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Le retour de l’inflation signe un tournant de la mondialisation

Les prix recommencent à monter. La hausse générale des salaires dans le monde l’explique.La course de la mondialisation au toujours moins disant est finie. Les conséquences seront lourdes pour le pouvoir d’achat.

Par Eric Le Boucher (éditorialiste aux « Echos »)

Publié le 5 janv. 2017 à 13:25

Chacun rira ou pleurera, selon son humeur, de voir les candidats à l’élection présidentielle tirer des plans sur la comète : 100 milliards d’économies sur cinq ans pour François Fillon, des dépenses de relance pour Arnaud Montebourg, hausse de 10% du RSA et baisse de la CSG pour Benoit Hamon, etc. Pour faire sérieux, les postulants alignent des mesures très précises et publient en annexe un « chiffrage » à la virgule près, qui finit de démontrer leur absence de sérieux. Comme si le monde dans lequel nous sommes ne se caractérisait pas d’abord et principalement par une imprévisibilité générale. Qui, il y a un an croyait au Brexit, à l’élection de Trump, à une paix russe en Syrie ? Qui, il y a un an, anticipait le retour de l’inflation ?

Dernière des surprises, absolument ignorée par nos candidats : la hausse des prix n’est plus nulle. En Allemagne, en décembre, elle a atteint 1,7% sur un an, tirée par l’énergie et les produits alimentaires. Les ménages outre-Rhin commencent à regarder vers Francfort et à reprendre leurs récriminations contre la Banque Centrale Européenne coupable de laxisme monétaire : quand les gardiens de la monnaie européenne vont-ils enfin agir contre cette inflation qui pointe ? En France, la hausse des prix n’est que de 1% sur un an mais en avril dernier Bercy tablait encore sur 0% en 2016, croyant fermement que cette stabilité des étiquettes était là pour durer très longtemps.

Les prévisions pour 2017 sont d’une hausse des prix à la consommation de plus de 2% aux Etats-Unis, de 1,7% dans la zone euro et en France, de plus de 3% en Grande-Bretagne. L’inflation n’est pas de retour stricto sensu. Rappelons que les Banques Centrales considèrent qu’une hausse annuelle de 2% est normale et souhaitable, c’est le niveau d’amélioration moyenne des produits et services en un an. L’inflation n’apparaît qu’au dessus de ce 2%, quand le prix monte plus vite que la qualité intrinsèque. Nous n’en sommes pas là. Mais les prix recommencent à monter et les consommateurs, comme les Allemands, vont très vite s’en rendre compte. Ils en ont perdu l’habitude de prix qui gonflent et cela augure de réactions très défavorables.

Cette remontée n’est pas éphémère. Elle provient d’une amélioration mondiale des salaires, la course de la mondialisation au toujours moins disant est finie. La paie progresse en Chine de 15-20% chaque année. Beaucoup de pays ont décidé de créer ou de relever leur salaire minimum. D’autres sont au plein emploi et logiquement les salariés deviennent plus exigeants. Aux Etats-Unis, les bulletins de salaire ont grimpé de 2,4% en 2016. Deuxième facteur explicatif : les prix des matières premières qui repartent vers le haut. Le pétrole en est l’exemple phare, l’accord au sein de l’OPEP contresigné par la Russie a poussé le baril de 35 dollars en début d’année dernière à 60 dollars aujourd’hui. Mais la reprise est vraie pour tout, les cours ont cru en moyenne d’un tiers selon l’indice S&P des matières premières en 2016.

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Dernier facteur, lui potentiel : le protectionnisme. L’élection de Donald Trump laisse planer le danger de guerres commerciales ponctuelles ou inter-régionales en tout cas imprévisibles et brutales. On en ignore les conséquences. Mais on sait que l’effet sera inflationniste. Le nationalisme veut relocaliser des emplois, ce résultat est loin d’être garanti mais il est une certitude : les consommateurs paieront plus cher. Un iPhone produit aux Etats-Unis coûterait 2000 dollars contre le quart pour ceux venant actuellement d’Asie.

La première incidence de ce réveil des prix porte sur les taux d’intérêt. Ici aussi les habitudes des Etats ont été très vite prises de taux nuls, ils vont devoir oublier. L’emprunt payé par l’Etat américain pourrait repasser la barre des 3% cette année. Le taux du Bund allemand est attendu vers 1,1% en fin 2017, le taux français déjà autour de 0,9% suivra entre 1,5 et 2%. Rappelons que la France va emprunter 210 milliards cette année, le coût de l’argent va déjouer tous les plans de financement du futur président.

La deuxième conséquence sera d’amoindrir le pouvoir d’achat. Au moment même où les dirigeants politiques prennent conscience des colères de la classe moyenne, cette évolution va les prendre à contre-pied. Une hausse de 1,7% du prix du caddie, ce n’est pas rien. Si ce chiffre venait à gonfler encore, par exemple si le baril pétrole arrivait à 80 dollars, la perte sèche pour les ménages serait très douloureuse. Les gouvernements qui ont choisi l’emploi comme priorité, c’est vrai pour Donald Trump mais aussi pour François Fillon, vont se retrouver devant une demande populaire contradictoire de pouvoir d’achat. Pour Trump, le pari pouvait être fait d’une petite hausse des prix au profit du réarmement industriel du pays. Si l’inflation dépasse 2% le calcul n’est plus tenable : les ménages vont avoir le sentiment de trop s’appauvrir. Pour François Fillon même dilemme : la politique de l’offre peut prévaloir tant que le pouvoir d’achat ne souffre pas trop. Au delà d’un certain niveau, le consommateur va réoccuper le devant de la scène.

Le retour des prix non-nuls vient déjouer les plans de campagne. En France, croissance faible, 1,3% pour cette année, selon la Banque de France, et retour des prix vers les 2% forment une conjoncture inattendue. Ne reste de positif que l’euro « faible », il vaut un dollar. Mais au fait, est-ce si bon pour une France qui exporte si mal ? On ne sait plus très bien. On ne sait plus rien. Les politiques devraient apprendre à le dire.

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