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L’obésité inclinerait le cerveau à l’inactivité physique

Chez l’homme, des expériences ont révélé des déficits de fabrication de la dopamine ainsi que des altérations dans les récepteurs dopaminergiques du striatum en cas d’obésité. 76858972/Kurhan - Fotolia

VIDÉO - Des études sur des souris suggèrent une explication neurobiologique au manque de motivation à faire du sport en cas de surpoids.

Une croyance commune veut que les animaux obèses, voire les humains, soient peu actifs physiquement parce qu’ils doivent porter des kilos en trop. Mais les choses ne sont peut-être pas aussi simples que cela. C’est en tout cas ce que pense Alexxai Kravitz, un chercheur qui étudie les circuits de récompenses du cerveau, et leur dérèglement dans l’obésité, après avoir travaillé sur la maladie de Parkinson. Avec une douzaine de collègues, ce neuroscientifique des Instituts nationaux de la santé américains (NIH, équivalent de l’Inserm en France), vient de publier une étude originale dans la revue fondamentale Cell Metabolism.

Le Dr Kravitz et ses collègues en sont venus à se demander si le manque d’activité physique observé chez les obèses ne prenait pas sa source dans les cellules cérébrales! Plus exactement dans une diminution de l’activité de la dopamine au niveau des cellules d’une zone du cerveau appelée striatum. L’idée n’est pas sans fondements. Le Dr Kravitz s’est inspiré de ce qui se passe dans la maladie de Parkinson ou l’activité dopaminergique est réduite de concert avec la diminution des mouvements. Or, des souris obèses et des souris parkinsoniennes ont des comportements similaires, ce qu’avait remarqué Alexxai Kravitz.

Chez l’homme, des expériences ont révélé des déficits de fabrication de la dopamine ainsi que des altérations dans les récepteurs dopaminergiques du striatum en cas d’obésité. «Nous avons voulu répondre à une question simple», détaille le Dr Kravitz: «Puisque la dopamine est cruciale pour les mouvements et que l’obésité est associée à une réduction des mouvements, les problèmes de dopamine peuvent-ils à eux seuls expliquer l’inactivité physique?» C’est effectivement ce que concluent les chercheurs à l’issue d’une série d’expériences menées avec des souris. «L’inactivité est la conséquence et non la cause de l’obésité», écrivent-ils. La preuve, les souris soumises à un régime riche en graisses commencent à réduire leur activité peu de temps après avoir commencé à grossir et bien avant d’avoir pris l’essentiel de leur surpoids.

«C’est une affirmation un peu excessive, commente pour Le Figaro le Pr Dylan Thompson, de l’université de Bath (Grande-Bretagne), car l’étude n’a pas fait varier le niveau d’activité physique pour en mesurer l’impact sur le bilan énergétique (différence des apports et des dépenses calorique, NDLR) et on ne peut donc pas conclure à partir de ces données sur le rôle de l’activité physique dans le gain de poids au niveau individuel.» Autre bémol de taille: «Les auteurs soulignent eux-mêmes que des résultats contrastés ont été trouvés dans d’autres modèles de rongeurs, remarque le Pr Thompson. Et bien sûr nous ne savons pas comment ces résultats se traduisent pour les humains.»

« De façon générale, la masse accrue avec l’obésité rend les mouvements plus exigeants. »

Pr Thompson

Chez l’homme, justement, un certain consensus émerge des travaux scientifiques qui existent, selon Michel Desmurget, directeur de recherche Inserm, qui a dépouillé plus de 1200 études pour son livre, L’Antirégime, maigrir pour de bon (Éditions Belin). «Il y a un cercle vicieux: plus on prend du poids, moins on fait d’activité physique. Et moins on fait d’activité physique, plus on prend de poids. Jusqu’à une activité physique presque nulle.» Et même les mouvements de base sont réduits. «De façon générale, la masse accrue avec l’obésité rend les mouvements plus exigeants, remarque le Pr Thompson, et, donc, les personnes souffrant d’obésité ont tendance à passer plus de temps assis et moins de temps en raison de l’effort accru qui est nécessaire.»

Or, pour maigrir efficacement, le mieux est d’agir sur les deux leviers que sont la réduction des apports caloriques (les entrées) et l’augmentation des dépenses, grâce à l’activité physique (les sorties). Sans aller trop vite toutefois, pour rester dans la zone d’indifférence calorique afin que le corps ne résiste pas et n’engage pas des contre-mesures qui mènent à la prise de poids rebond. «Il faut se mettre d’accord sur ce que l’on appelle activité physique, insiste Michel Desmurget, les gens pensent que c’est forcément intense, mais ça n’aide pas à la perte de poids. Plus de la moitié des gens qui ont fait un exercice physique important vont en effet compenser en mangeant davantage que ce qu’ils ont dépensé en calories! L’idéal, c’est une activité physique modérée, mais régulière.»

D’autant qu’il faudra continuer à avoir cette activité même lorsque l’on aura atteint son objectif de perte de poids, si l’on ne veut pas reprendre les kilos perdus. Et ce dernier conseil de Michel Desmurget: «L’activité physique peut aider à perdre du poids, mais c’est l’alimentation qui est centrale. En effet, il faut des doses énormes d’exercice pour compenser le poids de l’alimentation. Une tartelette au citron, c’est 90 minutes de marche, un Big Mac plus de 2 heures!»

L’obésité inclinerait le cerveau à l’inactivité physique

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