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Le conseil régional de PACA coupe les vivres à un dispositif de réinsertion sociale

Plusieurs centaines de stagiaires, des jeunes déscolarisés en fin ou en aménagement de peine, se retrouvent privés d’accompagnement.

Par  (Marseille, correspondance)

Publié le 06 janvier 2017 à 10h43, modifié le 06 janvier 2017 à 17h45

Temps de Lecture 3 min.

« Il n’y a que des plus, pas de moins... » Aux journalistes qui l’interrogeaient sur l’équilibre du budget 2017 de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), le président Christian Estrosi (LR) assurait mi-décembre 2016, que les augmentations de financement, notamment en matière de sécurité et d’aide aux entreprises, ne s’accompagneraient pas de coupes dans d’autres domaines.

Depuis ce 1er janvier, un premier « moins » est apparu. Celui concernant la subvention des Espaces territoriaux d’accès aux premiers savoirs (Etaps), structures de réinsertion sociale destinées aux 18-25 ans déscolarisés, en fin ou en aménagement de peines. Des formations professionnelles pour un public très spécifique, dont des fichés « S » radicalisés, incluses depuis 2010 dans la convention annuelle signée par la région PACA avec le ministère de la justice, et qui concernent près de 450 stagiaires par an.

Votée en assemblée plénière le 16 décembre, la convention justice-région (CJR) 2017 évoque toujours l’impérieuse nécessité de « prévenir la délinquance par le soutien aux parcours d’insertion socioprofessionnelle des personnes sous main de justice ». Mais elle réoriente près des deux tiers de son financement – baissé pour la part régionale, de 2,24 millions d’euros à 1,98 million en 2017 – vers l’aide aux victimes, notamment d’attentats, et l’accès au droit et à la justice.

Ce choix politique coupe soudainement les vivres à quatorze structures de la région PACA et menace une soixantaine d’emplois de formateurs. Il prive aussi plusieurs centaines de stagiaires d’accompagnement, d’une couverture sociale et, pour les majeurs, d’une indemnité mensuelle de 350 euros, souvent seule source de revenus.

« Personne ne nous a alertés »

A l’association Appel d’Aires, basée dans le 13e arrondissement de Marseille, le directeur Julien Acquaviva a été le premier à s’alerter. Dans cette structure qui intègre des jeunes gens à d’étonnants projets de design innovant, le dispositif Etaps-CJR représente l’essentiel de l’activité. Et l’aide régionale, 80 % des 170 000 euros de budget annuel.

« Depuis le changement de majorité au conseil régional, fin 2015, nous n’avons pas eu de contact avec les nouveaux élus, raconte Julien Acquaviva. Mais personne ne nous a alertés d’une possible modification de la convention entre la région et le ministère de la justice. »

La structure s’apprêtait à fêter ses 20 ans. Elle vit aujourd’hui « sur ses réserves », en espérant éviter le licenciement de ses trois salariés. A Arles (Bouches-du-Rhône), la Formation professionnelle du Pays d’Arles a stoppé net avant Noël la formation des douze stagiaires qu’elle suivait dans le cadre de la CJR. A sa connaissance, seuls deux d’entre eux ont été réorientés, par la région, vers des structures de formation classique.

Le 14 décembre, un collectif réunissant dix des organismes touchés a écrit au conseil régional PACA. La première question portait sur le devenir des 450 stagiaires annuels, « sachant, écrivaient les signataires, que ceux-ci ne peuvent intégrer durablement tout autre dispositif ». Le 21 décembre, un courrier de l’assemblée territoriale a confirmé l’abandon des Etaps-CJR, dix jours seulement avant leur échéance. « Les jeunes, dans la limite du possible, seront orientés vers des Etaps de droit commun », promet la collectivité. Une proposition que la direction Sud-Est de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), partenaire historique du dispositif, n’a pas souhaité commenter.

Nouvelle ligne de M. Estrosi

Au conseil régional, la nouvelle convention est présentée par la vice-présidente chargée de la sécurité, Caroline Pozmentier (LR), comme « pragmatique », « cohérente », et débarrassée « d’une vision purement sociale et caritative de la délinquance ». L’arrêt du financement du dispositif Etaps-CJR est aussi une conséquence de la ligne tracée par Christian Estrosi en matière de formation.

« Je veux imposer un objectif de retour à l’emploi de 70 % aux organismes formateurs. S’il n’est pas atteint, les financements seront diminués voire supprimés », expliquait le nouveau président en décembre.

Dans le cas des Etaps-CJR, la région PACA estime à 2,2 % le taux de stagiaires ayant retrouvé un emploi sur la période 2014-2015. Un chiffre contesté par les organismes formateurs qui évoquent plutôt des résultats autour de 20 % et mettent en avant les bons retours de leurs partenaires comme la PJJ ou l’administration pénitentiaire.

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Au-delà de la bataille de pourcentages, les structures refusent surtout d’être évaluées comme des formations classiques. « Comment prendre uniquement le critère du retour à l’emploi pour juger notre efficacité avec des stagiaires qui arrivent déscolarisés, parfois sans-papiers, en aménagement de peine avec un bracelet électronique ou après plusieurs années d’incarcération ? », s’émeut Julien Acquaviva.

« Ce qui nous choque, poursuit au nom du collectif, Sabine Fialon, responsable de formation à Grasse (Alpes-Maritimes), c’est que le conseil régional investit dans des caméras mais plus dans l’accompagnement de ces jeunes fragilisés. » Un collègue, qui réclame l’anonymat, dessine, lui, un autre motif d’inquiétude : « Avec la fin de ce dispositif, nous allons abandonner le travail spécifique de resocialisation mis en place avec des jeunes gens fichés “S” radicalisés… Dans les circonstances actuelles, je ne comprends pas la logique de ce choix. »

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