiniens, Jérusalem et Israël étaient alors en proie à une vague de violences quasiment quotidiennes. L'affaire semble être l'un des cas les plus flagrants d'usage excessif de la force dont sont régulièrement accusées les forces israéliennes vis-à-vis des Palestiniens.
Le jeune soldat, constamment entouré des siens au cours des mois de débats, avait plaidé non-coupable. Il pensait que le Palestinien dissimulait sous ses vêtements une ceinture d'explosifs, ont expliqué ses avocats. Ces derniers ont aussi argué, contre les conclusions de l'autopsie, que le Palestinien était déjà mort quand le sergent avait tiré.
Abdel Fattah al-Sharif est mort "inutilement", selon la cour
La présidente de la cour a mis à bas une à une les lignes de défense des avocats d'Elor Azaria. Elle a retenu les témoignages selon lesquels le soldat avait déclaré sur place que le Palestinien méritait de mourir. Elor Azaria savait ce qu'il faisait, a-t-elle dit, ajoutant que le Palestinien était mort "inutilement".
"Un verdict juste, selon moi, serait semblable à celui que reçoivent nos fils: la prison à vie, sans libération anticipée", a pour sa part réagi Yousri al-Sharif, le père du Palestinien tué.